En février, les Somaliens sont appelés à voter. L’occasion pour nous de faire un point sur la place des femmes en politique, largement dominé par les hommes dans le pays.
Amina Mohamed Abdi s’est présentée au parlement pour la première fois en 2012 alors qu’elle n’avait que 24 ans. Elle est devenue l’une des rares femmes au parlement somalien.
En Somalie, ce sont surtout les anciens du clan conservateur qui décident qui entre au parlement. Et ils croient que les femmes n’ont pas leur place en politique.
Aujourd’hui, Abdi a 32 ans et est l’une des voix critiques les plus sévères du gouvernement. Elle souhaite briguer un troisième mandat aux prochaines élections législatives et présidentielles en tant que seule femme parmi les six candidats au même siège.
La sphère politique dominée par les hommes
Les femmes occupent actuellement un quart dess 329 sièges des Chambres basses et hautes du Parlement de la Somalie.
A la mi-janvier, le premier ministre somalien Mohamed Hussein Roble a annoncé qu’un peu moins d’un tiers des sièges au parlement seraient réservés aux femmes lors des élections de février. Les militants des droits des femmes le réclament depuis longtemps.
Un amendement correspondant à la loi électorale a été approuvé par la Chambre basse en juillet 2020 et attend depuis son adoption.
Pas de loi pour le quota de femmes
Mais Deqa Abdiqasim Salad, présidente de l’organisation de défense des droits des femmes Hear Women Foundation, critique cette annonce.
« Nous, les femmes, avons commis l’erreur de ne pas exercer suffisamment de pression pour que le quota soit inclus dans la Constitution », explique-t-elle. Une loi est plus difficile à enfreindre, actuellement ce n’est qu’une recommandation. Je crains que nous sortions de cette élection avec moins de 24%. »
Par conséquent, un quota contraignant est une étape nécessaire, explique l’ancienne ministre des Affaires étrangères Fawzia YusufHaji Adan.
« Les quotas pour les femmes parlementaires sont importants pour sauvegarder les droits des femmes. Mais aussi pour refléter équitablement la part de la population qu’elles représentent au Parlement « , selon Fawzia YusufHaji Adan.
Des défis et des obstacles
Fawzia YusufHaji Adan est devenue la première femme vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères du pays en 2012 et est maintenant présidente du Parti national démocrate.
Elle ne connaît que trop bien les problèmes auxquels sont confrontées les femmes ambitieuses lorsqu’elles se lancent en politique.
« Les défis sont le conflit sans fin en Somalie, le manque de paix et de stabilité, mais aussi les terroristes d’Al-Shabaab qui attaquent tous les processus de développement et démocratiques« , explique-t-elle. « Un autre facteur est le manque de financement pour de nombreuses aspirantes en politiques. »
Lors des prochaines élections, chaque candidat à la chambre basse ou haute devra s’acquitter d’un droit d’inscription de 10.000 à 20.000 dollars US (environ 8.200 à 16.400 euros). Comparé à leurs collègues masculins, qui ont déjà été financés par des entreprises et des membres de clan dans le passé, l’accès à l’argent est beaucoup plus difficile pour les femmes.
Et il y a un autre problème. « Les quotas n’aideront pas les femmes tant que la politique 4.5 de la Somalie existera » estime Fawzia YusufHaji Adan. Les Somaliens attendent toujours le système promis « une personne, une voix », initialement prévu pour les prochaines élections.
Selon la règle 4.5, les parlementaires ne sont pas élus par le peuple mais par des délégués de clan qui sont préalablement sélectionnés par les anciens. Les délégués comprennent des anciens du clan eux-mêmes, mais aussi 30% de femmes et 20% de jeunes. Les quatre plus grands clans de Somalie obtiennent le même nombre de sièges au Parlement, tandis que les petits clans en obtiennent la moitié.
Dans cette dynamique clanique, il est difficile pour de nombreuses femmes de s’affirmer.
Luul Isak Adan est candidate cette année. Selon elle, les préjugés sont le plus gros problème. « Les femmes sont considérées comme moins compétentes que les hommes en termes de pouvoir et de perspectives financières« , explique-t-elle. Certains clans et sous-clans feraient donc pression sur leurs aînés pour favoriser les hommes à l’élection.
Dans la lutte pour plus d’égalité, les femmes politiques ont besoin de soutien, selon la militante des droits des femmes Deqa Salad qui estime que ce dont la Somalie a besoin, c’est avant tout une chose : plus de pouvoir féminin.
Source: Deutsche Welle Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée