Depuis le début de l’épidémie, la majorité des recommandations de prévention se sont concentrées sur les pays à revenu intermédiaire et à revenu élevé. Oui, il sera incommensurablement plus difficile de mettre en œuvre la distanciation sociale en Afrique. Mais ces mesures n’en sont que plus essentielles pour les semaines qui se profilent.
A ce jour, l’écrasante majorité des gouvernements africains ont pris des mesures initiales de distanciation sociale – fermetures de frontières, restrictions des transports, fermetures d’écoles et interdictions des grands rassemblements. L’Afrique du Sud a entamé un confinement total. Mais alors que d’autres pays envisagent d’y passer, force est de constater que ces confinements sans date de fin génèrent de la violence envers les populations et des réactions (migrations massives vers les campagnes, scènes de panique) contre-productives.
Plutôt qu’un confinement total et brutal, les dirigeants devraient proposer des orientations claires, détaillées, adaptant la distanciation sociale à la réalité de la vie communautaire en Afrique, aux besoins des acteurs de l’informel et à ceux des familles vivant dans des conditions insalubres.
Restreindre les activités communautaires comme premier axe de réponse
La vie communautaire tient une place prépondérante sur le continent, et devrait donc être adressée d’autant plus vite que les conséquences économiques de restrictions seront minimes. S’ils ne sont pas interdits, les services religieux peuvent être adaptés, notamment en limitant la fréquentation ou en les déplaçant en extérieur. Les réunions de famille, les mariages et les funérailles peuvent être suspendus ou limités. Les événements sportifs et culturels – et même la pratique au niveau communautaire – peuvent également être suspendus.
Répondre aux besoins des entreprises semi-formelles et informelles
Les entreprises semi-formelles et informelles constituent l’essentiel de l’économie : les décideurs doivent donc faire preuve de créativité et mettre en place des orientations solides pour ces entreprises. Les vendeurs peuvent utiliser des objets ou tracer des lignes pour indiquer comment les gens doivent faire la queue pour encourager la distanciation sociale. Les décideurs devraient envisager de fermer les grands marchés et marchés couverts, et d’ouvrir à la place des marchés de quartier. Le nombre de passagers dans les transports publics doit être limité, et de nouvelles directives d’hygiène diffusées. La marche et le vélo doivent être encouragés dans la mesure du possible.
Fournir des directives claires aux ménages pour aider à protéger les plus vulnérables
Au sein des ménages, les mesures de distanciation sociale devraient se concentrer sur trois aspects : limiter les contacts avec les personnes extérieures au foyer et protéger les plus vulnérables, diffuser des recommandations d’hygiène spécifiques aux pratiques locales (ne plus manger dans un même plat par exemple), et protéger les populations rurales des migrants revenant des villes. Les familles doivent être encouragées à identifier les personnes vulnérables au sein de leur ménage et à les isoler autant que possible. Avec les restrictions à la mobilité et la perte d’emplois, des millions de migrants ruraux-urbains voudront rentrer chez eux, propageant involontairement la maladie dans les zones rurales : des règles de quarantaine spécifiques pour ces populations doivent être édictées en amont.
La communication comme pilier clé de toute stratégie de prévention.
En plus de refléter les comportements qu’ils attendent des citoyens – c’est-à-dire, respecter la distance sociale lors des conférences de presse, ce que l’on voit encore trop rarement, les chefs d’Etat auront besoin du soutien des leaders religieux, chefs traditionnels, artistes et athlètes célèbres – pour diffuser leurs messages clés. Ces messages, simples, cohérents et diffusés sur de multiples canaux, doivent pouvoir être compris des populations moins lettrées ou parlant des langues minoritaires. Tester la compréhension des messages avec un échantillon de répondants avant de les étendre à grande échelle permettra d’éviter la confusion. Enfin, si la police ou l’armée sont chargées de faire appliquer ces mesures, leur objectif premier devrait être d’éduquer le public et non de le réprimer, car l’utilisation de la force érode la confiance – un facteur essentiel pour que les populations suivent les recommandations, comme l’a démontré la crise d’Ebola.
Source: La Tribune Afrique/Mis en Ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée