Le parquet algérien a requis une lourde peine à l’encontre de l’opposant politique, accusé d’atteinte au moral de l’armée.
C’est pour avoir tenu des déclarations critiques envers l’armée, et le régime alors en place, au cours d’un meeting de mai 2019 à Kherrata que Karim Tabbou, figure centrale du mouvement de contestation né en février 2019 qui a abouti à la démission de l’ancien président Abdelaziz Bouteflika, est aujourd’hui face à la justice. Il est accusé d’avoir porté « atteinte au moral de l’armée ».
Son procès avait été déjà repoussé à de nombreuses reprises depuis début avril en raison de l’épidémie de coronavirus. Il s’est finalement ouvert, lundi 30 novembre devant le tribunal de Koléa, près d’Alger. Et le parquet algérien a requis une lourde peine de trois ans d’emprisonnement à son encontre, a annoncé un de ses avocats. « Le procureur a réclamé trois ans de prison ferme et une amende de 100 000 dinars (650 euros) à l’encontre de l’opposant », a précisé Me Zoubida Assoul sur sa page Facebook.
Le verdict sera prononcé le 7 décembre.
Âgé de 47 ans, Karim Tabbou, qui comparaissait libre, a été arrêté le 26 septembre 2019, puis emprisonné pendant neuf mois, avant de bénéficier d’une libération conditionnelle le 2 juillet dernier.
Dans une autre affaire, l’opposant avait été condamné en appel le 24 mars à un an de prison ferme pour « atteinte à l’intégrité du territoire national », en raison d’une vidéo parue sur la page Facebook de son parti dans laquelle il critiquait l’intrusion de l’armée dans les affaires politiques.
Les journalistes ont finalement été autorisés à accéder à la salle d’audience après en avoir été empêchés à l’ouverture du procès, selon le vice-président de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH), Saïd Salhi.
Figure du hirak
Chef d’un petit parti d’opposition non agréé par les autorités, l’Union démocratique et sociale (UDS), Karim Tabbou est l’un des visages les plus connus du hirak, sinon le plus populaire.
Son portrait était régulièrement brandi pendant les manifestations hebdomadaires contre le pouvoir en Algérie jusqu’à leur suspension, en mars dernier, liée à la crise sanitaire.
Karim Tabbou est récemment revenu sur le devant de la scène politique en reprochant avec virulence au président français Emmanuel Macron son soutien à son homologue algérien Abdelmadjid Tebboune, exprimé dans un entretien avec l’hebdomadaire Jeune Afrique et qui a soulevé un tollé dans les rangs de l’opposition algérienne.
Dans une lettre publiée sur sa page Facebook, l’homme a fustigé « la mauvaise foi » et « l’hypocrisie politique » de M. Macron, accusé de cautionner « un pouvoir arrogant qui emprisonne des journalistes, bafoue les libertés publiques et soumet la justice à son diktat ».
Des poursuites toujours en cours
En pleine crise sanitaire, les autorités multiplient les détentions et les poursuites à l’encontre de militants, de journalistes et de blogueurs afin, selon les opposants, d’empêcher une reprise du hirak.
À Mostaganem (nord-ouest), une militante, Dalila Touat, la porte-parole des chômeurs de la ville, a été condamnée lundi à deux ans de prison ferme, sans mandat de dépôt.
Elle était accusée d’avoir incité ses concitoyens à s’abstenir de voter au référendum constitutionnel du 1er novembre et d’« outrage à fonctionnaire dans l’exercice de ses fonctions », selon le Comité national pour la libération des détenus (CNLD), une association de solidarité avec les prisonniers d’opinion. La révision constitutionnelle a été approuvée avec le taux de participation électoral le plus bas (23,84 %) de l’histoire de l’Algérie.
Quelque 90 personnes sont actuellement emprisonnées en Algérie en lien avec le hirak et/ou les libertés individuelles. Des poursuites fondées, pour beaucoup, sur des publications sur Facebook critiquant les autorités, d’après le CNLD.
Né en février 2019 d’un immense ras-le-bol des Algériens, le hirak réclame un profond changement du « système » en place depuis l’indépendance en 1962. Il a provoqué le départ du président Abdelaziz Bouteflika après vingt ans au pouvoir.
Source: Le Point Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée