Le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a présenté, samedi 6 juin, une nouvelle initiative de paix pour la Libye, qui a reçu le soutien de l’homme fort de l’est du pays.
Samedi 6 juin, après de nouvelles discussions sur la Libye, le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi a présenté une « initiative » dite du Caire qui appelle au « respect des efforts internationaux et propose un cessez-le-feu à partir de 6 heures (4 heures GMT), le lundi 8 juin 2020 », a déclaré le chef de l’État égyptien lors d’une conférence de presse. Présent à ses côtés, le maréchal Haftar, l’homme fort de l’Est libyen. Ce dernier a accepté cette initiative au moment où ses forces subissent une série de revers dans la bataille. Le président égyptien a aussi réclamé un appui international à son initiative et appelé les Nations unies à organiser des négociations entre les autorités rivales de l’ouest et de l’est du pays.
Ce que dit le texte de la « Déclaration du Caire »
L’initiative, baptisée la « Déclaration du Caire », réclame aussi le retrait des « mercenaires étrangers de tout le territoire libyen », a ajouté Abdel Fattah al-Sissi. Elle appelle également au « démantèlement des milices et à la remise des armes pour que l’Armée nationale libyenne [dirigée par le général Khalifa Haftar, NDLR] soit en mesure de remplir ses responsabilités militaires et sécuritaires ».
Le président égyptien a par ailleurs dit que l’initiative ouvrait la voie à la formation d’un conseil présidentiel élu en Libye et empêchait « les milices extrémistes » de contrôler les ressources du pays.
La Libye est plongée dans le chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011. Deux autorités se disputent le pouvoir : le gouvernement libyen d’union nationale (GNA), reconnu par l’ONU, à l’Ouest, et un pouvoir incarné par le maréchal Haftar dans l’Est. La proposition de plan de paix du président Abdel Fattah al-Sissi intervient quelques jours seulement après l’échec de l’offensive lancée en avril 2019 par le maréchal Haftar sur Tripoli, où siège le GNA.
La Ligue arabe s’est félicitée de cette initiative, mais le porte-parole des forces du GNA s’est montré plus réticent. « Nous n’avons pas commencé cette guerre, mais nous sommes ceux qui décident où et quand elle se termine », a-t-il déclaré.
Quant au chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian, il a « salué le résultat obtenu aujourd’hui visant à la cessation immédiate des hostilités », estimant qu’il s’agissait là d’une « priorité ». Le ministre français des Affaires étrangères s’exprimait à l’occasion d’un entretien avec son homologue Sameh Choukry, a fait savoir le Quai d’Orsay dans un communiqué. « Il a souligné que la priorité doit aller à la cessation immédiate des hostilités et à la conclusion rapide d’un cessez-le-feu » et a insisté sur « l’importance de parvenir à l’unification des institutions libyennes […] et à l’organisation d’élections parlementaires et présidentielles », a ajouté le ministère français.
Plus tard samedi, la Russie a aussi annoncé son soutien à l’initiative de cessez-le-feu. « Nous avons lu le contenu de l’offre du président égyptien, bien sûr, nous soutenons toutes les offres qui visent à cesser les conflits en Libye dès que possible », a déclaré Mikhail Bogdanov, le représentant spécial de la Russie au Moyen-Orient et dans les pays africains, selon l’agence de presse Ria.
L’offensive du GNA
Pendant ce temps, fortes de leurs victoires ces dernières semaines, les forces gouvernementales ont lancé, le jour même où Haftar s’est dit d’accord pour un cessez-le-feu, une opération pour reprendre la ville de Syrte. Située sur la côte, à 450 kilomètres à l’est de Tripoli, Syrte est un verrou stratégique entre l’est et l’ouest du pays pétrolier plongé dans le chaos depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011.
Le conflit a connu ces derniers mois une implication croissante de puissances étrangères. Et le GNA, appuyé par l’allié turc, a infligé une série de revers aux pro-Haftar, reprenant le contrôle de la totalité de l’Ouest libyen. Et il semble vouloir continuer sur sa lancée.
Samedi, « des ordres ont été donnés aux forces (du GNA) pour qu’elles commencent à avancer et attaquer toutes les positions des rebelles » dans la région de Syrte, a déclaré Mohamad Gnounou, porte-parole des pro-GNA. « L’armée de l’air a mené cinq frappes dans la périphérie de Syrte, ciblant des véhicules armés et des mercenaires », a-t-il ajouté dans un communiqué sur Facebook.
Depuis mercredi, le GNA a annoncé successivement la prise de l’aéroport international de Tripoli, hors service depuis 2014, le contrôle total des frontières administratives du Grand Tripoli, et la prise de Tarhouna, dernier fief des pro-Haftar dans l’Ouest.
Sans confirmer directement les deux premiers revers, le porte-parole de Khalifa Haftar, Ahmad al-Mismari, a fait état d’un « redéploiement » des troupes hors de Tripoli. « Cédant aux pressions et appels de grandes puissances et de l’ONU pour un cessez-le-feu et la reprise des réunions 5 + 5 […], nous nous sommes repliés sur 60 kilomètres de la périphérie de Tripoli pour en éloigner la bataille », a-t-il dit.
Les réunions de ce comité militaire, qui comprend cinq membres pro-GNA et cinq pro-Haftar et qui vise à obtenir un cessez-le-feu, sont suspendues depuis trois mois, mais l’ONU a annoncé mercredi leur reprise à Genève.
Toutes les tentatives de rétablir un cessez-le-feu durable ont jusque-là échoué. Depuis avril 2019, des centaines de personnes, dont de nombreux civils, ont été tuées et plus de 200 000, déplacées.
Source: Le Point Afrique/Mis en : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée