A l’heure où le retour de Laurent Gbagbo alimente la « Une » des quotidiens ivoiriens, sur fond de débat autour de la réconciliation nationale, le gouvernement communique sur ses résultats macroéconomiques mais aussi sur ses perspectives de reprise. En dépit de la Covid-19, le pays peut se targuer d’une croissance de 2% en 2020 selon le Fonds monétaire international (FMI), contre -3,4% de récession globale enregistrée en Afrique subsaharienne sur la même période. Le pays conforte sa place de locomotive économique sous-régionale. Cette résilience s’est accompagnée d’une amélioration de l’indice de capital humain, qui est passé de 46,3% en 2015 à 39,4% en 2020, selon la Banque mondiale, mais cette tendance ne s’observe qu’en milieu urbain car le nombre d’Ivoiriens pauvres a simultanément augmenté dans les zones rurales de +2,4%.
Après le déplacement de Franck Riester à Abidjan en juin dernier, le Sénat accueillait le 12 juillet dernier, un colloque sur la Côte d’Ivoire à Paris, organisé par Business France. Le rendez-vous a réuni plusieurs personnalités institutionnelles (en présentiel et par voie numérique) à l’instar de Gérard Larcher, le président du Sénat, de Franck Riester, le ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, chargé du Commerce extérieur et de l’Attractivité, de Pedro Novo, le directeur exécutif en charge de l’Export au sein de Bpifrance, de Benoit Trivulce, le directeur général délégué de Business France, d’Emmanuel Esmel Essis, le ministre de la promotion de l’Investissement privé de Côte d’Ivoire mais aussi d’acteurs du secteur privé tels que Cémoi, La Société Générale, Compagnie fruitière, Bouchard, Bolloré, Suez…
La stratégie ivoirienne de containment contre la Covid-19
En dépit des investissements consentis par l’Etat ivoirien ces dernières années, les dépenses de santé ne représentent que 5% des dépenses du gouvernement, bien loin des 15% escomptés par les pays de l’Union africaine (UA) en 2001 dans la Déclaration d’Abuja. Aussi, dès mars 2020, le gouvernement ivoirien développait en tout hâte, un cadre institutionnel de lutte contre la pandémie, présidé par le Premier ministre, décrétant l’état d’urgence et imposant différentes mesures de restrictions par étapes (fermeture des frontières et des écoles, rassemblements de plus de 50 personnes interdits, fermeture des commerces de détail non essentiels et des bars, des restaurants, des lieux de loisirs, distanciation sociale imposée, couvre-feu décrété entre 21 h et 5 h, limitation des déplacements), afin d’échapper à la catastrophe sanitaire.
La Côte d’Ivoire a pris un certain nombre de mesures pour soutenir les ménages et le secteur privé au plus fort de la crise, et a adopté un plan de soutien économique, social et humanitaire d’un montant de 1700,9 milliards de Fcfa (report et suspension des impôts pour les entreprises, allègement réglementaire et fonds de soutien dédiés aux grandes entreprises (100 milliards de Fcfa), aux PME (150 milliards de Fcfa) et au secteur informel (100 milliards de Fcfa). Certains ménages ont même bénéficié d’un report du paiement des factures d’électricité. Pour accompagner sa stratégie de riposte contre la pandémie de Covid-19, le pays a bénéficié du soutien de ses partenaires multilatéraux comme la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO) (ndr : extension du cadre de garantie permettant d’accéder au refinancement de la banque centrale).
Fortement tributaire des importations alimentaires et de produits manufacturés, le pays redoutait une flambée des prix qui l’aurait menacé d’insécurité alimentaire. Aujourd’hui, l’heure est à la transformation et à la création de chaînes de valeur locales et régionales, sur fond d’opérationnalisation de la zone de libre échange continentale africaine (Zlecaf). C’était d’ailleurs l’un des objets du récent déplacement de Franck Riester, le ministre français du Commerce et de l’Attractivité à Abidjan qui rappelle à loisir, sa volonté de créer des « partenariats industriels mutuellement bénéfiques », à l’instar de l’initiative conduite en matière de transformation de cacao par l’entreprise Cémoi en Côte d’Ivoire.
