Selon la Banque mondiale, l’économie malgache ne s’en sort pas si mal. Une note de l’institution prédit même au pays un nouveau départ.
C’est le moment. « L’aboutissement de l’élection présidentielle en janvier 2019 offre à Madagascar une occasion historique de briser le cycle d’instabilité politique qui a interrompu son processus de développement par le passé et d’accélérer sa revitalisation économique et sociale », écrit Marie-Chantal Uwanyiligira, responsable des opérations de la Banque mondiale à Madagascar, en préambule de la note de conjoncture. En 42 pages, cette étude donne une image très précise de la situation économique du pays, de ses fragilités et des réformes à engager.
« Une économie bien orientée »
Les années de stagnation, avec la crise financière de 2008 puis la crise politique qui a soufflé sur la Grande Île, sont derrière. L’ordre constitutionnel retrouvé en 2014 a permis le retour de la stabilité politique et la croissance économique a atteint 5,1 % en 2018. La meilleure performance depuis 10 ans. En 2019, l’activité économique s’est légèrement tassée par rapport à l’année précédente, avec une croissance prévue de 4,7 %. La Banque mondiale met en avant deux causes principales : l’affaiblissement de la demande des partenaires commerciaux, lié aux répercussions des tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine et, sur le plan interne, la lenteur d’exécution des dépenses publiques.
En effet, note la Banque mondiale dans son rapport, « la formation du nouveau gouvernement, la reconfiguration de certains ministères, la désignation de nouveaux ordonnateurs et la révision du budget de 2019 ont entraîné une certaine lenteur de l’exécution par rapport aux années précédentes ». Quoi qu’il en soit, la croissance exprimée par habitant s’élève à 2 %, soit largement au-dessus de la moyenne subsaharienne de 0,3 %, selon le rapport.
« L’économie est restée bien orientée en 2018 et dans les premiers mois de 2019. Les dérapages macroéconomiques ont été limités, les dépenses restant rigoureusement contenues dans les limites budgétaires », jugeait de son côté le FMI, mi-2019, à l’occasion de sa 5e revue au titre de la facilité élargie de crédit (FEC). La dernière tranche accordée, Madagascar bénéficie d’un financement de 43,7 millions de dollars, ce qui porte le montant total des décaissements au titre de l’accord à 304,5 millions de dollars. La croissance est dynamique, l’inflation est modérée et la position extérieure demeure robuste, constatait alors le FMI.
Et cela devrait encore s’améliorer ! La Banque mondiale anticipe un rebond des investissements publics et de la confiance du secteur privé, qui devrait se traduire par une hausse de la croissance à 5,4 % en 2020-2021. À la bonne santé du secteur des services, devrait s’ajouter une rapide expansion du secteur manufacturier (6,9 %), grâce aux investissements et à l’amélioration de la production d’électricité. Si l’activité du tertiaire croît moins rapidement, compte tenu de son poids, sa contribution dans la croissance du PIB reste primordiale.
Pays toujours vulnérable
Cependant, le pays reste vulnérable, tant aux chocs exogènes – tensions commerciales internationales, hausse des prix du pétrole – qu’endogènes. Les risques de catastrophes naturelles ou d’une chute abrupte du cours de la vanille doivent également être pris en considération, souligne la Banque mondiale. Le pays subit en moyenne trois cyclones par an ! Le manque d’infrastructures, le déficit de capital humain et les problèmes de gouvernance privent le pays d’une croissance plus soutenue et inclusive, affirme le rapport. Malgré la reprise économique, plus de 75 % de la population vit toujours dans la pauvreté avec moins de 1,90 dollar par jour.
Le secteur agricole qui emploie près de 80 % de la population joue un rôle déterminant dans l’évolution de la pauvreté sur la Grande Île. Axée principalement sur l’autosuffisance, l’agriculture souffre d’une faible productivité du travail, d’un accès limité aux intrants et aux crédits, mais aussi aux marchés du fait de l’absence de routes et de pistes. Surmonter ces contraintes demeure un enjeu central, afin de réduire la pauvreté.
Le temps des réformes
Selon la Banque mondiale, le moment pour engager des réformes est particulièrement opportun après une transition politique réussie. « Le pays a une occasion unique de mettre en œuvre des réformes transformatrices et créer un environnement plus compétitif pour les investisseurs privés et la création d’emplois. Cela exigerait une délimitation claire entre les domaines dans lesquels le secteur privé doit jouer un rôle de premier plan et ceux dans lesquels le secteur public est censé agir », commente Marie-Chantal Uwanyiligira.
Les deux institutions de Bretton Woods insistent sur les dépenses prioritaires à mettre en place et les réserves à constituer pour faire face aux circonstances imprévues. « Au-delà des subventions aux transports en commun urbains, qui touchent une petite fraction de la population urbaine et pas nécessairement les ménages les plus pauvres, il est indispensable d’améliorer les filets de sécurité sociale existants », précise le FMI. Le succès de cette stratégie, passe par l’augmentation des recettes tirées des impôts, et à cet égard, il convient de redoubler d’efforts pour éviter d’éroder l’assiette fiscale détaille le FMI.
De son côté, la Banque mondiale souligne aussi l’intérêt qu’aurait Madagascar à procéder à un réexamen de certains abattements et régimes fiscaux préférentiels, qui réduisent de près d’un quart les recettes de l’État chaque année. « Une analyse coût-bénéfice plus systématique et transparente de ces dépenses fiscales permettrait de mieux cerner les mesures inefficaces qui absorbent des ressources pouvant être plutôt allouées à des investissements publics prioritaires ou des dépenses sociales », précise Marc Stocker, économiste senior à la Banque mondiale pour Madagascar et auteur du rapport.
Le climat des affaires
En parallèle, la mise en place d’un climat des affaires plus transparent et prévisible, le pays se classe à la 161e place du Doing Business, contribuerait à attirer des investisseurs et à accroître l’innovation et la productivité. Le rapport se penche sur les obstacles à la concurrence dans des secteurs clés de l’économie notamment dans les télécommunications, les banques, mais aussi le commerce de la vanille et du litchi. La Banque mondiale préconise le renforcement des lois sur la concurrence et de leur application par des régulateurs indépendants, ainsi que la promotion de bonnes pratiques pour les entreprises et les associations professionnelles.
De son côté, le président malgache Andry Rajoelina et son gouvernement travaillent sur la version finale du plan émergent pour Madagascar (PEM) qui doit être présenté fin novembre. Son objectif : stimuler la croissance et réduire la pauvreté. En présentant ses grands projets à travers ce PEM, le gouvernement espère bien par la suite obtenir l’appui financier des bailleurs de fonds.
Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée