Ce mercredi et ce jeudi, le ministre des affaires étrangères se rend à Yaoundé et Douala avec un triple agenda politique économique et sécuritaire.
Entre la France et le Cameroun, l’heure est au réchauffement. Ce mercredi, le ministre des affaires étrangères s’envole pour deux jours à Youndé et Douala, où il rencontrera le chef de l’Etat, Paul Biya. La visite de Jean-Yves Le Drian intervient alors que début octobre M. Biya a orchestré un « grand dialogue national » et libéré une centaine d’opposants politiques dont Maurice Kamto, le plus emblématique d’entre eux.
Le chef de la diplomatie française souhaite ainsi « prendre acte et encourager la poursuite de la dynamique enclenchée là », observe son entourage à la veille du départ. Alors qu’un conflit séparatiste, qui a déjà fait plus de 3 000 victimes et entraîné des dizaines de milliers de déplacés, sévit depuis deux ans dans les régions anglophones du nord-ouest et du sud-ouest du pays, la France a accueilli l’organisation du grand dialogue national comme « une étape importante, attendue, mais qui doit se poursuivre ».
Le ton a changé
Avant l’été pourtant, le ton était bien différent. Auditionné le 28 mai par la commission des affaires étrangères de l’Assemblée, M. Le Drian n’avait pas caché son inquiétude au sujet de ce pays d’Afrique centrale, pourtant essentiel à la stabilité de cette région fragile. Il s’était notamment dit « très préoccupé de la situation de Maurice Kamto », souhaitant alors « que cette figure importante du Cameroun puisse être libérée ». Le leader du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC), premier opposant au chef de l’Etat, avait été arrêté fin janvier avec une centaine de militants, en marge de manifestations de protestation contre les résultats de la présidentielle. De façon plus globale, M. Le Drian avait aussi exprimé à l’Assemblée son inquiétude pour « les zones anglophones » où « la situation continue de se dégrader » et où « les pertes humaines sont de plus en plus lourdes ».
Cinq mois plus tard, le climat a changé et ce déplacement veut « cranter » les avancées. L’entourage du ministre explique que désormais les conclusions du dialogue national « doivent être mises en œuvre ». Aussi Jean-Yves Le Drian va-t-il proposer « une coopération, une assistance technique » pour aider Yaoundé à inventer le « statut spécial » promis dans le cadre du grand dialogue pour les deux régions anglophones. Le ministre offrira aussi un soutien technique pour la mise en place d’une décentralisation et la France se dit prête à « utiliser une partie de son aide au développement pour la poursuite de ce processus ».
Offre d’accompagnement
Alors que des législatives se profilent en février 2020, le chef de la diplomatie française profitera aussi de son déplacement pour faire « une offre d’accompagnement » à l’organisation de ce scrutin. « Il faut que tous les acteurs politiques puissent regarder maintenant vers le futur, notamment les échéances électorales de l’an prochain, qui sont nombreuses », soulignait aussi son entourage mercredi après midi.
Outre ce volet politique, le déplacement de M. Le Drian aura une visée économique – avec la rencontre de chefs d’entreprises français et camerounais à Douala, capitale économique du pays – et un objectif sécuritaire. Le ministre devrait rappeler que les projecteurs braqués sur le Sahel ne doivent pas faire oublier la menace terroriste qui sévit autour du lac Tchad. Le groupe djihadiste Boko Haram a en effet encore fait deux victimes le 9 octobre dans le nord du pays.
L’idée lancée par le président Emmanuel Macron, au sommet du G7 à Biarritz, en août, de monter un partenariat pour la sécurité et la stabilité au Sahel (P3S) pourrait être discutée là sous l’angle de la participation du Cameroun comme du Nigeria. Une façon d’impliquer les voisins du Sahel à l’heure où la force conjointe du G5 Sahel peine à contenir une menace de moins en moins circonscrite. Parti du nord-est du Nigeria, le conflit Boko Haram s’est, lui, étendu au Niger, au Tchad ainsi qu’au Cameroun.
Avec ses 26 millions d’habitants, ce pays reste pourtant un pivot important dans cette zone fragile. Ce voyage de deux jours complets du ministre des affaires étrangères veut prouver la place qu’il occupe pour la France. Le chef de l’Etat, Paul Biya, lui, a été invité au Forum de Paris les 12 et 13 novembre dans la capitale française. A Lyon, le 9 octobre, lors de la reconstitution du Fonds mondial, il avait recontré Emmanuel Macron, qui déjà l’avait déjà félicité.
Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée