La haute autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées vient de révéler des fraudes dans les opérations d’exportation et de transit des hydrocarbures vers des pays voisins sur les périodes 2017 et 2018. Des détournements qui auraient occasionné des pertes estimées à 16 millions de dollars et impliquent près de 150 opérateurs et entreprises. La société civile appelle à une application stricte de la loi.
Dans le prolongement de son point de presse organisé en août, la haute autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (HALCIA) a poursuivi ses investigations notamment dans les secteurs des hydrocarbures. Les résultats dévoilés dans un communiqué de la HALCIA jeudi dernier font état de fraudes massives. Dans le secteur des hydrocarbures, le rapport a porté sur le volet des exportations au cours de l’année 2017 vers le Mali, le Burkina Faso et le Nigeria ainsi que sur le transit des hydrocarbures pendant la période de mars à mai 2018.
« Sur le volet relatif aux exportations des hydrocarbures, le mode opératoire a consisté à reverser sur le territoire national des hydrocarbures acquis à un prix préférentiel et hors taxes par ce que destinés à être exporté », a précisé le document consulté par la rédaction de La Tribune Afrique.
Pour le modus operandi, les entreprises acquièrent à des tarifs préférentiels du gasoil et de l’essence qu’elles déclarent à la douane comme produit d’exportation à livrer au Burkina Faso, au Mali et au Nigeria. Mais une bonne partie de ces hydrocarbures hors taxes sont revendus et réutilisés sur le territoire national. Au total près de 150 entreprises et opérateurs économiques sont pointés dans cette vaste fraude évaluée à plus de 10 milliards de francs CFA (16,7 millions de dollars). Le montant du manque à gagner relatif au transit des hydrocarbures est estimé à 341 millions de Fcfa (572 000 dollars) et implique une dizaine d’entreprises. Des pertes pour le trésor public et la Société nigérienne des produits pétroliers (SONIDEP) qui commercialise une partie de la production de la raffinerie de Zinder.
Le Niger qui selon le chef de l’Etat prévoit de produire 500 000 barils de pétrole par jour à l’horizon 2025-2030, contre 20 000 barils actuellement est confronté à la difficulté d’assurer une gestion transparente de ses hydrocarbures, avec un manque estimé à plus 7 milliards de Fcfa pour le trésor public, selon les chiffres officiels. Le pays qui mise sur une forte hausse de la production à partir de 2022 a été secoué par plusieurs scandales liés à la SONIDEP, la société des produits pétroliers que l’Etat envisage de transformer en société nationale pour soutenir ses ambitions.
Mettre fin à l’impunité au Niger
Le rapport de la HALCIA est perçu comme un test pour le Niger qui a promis de lutter contre la corruption. «Le rapport relatif à ce document a été transmis au président de la République et au procureur de la République […] » qui décideront de la suite, précise le document signé par Gousmane Abdourahamane, président de la HALCIA. Les membres de la société civile plaident pour une application stricte de la loi, indépendamment du statut des personnes impliquées. Le cas échéant, la hausse du niveau de production annoncé ne pourrait pas générer un développement inclusif, précise-t-on.
Contacté par La Tribune Afrique, Elhadji Idi Abdou membre de la société civile nigérienne et acteur de la lutte contre la corruption nous explique que:
« une lutte efficace contre la corruption doit passer par une forte volonté politique, garantir la séparation des pouvoir et mettre fin à l’impunité. Les acteurs de cette corruption doivent craindre la loi. Certaines autorités comme les députés sont protégés par leur humanité que parfois l’Assemblée nationale refuse de lever même en cas d’accusations de corruption. Le Niger a déjà été confronté à cette situation » .
Source: La Tribune Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-exaucée