Afrique du Sud : Mashaba quitte la mairie de Johannesburg et l’Alliance démocratique

Herman Mashaba a démissionné de son poste de maire de Johannesburg le 21 octobre 2019. 
© GIANLUIGI GUERCIA / AFP

Devenu l’édile de la capitale économique de l’Afrique du Sud en 2016, sous les couleurs de l’Alliance démocratique, Herman Mashaba remet en question la neutralité raciale de ce parti.

Les mots choisis par Herman Mashaba sont forts, et sans équivoque : « Je ne peux pas me réconcilier avec des gens qui ne comprennent pas que l’Afrique du Sud est plus inégale aujourd’hui qu’avant 1994 », écrit celui qui était jusque très récemment le maire de Johannesburg, la capitale économique d’Afrique du Sud. Élu à la tête de cette grande mégalopole en 2016, sous les couleurs de l’Alliance démocratique (DA) le principal parti d’opposition, après avoir battu le candidat du parti de Nelson Mandela, il a fini par jeter l’éponge ce lundi 21 octobre. « Je ne peux plus m’accommoder d’un groupe de gens qui pensent que la question raciale n’est pas un critère pertinent dans le débat sur les inégalités et la pauvreté en Afrique du Sud », a-t-il justifié devant la presse. Son élection cinq ans plus tôt avait créé la surprise car il était le premier maire de la mégapole à ne pas être membre du Congrès national africain (ANC), au pouvoir depuis la fin de l’apartheid en 1994. Il avait été élu pour un mandat de cinq ans. Son départ de la mairie doit prendre effet fin novembre 2019, soit deux ans plus tôt. En plus de sa démission de la mairie, l’homme d’affaires quitte aussi son parti.

Un maire élu contre toute attente

Avant de devenir le maire de Johannesburg, Herman Mashaba était l’un des rares entrepreneurs noirs prospères du pays. Créée en 1985, alors que l’Afrique du Sud était en plein apartheid et que lui-même venait d’un milieu très pauvre, son entreprise de produits capillaires Black like me (« noir comme moi ») a fait de lui un millionnaire. Longtemps, il a soutenu le Congrès national africain (ANC) de Nelson Mandela avant de s’en écarter ces dernières années « Aujourd’hui, les gens sont au chômage, ils vivent dans la misère, ils sont lamentablement trompés par un gouvernement ANC qui ne pense qu’à se servir », déplorait-il. À 60 ans, il était l’une des figures de proue de la DA, encore considérée comme un parti de la minorité blanche du pays. Pourtant le parti est dirigé depuis 2015 par un Noir, Mmusi Maimane. Et l’Alliance démocratique a remporté un succès historique aux élections locales de 2016 en ravissant à l’ANC la tête de plusieurs municipalités emblématiques, dont Johannesburg, mais aussi la capitale politique sud-africaine Pretoria et Port Elizabeth.

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La victoire de Zille au cœur des dissensions

Mais le parti a subi un échec en mai lors des élections générales en ne recueillant que 20,6 % des voix, en nette baisse. Son ancienne cheffe Helen Zille, une Blanche qui a suscité la polémique en saluant les aspects « positifs » du colonialisme, mène depuis des mois la fronde contre Mmusi Maimane. Elle vient d’être élue à la tête du conseil fédéral (une des instances dirigeantes du parti). « L’élection de Helen Zille à la présidence du conseil fédéral représente une victoire pour les membres du DA qui s’opposent à mes croyances et à mon système de valeurs. Je ne peux pas me réconcilier avec un groupe de personnes qui croient que la question raciale n’a rien à faire dans le débat sur les inégalités et la pauvreté en Afrique du Sud en 2019 » a-t-il ajouté. Mashaba avait clairement indiqué qu’il prendrait des mesures décisives si Zille remportait le poste de présidente du conseil fédéral pendant le week-end.

Autant la démission, c’est la réaction du chef du parti, Mmusi Maimane, qui a surpris dans le pays. Ce dernier s’est affiché au côté de l’ex-édile, main dans la main et surtout lui répétant qu’il est son héros. Mmusi Maimane a longuement exprimé sa gratitude au maire sortant de Johannesburg pour les services rendus aux habitants de la ville. « Ce fut mon plus grand honneur de servir et de travailler avec cet incroyable Sud-Africain, Herman Mashaba. Nos chemins se sont croisés pour une raison et un but et nous ne renoncerons jamais à ce but », a exprimé le jeune patron du parti DA. « Quand je regarde les chiffres dans la ville de Johannesburg et que je comprends qu’ils sont les plus hauts jamais atteints, vous savez que votre travail a été extraordinaire pour les habitants de ce pays. »

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Une reconnaissance qui arrive bien trop tard pour beaucoup d’analystes qui pensent que d’autres personnalités noires pourraient quitter le navire DA prochainement. En effet, ils estiment que le parti libéral multiracial est en train de revenir à ses racines d’appartenance à une organisation entièrement blanche. Le sort de son président Mmusi Maimane sera scellé lors du congrès de la direction du parti, l’année prochaine. Mais à en juger la vitesse à laquelle les événements se déroulent, rien ne garantit qu’il sera toujours là.

Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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