De la chute des prix du cacao à la Covid-19, la croissance ivoirienne résiste
« Les opportunités d’investissement sont légion en Côte d’Ivoire », a rappelé Gérard Larcher par voie de communiqué lu par le sénateur André Reichardt, président du groupe d’amitié France-Afrique de l’Ouest. « Si la crise sanitaire a quelque peu ralenti la croissance, les fondamentaux restent bons », estime-t-il. La Côte d’Ivoire représente le 2e client de l’hexagone en Afrique subsaharienne avec 1,1 milliard d’euros d’exportations en 2020 (derrière l’Afrique du Sud avec 1,3 milliard d’euros) et son 2e fournisseur avec des importations d’un montant de 901 millions d’euros en 2020. La France est le 1er investisseur de Côte d’Ivoire en termes de flux (214 millions d’euros) et de stock (2,1 milliards d’euros). En substance, 90 % du stock d’investissements est orienté vers les services financiers, les hydrocarbures, l’eau, l’électricité, le BTP, l’agro-industrie, les transports, l’hôtellerie, la distribution, les télécommunications et l’audiovisuel. Près de 600 entreprises de droit ivoirien sont dirigées par des Français et le pays abrite 250 filiales d’entreprises françaises.
« J’ai ressenti une forte aspiration sur le terrain de renforcer ces liens entre la France et la Côte d’Ivoire », s’est réjoui Franck Riester (en visioconférence) qui a souligné que « les entreprises françaises excellent dans – plusieurs- domaines – comme – la ville durable, la mobilité, l’agriculture, le sport et l’économie numérique », des thèmes qui étaient justement à l’affiche du colloque organisé par Business France au Sénat.
« Avec la Côte d’Ivoire, on sait par où commencer », a déclaré Benoît Trivulce, le directeur général délégué de Business France, soulignant l’attractivité du pays qui, en dépit des crises, maintient une croissance positive. En 2017, alors que le cours des prix des matières premières s’effondrait, la Côte d’Ivoire avait maintenu une croissance positive de l’ordre de 7%, preuve s’il en était de la résistance du 1er producteur mondial de cacao.
Le pays est le principal contributeur du commerce régional avec 41% des exportations de l’UEMOA et 28% des importations. La Côte d’Ivoire est aussi un hub sous-régional et exporte aujourd’hui de l’électricité dans les pays limitrophes (Ghana, Mali, Bénin et Burkina Faso). Locomotive africaine francophone, le pays fait néanmoins figure de « petit poucet » face au géant nigérian qui représente à lui seul près des 2/3 de la croissance régionale.
Un secteur privé sollicité pour plus d’inclusivité
« L’ambition de développement économique de la Côte d’Ivoire est résumée dans son projet de société : la Côte d’Ivoire Solidaire », a rappelé Patrick Achi, le Premier ministre, dans une déclaration lue par Emmanuel Esmel Essis, son ministre en charge de la Promotion de l’Investissement privé de Côte d’Ivoire, qui avait fait le déplacement rue de Vaugirard. Cette orientation s’appuie notamment sur la consolidation de la paix, l’industrialisation, l’amélioration du cadre des affaires, la réforme de l’administration par voie de dématérialisation et le développement du capital humain. Le ministre a par ailleurs, rappelé l’impérieuse nécessité de renforcer le secteur privé ivoirien pour transformer le défi démographique en opportunités économiques.
Classée parmi les pays les plus réformateurs du Doing Business, la Côte d’Ivoire n’en reste pas moins dans le bas du classement général. En Côte d’Ivoire, la croissance est sélective. « Dans le Doing Business, nous sommes passés de la 177e à la 110e place quand même », tempère le ministre de l’Investissement qui rappelle que le très ambitieux Plan national de développement (PND 2021-2025) est placé sous le signe de l’inclusivité. Il projette le « doublement de la croissance d’ici 2025 et son triplement d’ici 2030 », une ambition soutenue par un plan de 43 000 milliards de Fcfa.
« La Côte d’Ivoire est un pays où la multiplicité des opportunités des investissements rend notre économie résiliente […] Nous projetons une croissance moyenne de 8% sur les 5 prochaines années », a souligné le ministre ivoirien, invitant la soixantaine d’entreprises françaises qui assistaient au colloque, à investir en Côte d’Ivoire.
Source : La Tribune Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée