La Cour pénale internationale (CPI) a condamné Dominic Ongwen, enfant-soldat ougandais devenu un commandant de la brutale rébellion de l’Armée de résistance du Seigneur (LRA, Lord’s Resistance Army), à vingt-cinq ans de prison pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, jeudi 6 mai.
Agé de 45 ans, Dominic Ongwen avait été reconnu coupable en février de 61 chefs d’accusation, dont celui de « grossesse forcée », qui n’avait jusqu’à présent jamais été prononcé par la CPI, sise à La Haye. Il avait aussi notamment été jugé coupable de meurtre, viol, d’esclavage sexuel et de conscription d’enfants-soldats.
Les victimes réclamaient la réclusion à perpétuité. Mais estimant que l’histoire de M. Ongwen, qui a lui-même été enlevé par le groupe rebelle à l’âge d’environ 9 ans, justifiait une peine inférieure, l’accusation avait requis vingt ans de prison.
A l’issue d’un procès « long et complexe », qui a eu « un impact considérable sur chacun des juges », la chambre de première instance a été confrontée à une « situation unique », a déclaré le juge Bertram Schmitt.
Horreur exceptionnelle
Les crimes commis par M. Ongwen sont d’une horreur exceptionnelle, mais les magistrats sont d’avis que la perspective que M. Ongwen passe le reste de sa vie en prison est excessive, au vu des « souffrances extrêmes » qu’il a lui-même endurées au cours des premières années de sa vie.
« Il était un enfant doué de capacités intellectuelles supérieures à la moyenne, et les espoirs pour un avenir brillant ont été réduits à néant le jour où il a été enlevé », a affirmé le juge Schmitt. Mais « cela ne justifie en rien, et n’explique pas, l’horreur des crimes, commis délibérément », a-t-il ajouté.
Selon le tribunal, M. Ongwen a ordonné au début des années 2000 des attaques contre des camps de réfugiés, alors qu’il était l’un des commandants de la LRA, un groupe armé dirigé par le fugitif Joseph Kony, qui a mené une guerre brutale en Ouganda et dans trois pays voisins afin d’établir un Etat basé sur les dix commandements de la Bible.
Après avoir plaidé l’acquittement lors du procès, rappelant que l’accusé avait lui-même été victime de la brutalité du groupe rebelle, la défense avait demandé, lors d’une audience de détermination de la peine, dix ans de prison pour l’ancien enfant-soldat, surnommé la « Fourmi blanche ».
100 000 morts, 60 000 enlèvements
M. Ongwen a toujours nié, « au nom de Dieu », l’ensemble des accusations contre lui. Il a déclaré devant la CPI que la LRA l’avait forcé à manger des haricots imbibés du sang des premières personnes qu’il avait été obligé de tuer en guise d’initiation, après avoir été enlevé. « Je suis devant ce tribunal international avec tant d’accusations, et pourtant je suis la première victime d’enlèvement d’enfants », a-t-il dit lors de son procès. « Ce qui m’est arrivé, je ne crois même pas que cela soit arrivé à Jésus-Christ », a-t-il ajouté.
En le jugeant coupable, les magistrats de la CPI ont reconnu que M. Ongwen avait lui-même beaucoup souffert mais ils ont estimé que ses crimes avaient été commis « en tant qu’adulte responsable et commandant de l’Armée de résistance du Seigneur ».
Selon l’Organisation des Nations unies (ONU), la LRA a massacré plus de 100 000 personnes et enlevé 60 000 enfants lors de violences qui se sont étendues au Soudan, à la République démocratique du Congo et à la République centrafricaine.
M. Ongwen, qui s’est rendu en 2015, est le premier commandant de la LRA à être jugé par la CPI. Le fondateur du groupe, Joseph Kony, est considéré comme toujours en fuite et fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la cour.
Source: Le Monde Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée