Une arrivée sans précédent de migrants depuis 2006 sur les Îles Canaries, archipel espagnol situé en face du Sahara.
Babacar tente de joindre son oncle. Le jeune Sénégalais de 18 ans attend devant un hôtel, un grand bâtiment de 7 étages, qui héberge des centaines de migrants arrivés sur les Îles Canaries faute de place dans des camps d’accueil. L’oncle, Ousmane, se trouve dans cet hôtel. Les deux ont été séparés à leur arrivée.
« Il a sa femme au Sénégal. Ses deux enfants et sa mer. C’était un pêcheur. Mais la vie est dure au Sénégal et il n’arrivait plus à faire manger sa famille. C’est pour cela qu’on a décidé de venir ici tenter notre chance en Espagne. »
Cinq jours passés dans l’Océan Atlantique
Babacar explique qu’ils sont partis de Saint-Louis, là où ils vivaient. Lui et son oncle ont embarqué avec 70 autres passagers. Les conditions météo étaient apparemment favorables.
« C’était favorable. On a quitté le Sénégal et jusqu’ici on n’a pas eu de mort, pas de blessés. »
Le risque est pourtant très élevé. La route de l’Atlantique est bien plus dangereuse que la traversée de la Méditerranée. Depuis le début de l’année, au moins 500 personnes sont mortes en tentant d’atteindre l’archipel espagnol. Sans compter les embarcations qui disparaissent sans qu’on ne le sache.
Babacar a lui aussi perdu des proches
« Trois copains sont morts en mer quand je vivais encore à Saint Louis. C’est le lendemain de leur décès que je suis parti. Je l’ai appris le matin, le soir je suis parti. Je ne suis pas un pêcheur, je ne suis jamais allé en mer. A un moment précis, pendant deux jours, j’avais peur. Mais après je suis devenu calme. Je me suis dit, si je dois mourir là, je vais mourir là. Si je dois arriver en Espagne, j’arriverai en Espagne », raconte Babacar.
Babacar se dit très croyant. Il affirme avoir un baccalauréat scientifique, et surtout qu’il joue très bien au foot, que cela pourrait lui permettre de s’en sortir.
« Nos dirigeants sont des vautours. Ils sacrifient la jeunesse. Ils envoient leurs propres enfants aux Etats-Unis pour faire des études. Nous on reste là-bas, on a des diplômes, mais on ne trouve pas de travail. »
Plein de monde cherche quelqu’un
Devant l’hôtel, les choses s’agitent. Les balcons se remplissent de personnes venant voir ce qui se passe au pied du bâtiment. Babacar est rejoint par une Espagnole, une veste Correos – la Poste – sur les épaules.
Cette mère de famille de 49 ans a décidé de l’héberger. Les deux se seraient rencontrés sur une plage. Elle veut aider comme elle peut.
« Vous savez, ce n’est pas la même chose dans un de ces hôtels. Chez moi il va peut-être se sentir plus en confiance, s’ouvrir et parler de ses sentiments », nous confie-t-elle.
Babacar, lui, a pu téléphoner plusieurs fois avec son père aujourd’hui. Il ne l’aurait pas prévenu de son départ. Il dit que son père ne l’aurait pas laisser partir.
« Si on nous rapatrie, on dira que c’est le destin. Si on nous laisse rester ici on va essayer de nous battre. On est là pour travailler, pas pour faire du vagabondage ou je ne sais quoi. On est là pour travailler », nous dit Babacar.
Source : Deutsche Welle Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée