L’alternance politique suivie de la coalition de gouvernement signée entre le FCC et CASH créent une situation inédite qui a complètement décontenancé bon nombre d’observateurs de la République démocratique du Congo (RDC). La question posée à la ministre des Affaires étrangères lors des questions au gouvernement au Sénat sur le rappel de deux ambassadeurs a surpris par son origine. Auteure de la question, Francine Muyumba, présidente de la Commission des relations extérieures du Sénat, revient sur l’essence de son intervention afin que le débat s’élève au-delà des personnes.
La genèse vient du rappel définitif pour fin de fonctions, des ambassadeurs Gata Mavita Wa Lufuta Ignas et Mukongo Ngay Zenon, respectivement Représentant permanent auprès de l’Organisation des Nations unies à New York et Représentant permanent auprès de l’Office des Nations Unies et des institutions spécialisées à Genève le 4 décembre 2019 ; acte qui a été posé en violation de nos lois et de notre Constitution, par Madame Marie Tumba Nzeza, ministre des Affaires étrangères de la République démocratique du Congo.
Le Sénat ayant pour mission de contrôler l’action gouvernementale, il nous revenait logiquement de nous enquérir de la question, compte tenu des irrégularités qui ont émaillé ladite décision.Nous avons, à cet effet, pris la charge de porter la question écrite qui avait en amont fait l’objet d’une délibération au sein de notre commission. Ce n’est que normal que cette décision se trouve bel et bien au centre d’un jeu d’influence international qui ne doit aucunement influencer insidieusement les intérêts de la République démocratique du Congo.
Derrière le terme « manquements graves » dans le courrier de la ministre, il est reproché aux ambassadeurs d’avoir soutenu la Chine aux Nations Unies sur des questions relatives aux droits de l’Homme. La hiérarchie ayant eu à donner son aval, l’on ne peut parler d’un manquement grave.
Ce qui est d’autant plus grave, c’est que la ministre aurait agi sous l’influence d’un Etat étranger en sus du fait qu’elle ait outrepassé ses prérogatives constitutionnelles, en ce qu’elle ait rappelé définitivement les ambassadeurs pour fin de fonctions. Un pouvoir qui ne lui est pas reconnu par la constitution.
En effet, selon l’article 81 de la constitution et l’article 91, seul le président de la République détient ce pouvoir après que le problème ait été délibéré en conseil des ministres. Considérant toutes ces explications, il se constate aisément qu’il y a eu entorse sur la procédure. La décision de la ministre est donc viciée.
Conclure des partenariats diplomatiques dans l’intérêt de la RDC
L’autre question qui est légitime de se poser est celle de la stratégie gouvernementale en matière de diplomatie, notamment économique. Notre pays a des besoins de développement colossaux, c’est un fait inéluctable. Il doit cependant se faire dans des conditions qui sont favorables à notre pays et ainsi qu’à la population congolaise. Toutefois, le partenariat devra tenir compte de notre souveraineté et de notre respectabilité en tant qu’Etat.
La RDC a toujours été une diplomatie d’ouverture, elle a vocation à être une puissance d’équilibre, dans un contexte mondial où la guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine fait rage, le conflit entre le Qatar et ses voisins du Golfe a atteint son paroxysme, où le réveil de la Russie et celui de la Turquie suscitent des questionnements, où le spectre d’un nouveau siècle des nationalismes menace l’unité de l’Europe telle que pensée dans le Traité de Maastricht.
En RDC, nous sortons d’une décennie où la nation à genoux a pu se remettre debout, comme l’atteste l’organisation et le financement propre de notre dernier cycle électoral contre toute attente. Au moment où notre pays consolide ses instituons, son cheminement démocratique, sa souveraineté, il est inconcevable que ceux qui sont sensés veiller à la respectabilité et à la souveraineté de l’Etat agissent sous influence étrangère, que le président Georges Washington a qualifiée de « funeste ennemie ».
Notre diplomatie a pour but principal de veiller aux intérêts de notre pays au niveau mondial. Chaque fois que les principes régissant notre démocratie et notre Etat sur le plan diplomatique seront mis à mal, chaque fois que les intérêts de notre Etat seront négligés, en tant qu’élue, je m’évertuerais à agir en fonction des prérogatives qui me sont dévolues, et ce dans l’intérêt de notre pays, de sa population.
Source: La Tribune Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée