Venu, jeudi, à l’Assemblée des Représentants du peuple (ARP) pour l’évaluation de ses 100 Jours de gouvernance, le chef du gouvernement tunisien, Elyes Fakhfakh, a subi l’assaut de députés de plusieurs bords, concernant un soupçon de conflit d’intérêts en rapport avec sa participation dans une société qui vient d’obtenir un contrat de plus de 12 millions d’euros avec l’Etat dans le domaine du traitement des déchets. Fakhfakh a détaillé, séance tenante, tous les dossiers et promis de démissionner si jamais il y a un quelconque soupçon de corruption.
Deux rapports, parvenus à l’Instance nationale de lutte contre la corruption (INLUCC), sont à l’origine de cette affaire. L’un provenant du député Yassine Ayari, alors que l’autre est resté anonyme.
Le chef du gouvernement est accusé d’avoir exploité son poste afin d’attribuer un marché de plus de 40 millions de dinars (12 millions d’euros) à une société dont il est l’un des actionnaires. Le dossier a occupé l’Assemblée, venue faire le bilan des 100 jours de ce nouveau gouvernement.
Et alors que son allocution d’ouverture a concerné les réalisations de son gouvernement, depuis son investiture le 27 février, ses réponses aux députés ont tourné plutôt autour de cette affaire. Fakhfakh a tenu à présenter tous les détails, montrant au passage qu’il était en règle avec la loi et mettant l’accent sur le flou d’un article dans la réglementation de conflit d’intérêts, qu’il compte lever par un projet de loi, devant passer la semaine prochaine devant l’ARP.
Ce sont, essentiellement, les députés de Qalb Tounes, la formation du magnat des Médias, Nabil Karoui, et ceux du bloc Al Qarama, régulièrement qualifiés par une certaine classe politique d’être le pare-chocs des islamistes d’Ennahdha, qui ont mené le bal contre le chef du gouvernement. Ces deux formations sont maintenant dans l’opposition.
Un rapprochement entre elles a été observé durant les dernières semaines. Elles s’opposent frontalement au gouvernement de Fakhfakh. Leur conférence de presse commune, tenue pour expliquer les «magouilles» de Fakhfakh, a fini en queue de poisson, puisque les journalistes ont boycotté Seifeddine Makhlouf, le président du bloc Al Qarama, suite à des propos déplacés à l’adresse des journalistes qui ne se sont pas présentés à la conférence. Makhlouf a dû parler devant une salle vide.
Les dessous du dossier
Les islamistes d’Ennahdha n’ont, quant à eux, pas encore digéré le fait de n’être pas parvenu à mettre une personnalité, qui leur soit proche, à la tête du gouvernement, suit à leur victoire aux législatives du 23 octobre 2019. Le Président Saied leur a damé le pion en leur imposant Elyes Fakhfakh. L’alternative constitutionnelle étant des législatives anticipées.
Les islamistes ont accepté le verdict, tout en s’entendant avec Qalb Tounes et Al Qarama pour chasser Fakhfakh à la première occasion. Ils doivent donc être contents que Elyes Fakhfakh soit sous le feu des critiques. Les événements ne les ont pas servis avec la pandémie de la Covid-19 et la réussite du gouvernement à y faire face.
Toutefois, avec la fin de la pandémie, les partis politiques sont revenus à leurs anciennes ententes. Et c’est ainsi qu’ils ont saisi l’occasion du bilan des 100 jours de Fakhfakh pour l’essayer de le discréditer, sur la base d’un soupçon de conflit d’intérêts.
Le complot, tramé par Ennahdha et ses complices, se jouait sur plusieurs pistes. Ce sont d’abord les islamistes qui ont insisté, par la voix de Ghannouchi, sur la nécessité d’élargir le gouvernement Fakhfakh au parti de Nabil Karoui.
Les amis de Ghannouchi se sentent minoritaires au sein de ce gouvernement, malgré six ministres et deux ministres conseillers. Ils veulent réduire l’opposition à des partis qualifiés de vestiges de l’ancien régime, le parti Destourien libre, voire ceux qui refusent un gouvernement de coalition, les nationalistes de Chaab.
Ils peuvent aller jusqu’à écarter Fakhfakh et nommer une autre personnalité à la tête du gouvernement, afin de forcer la main au Président Saied. La majorité souhaitée est composée par Ennahdha (52 députés), Qalb Tounes (28), Ettayar (23) et Al Qarama (17). Mais, jusque-là, Ettayar n’a pas accepté la combine et ne veut pas briser le bloc démocratique, formé avec Chaab.
Et Qalb s’est scindé en deux blocs. Les islamistes d’Ennahdha ne sont pas parvenus à exécution de leurs sombres desseins et Fakhfakh garde son poste de chef de gouvernement.
Source: El Watan /Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée