Le porte-parole a fait état de « rapports crédibles » selon lesquels près d’un millier de personnes ont été poursuivies pour avoir participé au mouvement du Hirak ou pour avoir publié des messages critiques à l’égard du gouvernement sur les réseaux sociaux, mais aussi qu’« au moins 32 individus sont actuellement détenus pour l’exercice légitime de leurs droits fondamentaux, et certains d’entre eux sont passibles de longues peines, tandis que d’autres sont toujours en détention provisoire ».
« Allégations de torture et de violences sexuelles »
Le Haut-Commissariat a aussi reçu « des allégations de torture et de mauvais traitements en détention, y compris de violences sexuelles ». Par conséquent, il appelle à cesser tout recours à la violence contre des manifestants pacifiques et « à mettre un terme aux arrestations et détentions arbitraires ». M. Coville a déclaré avoir toute une série de demandes pour le gouvernement algérien, à commencer par « la libération immédiate et sans condition de toutes les personnes arrêtées ou détenues arbitrairement pour leur soutien présumé au Hirak, et à abandonner toutes les charges retenues contre elles ».
L’agence onusienne, dirigée par Michelle Bachelet, demande aussi des enquêtes « rapides, impartiales et rigoureuses » sur les allégations de torture et de mauvais traitements en détention et elle enjoint aux autorités algériennes d’abroger les textes qui sont utilisés pour poursuivre des personnes qui ne font qu’exprimer leur opinion et exercent leur droit de réunion pacifique.
Le HCDH accuse les forces de sécurité algérienne d’un usage excessif de la force. Il estime que des centaines d’individus ont été arrêtés depuis la reprise des manifestations le 13 février 2021. Cette situation fait écho à ce qui s’est produit en 2019 et 2020, lorsque au moins 2 500 personnes ont été arrêtées ou détenues dans le cadre de leur engagement pacifique, souligne-t-il.
De même, les procédures pénales engagées en 2019 et 2020 contre des militants, des défenseurs des droits de l’homme, des étudiants, des journalistes, des blogueurs et des citoyens ordinaires qui ont exprimé leur opposition se sont poursuivies pendant les deux premiers mois de 2021, constate encore l’institution onusienne.
La Ligue algérienne de défense des droits de l’homme réclame elle aussi une enquête
Jeudi, la Ligue algérienne de défense des droits de l’homme (LADDH) avait, elle aussi, demandé l’ouverture d’une enquête concernant de nouvelles accusations de torture émises par des détenus ou ex-détenus du Hirak. « Nous demandons au parquet de se saisir dès qu’il y a ce type de révélations, conformément à la loi », a déclaré Saïd Salhi, le vice-président de la LADDH.
Trois militants du Hirak, Karim Tabbou et Walid Nekkiche, tous deux anciens prisonniers, et Sami Dernouni, en détention, affirment avoir été torturés par des membres des services de sécurité. « La justice doit s’autosaisir et prendre ses responsabilités en ouvrant une information judiciaire et un procès », a affirmé M. Salhi.
Lors de son procès, le 1er février, Walid Nekkiche, étudiant de 25 ans, a dit avoir été « agressé sexuellement, physiquement et verbalement » par des éléments des services de sécurité pendant une garde à vue. Son témoignage éprouvant a suscité une vive indignation en Algérie. Le parquet général a ensuite annoncé l’ouverture d’une enquête – confiée à la justice militaire – « dans le but d’établir la vérité sur ce qui se serait passé ».
Karim Tabbou, opposant politique et figure emblématique du Hirak, avait témoigné le 4 mars 2020 devant la justice avoir subi des violences lors de son arrestation et d’un interrogatoire dans la caserne Antar, à Alger. « On m’a frappé, insulté, humilié », avait-il dit.
Enfin, Sami Dernouni, jeune « hirakiste » arrêté en décembre 2020 et jugé mardi dernier, a affirmé avoir « été déshabillé, battu, torturé au pistolet électrique Taser » dans les mêmes locaux des services de sécurité à Alger, selon un de ses avocats, Ali Fellah, cité jeudi par le quotidien francophone El Watan.
M. Dernouni est poursuivi pour « incitation à attroupement », « atteinte à l’unité nationale » et « atteinte à la sécurité nationale ». Lors du procès, le procureur a requis dix ans de prison ferme contre lui. Le verdict est attendu le 9 mars.Lire aussi Algérie : sortir de l’impasse après deux années de révolte
Dans un communiqué sur sa page Facebook, la LADDH évoque le cas de deux autres hirakistes ayant souffert de sévices. « Aucune plainte, aucun procès n’a abouti », déplore l’ONG algérienne, qui « rappelle au pouvoir sa pleine responsabilité et ses obligations de respect de la dignité humaine, de la protection des citoyens et justiciables ».
L’Algérie a ratifié en 1989 la Convention internationale contre la torture, qui est bannie par le code pénal et la Constitution du pays.
Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée