Quatre assassinats de femmes en ces quelques dernières semaines, en plus des multiples actions terroristes à réprimander, ont créé un élan favorable à la peine de mort en Tunisie.
Les militants des droits de l’homme sont scandalisés ; ils ont rappelé que la Tunisie a signé un moratoire contre la peine de mort en 2012 et que la dernière décapitation remonte à 1989. Le président Saïed a entretenu le suspense, en affirmant, lors du dernier Conseil de sécurité nationale, que «le tueur illégitime mérite la mort». Propos suscitant la levée de boucliers du camp opposé.
La polémique autour de la peine de mort a repris en Tunisie, après la chute de Ben Ali, et, surtout, avec l’avènement du terrorisme. Chaque opération terroriste a fait renaître le besoin d’une sanction équivalente à l’encontre des assassins, à travers une frange de la population.
Par ailleurs, cette même sensation a également surgi, il y a quelques années, suite au viol et l’assassinat d’une fillette de 8 ans par un jeune délinquant dans les environs de la capitale. Le même élan a revu le jour dernièrement, suite au viol et à l’assassinat d’une femme de 29 ans par un jeune repris de justice de 25 ans.
Ce délinquant a déjà été acquitté, en 2014 dans affaire de vol, associée à un meurtre en Libye, étant mineur au moment des faits. Il a également été emprisonné de 2014 à 2018 pour «association de malfaiteurs». Et le voilà accusé de meurtre associé au viol et vol de la victime. Les péripéties du crime ont suscité ce rejet de la part de la population.
Les autres crimes ne sont pas moins odieux. Une vieille femme, de plus de 80 ans, a été battue par ses agresseurs, avant d’être violée. Elle a succombé à ses blessures. Une autre femme a été tuée par l’une de ses amies, parce qu’elle ne lui a pas prêté de l’argent pour se faire avorter. C’est dire que la violence sociale a atteint un niveau inhabituel, à côté des attaques terroristes. Les appels à la peine de mort contre les terroristes s’étaient multipliés en 2013/2014 et 2015, au plus fort des actions terroristes en Tunisie. C’est dire qu’il s’agit d’une réaction à un phénomène sociétal. Le président Saïed est interpellé pour réagir à l’appel de la rue.
Droit et engagements
Les couloirs de la mort existent en Tunisie. La peine de mort a été prononcée 47 fois en 2019, un chiffre étonnamment élevé par rapport aux années précédentes. Auparavant, il y avait 95 autres condamnés à mort. Toutefois, après la confirmation de cette peine par la justice, l’avocat de la victime présente un dernier recours au président de la République, pour la commuer en perpétuelle. Et même si la décision du Président reste suspendue, la peine de mort n’a pas été appliquée en Tunisie depuis 1991 et le bourreau de Nabeul, qui a tué 13 victimes.
Par ailleurs, en 2015, l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a adopté une nouvelle législation antiterroriste, avec 54 dispositions énonçant la peine de mort. Néanmoins, la Tunisie a signé, en décembre 2012 à l’Assemblée générale de l’ONU, un moratoire sur les exécutions de la peine de mort. C’est dire qu’un flou total domine la problématique.
La professeure de droit constitutionnel, Hana Ben Abda, assure que «la position tunisienne de non-application de la peine de mort, prononcée pourtant par la justice, s’inscrit dans une vision en faveur des droits de l’homme, en harmonie avec une tendance internationale de rejet de la peine de mort».
Elle poursuit qu’on «ne saurait revenir sur cette position après s’y être attaché». Mais le président Saied avait dit, lors du Conseil supérieur de la Sécurité nationale, que «le châtiment de celui qui a tué, c’est la peine de mort, tout en lui offrant le droit à un procès équitable … Et s’il s’avère qu’il est coupable de mort, je ne pense pas que la solution est la non-application de la peine de mort, comme le réclament certains». Concernant la commutation à la perpétuité, le Président a dit : «L’amnistie à celui qui la mérite, pas à un récidiviste
. Et il paraît que le dernier assassin a tué auparavant et il a été amnistié, une première fois.» En réaction, Amnesty International Tunisie a publié hier un communiqué considérant «l’application de la peine de mort en Tunisie, une gifle aux progrès enregistrés en matière des droits de l’homme». Le communiqué a appelé le président de la République à «revenir sur sa position». C’est dire le flou traduisant la question de la peine de mort en Tunisie.
Source: El watan/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée