C’est ce mardi 21 juillet que débute un nouveau procès pour le président soudanais déchu Omar el-Béchir. L’ancien chef de l’État a quitté le pouvoir après un coup d’État en avril 2019. Il a déjà été condamné, en décembre dernier, à deux ans de détention pour corruption notamment. Cette fois, il est dans le box des accusés justement pour un autre coup d’Etat, celui qui l’a amené au pouvoir en 1989.
C’était un vendredi, jour de la prière, tôt le matin. Une junte ferme l’aéroport, des soldats arrêtent des dirigeants politiques et suspendent les institutions. Les ondes radio annoncent un coup d’État. À la manœuvre : un haut gradé, le colonel Omar el-Béchir, avec le soutien des islamistes du NIF. Le gouvernement du Premier ministre, Sadek al-Mahdi, pourtant élu démocratiquement, tombe. Le nouveau pouvoir déclare qu’il est là pour sauver le pays des « partis politiques pourris ». Omar el-Béchir est nommé chef de l’État, du gouvernement et des armées.
Trente-et-un ans plus tard, le dictateur déchu doit répondre de ses actes devant une Cour spéciale formée du président de la Cour suprême et de deux juges d’appel. Il est accusé d’avoir violé l’ordre constitutionnel et risque la peine de mort. Omar el-Béchir est jugé avec 27 autres personnes, civils et militaires, dont l’ancien vice-président Taha ainsi que le général Bakri Hassan Saleh. Une audience diffusée en direct à la télévision soudanaise et le président de la cour a indiqué que chacun des 28 prévenus aurait la possibilité de s’exprimer et se défendre.
Plusieurs éléments laissent déjà deviner la stratégie de défense de l’ex-pr »sident de 76 ans. Au moins deux fois, l’ex-chef de l’État a été présenté au procureur, en décembre et janvier. Chaque fois, il a gardé le silence. Mohamed Al Hassan Al Amin, l’un de ses avocats, répète depuis le début qu’il s’agit d’un « procès politique », mené par une Cour non objective. Il devrait plaider notamment la prescription des faits.
Pour autant, Moaz Hadra, l’un des juristes à l’origine de la procédure, dit détenir « des preuves très solide » qu’il présentera à la Cour. « Ce procès sera un avertissement et sauvegardera la démocratie soudanaise », a-t-il dit avant le début des audiences.
Quatre procédures judiciaires
Cette affaire est une des quatre procédures qui visent Omar el-Béchir. Outre celle du coup d’Etat, l’ancien président avait été condamné en décembre à deux ans de détention pour corruption. Beaucoup s’étaient sentis frustrés, vu la gravité des crimes dont il est accusé. La troisième, c’est celle de la répression de la révolution et des manifestations qui avaient entraîné sa chute. En mai 2019, Omar el-Béchir a été formellement accusé. Un procès est attendu.
La quatrième affaire est la plus emblématique. C’est celle de la Cour pénale internationale, qui le poursuit depuis 2009 pour génocide au Darfour. Au pouvoir, Omar el-Béchir a toujours échappé au mandat d’arrêt. Mais depuis qu’il a été renversé, la question est de savoir si Khartoum va l’extrader.
Son avocat répète qu’il refuse, car il dénonce une cour aux ordres de l’Occident. Mais en février, le porte-parole du gouvernement avait déclaré que ceux qui étaient recherchés, seraient bien envoyés à La Haye. Des propos vite minimisés par le chef du Conseil souverain, qui est un militaire.
Car en effet la junte n’est pas très motivée par une extradition. Beaucoup d’officiers sont eux-mêmes soupçonnés de crimes au Darfour, au premier rang desquels Hemetti, numéro 2 du Conseil, chef des milices RSF, dont les éléments sont justement accusés d’avoir perpétré le génocide.
Certains Soudanais préfèrent aussi un procès à Khartoum. Mais pas sûr que le pays en ait les moyens. Raison pour laquelle on évoque l’option d’une cour hybride, au Soudan, mélangeant juges nationaux et étrangers.
Source: Rfi Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée