Dimanche prochain, 5,4 millions de Guinéens seront appelés aux urnes à l’occasion du premier tour des élections présidentielles. Redoutant des fraudes électorales, Cellou Dalein Diallo, le candidat de l’Union des forces démocratiques de Guinée (UFDG) et principal opposant du président Alpha Condé, lance un appel à la communauté internationale…
« Hier, je devais me rendre à Kankan, la capitale de la Haute-Guinée où les populations s’étaient massivement mobilisées pour m’accueillir, mais le pouvoir a décidé que je ne pouvais pas m’y rendre. Ils ont donc envoyé des loubards pour me barrer la route avec des troncs d’arbres, à 100 kilomètres de la ville. J’ai rebroussé chemin pour éviter l’affrontement » expliquait Cellou Dalein Diallo à la presse internationale lundi dernier, à « J-6 » du 1er tour, décelant derrière cette initiative, les craintes du président sortant dans son propre « pré-carré »… « Pour moi, le combat électoral sera gagné. J’ai vu le soutien massif de la jeunesse », estime-t-il optimiste.
Le candidat de l’opposition a fustigé le bilan du président sortant, n’y voyant guère de points positifs en termes de développement, et stigmatisant la corruption. Pour Cellou Dalein Diallo, les résultats ne sont pas au rendez-vous : « il n’y a pas eu un seul kilomètre de route bitumé en plus, depuis l’arrivée de Monsieur Alpha Condé au pouvoir », a-t-il lancé. Le candidat de l’UFDG justifie sa candidature (la troisième candidature successive aux élections présidentielles) par sa longue expérience en politique, mais surtout par sa volonté de réconcilier les Guinéens. « Ma priorité sera la réconciliation, car la Guinée a connu trop de violences. La société n’a jamais été aussi divisée qu’aujourd’hui et le débat politique a été tribalisé à outrance. Il faut tourner la page de la violence et dépolitiser l’administration […] Je vais faire en sorte de nous débarrasser du favoritisme et de la corruption qui gangrène notre pays », s’est-il engagé. Outre la réconciliation nationale, en cas d’élection, Cellou Dalein Diallo souhaite faire de l’éducation, de l’intégration régionale et de la gestion des ressources naturelles « dans le respect de l’environnement », ses priorités présidentielles.
Un scrutin présidentiel sous haute tension
Le 14 septembre, la Commission électorale nationale indépendante (CENI) a présenté les statistiques finales du fichier électoral. Depuis, l’opposition ne cesse de dénoncer un fichier « biaisé » ainsi qu’une commission électorale inféodée au pouvoir central. Le fichier électoral qui compte 5,4 millions d’électeurs appelés aux urnes le 18 octobre prochain a fait apparaître de profondes disparités régionales. En effet, la région de Kankan, qui représente le fief historique d’Alpha Condé, concerne quelque 22 % d’électeurs, contre 19% pour la région de Conakry et 8% pour la région de Labé, fief de Cellou Dalein Diallo.
« Je continue à participer aux manifestations du Front national de défense de la Constitution (FNDC) pour protester contre le 3e mandat d’Alpha Condé » a déclaré le candidat de l’UFDG qui considère qu’« Alpha Condé ne peut pas gagner les élections aujourd’hui […] il ne peut même pas atteindre le score obtenu aux dernières élections, car il est décrié partout » a-t-il ajouté. Se présentant comme le candidat de « tous les Guinéens », Cellou Dalein Diallo prévient qu’en cas de fraudes avérées, il ne se laissera pas voler la victoire. « Nous n’accepterons pas un nouveau hold-up électoral », a-t-il averti.
Enfin, le candidat de l’UFDG a regretté le faible intérêt de la communauté internationale pour l’élection prochaine, et admet « qu’il y a un effort à faire au niveau de nos partenaires internationaux […] Il y a eu un manque de volonté réel de venir en aide aux Guinéens, contrairement à ce qu’il s’est passé au Mali […] Nous n’avons pas senti le même élan de solidarité ici, même si les pertes en vies humaines sont proches de la centaine » a-t-il déclaré. Alors que la communauté internationale reste discrète, le candidat de l’UFDG reconnaît ne pas avoir reçu davantage de soutien du côté des poids lourds de la politique dans la sous-région.
« C’est très compliqué au niveau de la CEDEAO [Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest, ndlr], car chacun a ses propres plaies et personne ne veut vraiment s’immiscer dans les affaires internes des autres » a-t-il conclu magnanime.
A quelques jours du premier tour, alors que les Guinéens retiennent leur souffle, la communauté internationale redoute de nouveaux débordements. En une seule année, une cinquantaine de personnes auraient déjà perdu la vie dans les manifestations d’opposition au pouvoir central en Guinée, selon Amnesty International.
Source: La Tribune Afrique/Mis en ligne Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée