Fin juin, le Balai Citoyen, mouvement de la société civile du Burkina Faso, a déposé plainte contre le gouvernement pour «non-assistance à personnes en danger» lors de l’attaque de Solhan.
Plusieurs centaines de femmes ont manifesté hier à Dori, dans le nord du Burkina Faso, pour dénoncer l’insécurité et les violences djihadistes, rapporte l’AFP. Les manifestantes ont défilé dans les rues de la ville de Dori, chef-lieu de la région du Sahel. «Plus d’un mois après le massacre de Solhan, la situation sécuritaire dans notre région demeure peu rassurante, malgré les discours officiels», a déclaré la porte-parole du collectif des femmes du Sahel, à l’origine de la manifestation, Aminata Cissé.
Et d’ajouter : «Nous, femmes du Sahel, sommes à bout : nous n’en pouvons plus et n’accepterons plus de supporter plus longtemps ces peines et souffrances qui marquent de manière horrible le vécu quotidien des populations du Sahel en général et celui des femmes en particulier.» Elle a indiqué que les femmes du Burkina «veulent vivre enfin débarrassées de deuils récurrents et de veuvage à porter, du fait des massacres de leurs époux et de leurs enfants».
Dans la nuit du 4 au 5 juin, au moins 132 personnes, selon le gouvernement, et 160, selon des sources locales, ont été tuées dans l’attaque du village de Solhan, près de la frontière avec le Mali et le Niger. Cette attaque est la plus meurtrière depuis le début de l’insurrection djihadiste au Burkina Faso, il y a six ans, qui a fait plus de 1500 morts et contraint un million de personnes à fuir leurs foyers.
Colère
Mi-juin, l’opposition a réclamé la démission du Premier ministre, Christophe Dabiré, et du ministre de la Défense face à la montée des violences djihadistes. Le 29, le Balai Citoyen, mouvement de la société civile du Burkina Faso, a déposé plainte contre le gouvernement pour «non-assistance à personnes en danger» lors de l’attaque de Solhan.
Le lendemain, le président Kaboré a limogé les ministres de la Défense, Chériff Sy, et de la Sécurité, Ousséni Compaoré, et assumera lui-même le poste de la Défense. Début juillet, àl’appel de l’opposition et des organisations de la société civile, plusieurs milliers de personnes ont marché dans les rues de nombreuses villes du Burkina Faso, dont la capitale Ouagadougou, contre «l’aggravation» de la situation sécuritaire.Advertisements
Depuis 2015, le Nord, la capitale Ouagadougou et l’Est connaissent régulièrement des enlèvements, dont ceux d’Occidentaux, ainsi que des attaques perpétrées par des groupes djihadistes affiliés à Al Qaîda ou à l’organisation Etat islamique (EI). Le 15 janvier 2016, un attentat contre l’hôtel Splendid et le restaurant Cappuccino à Ouagadougou fait 30 morts, majoritairement des Occidentaux.
L’attentat, premier de ce type dans le pays, est revendiqué par le groupe djihadiste Al Qaîda au Maghreb islamique (Aqmi), qui l’attribue au groupe Al Mourabitoune de l’Algérien Mokhtar Belmokhtar. Le 7 février 2017, l’opposition critique le président Kaboré sur sa gestion de la question sécuritaire. Le 2 mars 2018, des attaques simultanées visent l’état-major et l’ambassade de France : huit militaires sont tués.
L’attentat est revendiqué par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (GSIM), lié à Al Qaîda. Pour la première fois, les assaillants ont utilisé une voiture piégée. Fin 2018, l’état d’urgence est décrété dans plusieurs provinces. A partir de 2019, les attaques deviennent quasi quotidiennes. En début d’année, le chef d’état-major général des armées est limogé, un nouveau gouvernement est formé, puis l’armée réorganisée.
En mai, les gouverneurs des régions en proie à des attaques djihadistes sont limogés. Le 19 août, 24 soldats sont tués dans l’attaque d’une base militaire à Koutougou (nord), près du Mali. Le 6 novembre, au moins 38 personnes sont tuées et 63 blessées dans l’attaque d’un convoi transportant des employés de la mine d’or de Boungo, exploitée par une société canadienne dans l’Est.
Le 24 décembre, 200 djihadistes attaquent la base militaire et la ville d’Arbinda, près du Mali, faisant 42 morts. Le 25 janvier 2020, un massacre fait 39 morts sur un marché du village de Silgadji (nord), où des hommes sont exécutés après avoir été séparés des femmes. Ce massacre intervient moins d’une semaine après l’attaque des villages de Nagraogo et Alamou (province de Sanmatenga), où les assaillants ont tué 36 civils.
En août, le code électoral est modifié pour que les élections de novembre puissent être validées, même si elles ne peuvent se tenir sur tout le territoire en raison de l’insécurité.
Le 26 avril dernier, deux journalistes espagnols et un militant écologiste irlandais sont exécutés alors qu’ils se trouvaient avec une patrouille antibraconnage attaquée dans l’Est. Le 3 mai, au moins 25 civils sont tués dans l’attaque du village de Kodyel, dans la commune de Foutouri (est). Depuis l’attaque de Solhan les manifestations de colère se multiplient dans tout le pays.
Source : El Watan/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée