La nouvelle Tunisie a réussi dans l’exercice démocratique, en neuf ans. Elle a dépassé, sans problème, le cap de six scrutins, trois parlementaires, deux présidentiels et un municipal. Mais, le socioéconomique ne suit pas. Le défaut de bien-être pèse lourdement sur la majorité de la population, qui s’appauvrit dangereusement.
Neuf ans après la chute de Ben Ali, les Tunisiens fêtent encore le 14 Janvier sur le boulevard-symbole Habib Bourguiba, à Tunis, où siège le ministère de l’Intérieur. C’est cette bâtisse qui symbolise la chute de la dictature. La déception, en matière de bien-être, n’empêche pas de fêter. Il va sans dire que les 9 gouvernements, qui se sont succédé depuis 2011, ne sont pas parvenus à édifier un nouveau modèle de développement, en mesure de réaliser l’un des principaux objectifs de la révolution, à savoir la dignité.
Des festivités ont été organisées hier à travers la République, pour fêter le 9e anniversaire du départ de Ben Ali, malgré un bilan loin d’être reluisant de cette révolution. La transition s’est arrêtée à la liberté de parole, et une pratique démocratique, qui n’a encore atteint ni clarté ni stabilité. Les droits socioéconomiques, principale revendication de la révolte populaire, sont encore absents. Les pauvres sont restés pauvres, et les moins pauvres se sont appauvris.
Les disparités régionales et sociales se sont approfondies, entraînant une énorme déception parmi les populations ayant vraiment cru, il y a neuf ans, que la chute du despotisme allait les acheminer vers des lendemains meilleurs. Lesquelles espérances se sont heurtées à différentes insuffisances, notamment l’incapacité de la classe politique à édifier un nouveau modèle efficace de développement, en plus d’une propagation ravageuse de l’opportunisme et de l’égoïsme, traduisant un déficit patriotique à tous les niveaux.
Ces facteurs réunis et bien d’autres ont agi négativement sur les fondements de l’Etat de l’indépendance, à cause d’une anarchie ravageuse. Néanmoins, plus le temps passe, plus on a tendance à relativiser les acquis de la révolution, d’autant que leur pérennité reste en danger tant que les Tunisiens vivent mal, privés qu’ils sont des moyens de bien-être. «Il faut un minimum de bien-être pour pratiquer la vertu», avait dit le défunt président, Béji Caïd Essebsi, sur El Watan, relayant Saint Thomas d’Aquin.
C’est dire que tant que la transition socioéconomique ne réussit pas, la démocratie tunisienne reste sujette à toutes les tribulations. Heureusement que, jusque-là, les revendications citoyennes, quoiqu’anarchistes, sont restées pacifiques. Mieux encore, les Tunisiens, toutes catégories sociales confondues, sont opposés au terrorisme. Les groupes terroristes sont isolés sur les montagnes de Kasserine et du Kef, grâce aux efforts de l’armée et des forces de l’ordre.
Transitions pacifiques
La démocratie tunisienne réussit de belle manière, installant une tradition de transition pacifique du pouvoir, rare dans les pays du Sud. Les Tunisiens ont essayé les islamistes au pouvoir en 2012/2013, avant de vivre sous un gouvernement de technocrates en 2014, qui a chapeauté les élections générales. Le quinquennat suivant a été marqué par un gouvernement d’union nationale entre Nidaa Tounes du défunt Béji Caïd Essebsi, vainqueur des élections de 2014, et les islamistes d’Ennahdha. Laquelle gouvernance n’ayant pas réussi sur le plan socioéconomique.
C’étaient plutôt des agissements pointés de sapeurs-pompiers réagissant aux contestations sociales qui ont pris le pas sur de véritables programmes de développement économique. Et c’est ainsi que la masse salariale des employés du secteur public a atteint près de 14,1% du PIB et 40% du Budget, ce qui constitue un handicap au budget de développement.
La Tunisie démocratique a appris à réagir aux échecs de sa classe politique. Ainsi, les électeurs ont sanctionné aussi bien Nidaa Tounes qu’Ennahdha lors des dernières élections. L’électorat les considère coresponsables des déboires du pays. Mais, l’ARP, issue de ces élections, est une mosaïque difficile à fédérer, avec Ennahdha, 1er parti, avec moins du quart des députés.
Résultats des courses, une Assemblée émiettée, avec des partis politiques pas habitués aux compromis difficiles. La classe politique n’est pas encore parvenue à former le nouveau gouvernement. Et il y a même une possibilité de dissolution du Parlement, si la personnalité, qui va être désignée par le président Saïed, ne parvient pas à réunir une majorité derrière son équipe. La nouvelle Tunisie, difficile à gérer, ne parvient pas à réaliser les objectifs de la révolution.
Source: El Watan/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée