Quatre pharmacies et toujours rien : Santos Bimbile patiente une énième fois dans la file d’attente d’une officine de Malabo pour trouver le remède qui pourra soulager le mal de ventre de sa belle-sœur. « C’est très difficile de mettre la main sur certains médicaments, surtout à un prix abordable », se lamente-t-il. En Guinée équatoriale, petit pays pétrolier d’Afrique centrale, les 1,4 million d’habitants font face à une pénurie de médicaments.
« Nous n’avons presque rien reçu depuis trois ans », a regretté fin juillet Francisco Ondo Nsue, directeur du Centre national du médicament (Centramed), un organisme gouvernemental chargé d’approvisionner hôpitaux et pharmacies en matériel médical et en médicaments. Une situation dramatique qui oblige Centramed à puiser dans des stocks qui s’amenuisent et qui affecte aussi bien le secteur public que celui du privé.
Fatima Nsang tient dans les bras son bébé de 6 mois devant la pharmacie Los Angeles, l’une des plus réputées de Malabo. Il peine à respirer. « Je suis à la recherche de médicaments, on m’en a prescrit sept à l’hôpital, mais je n’ai pu en trouver que deux », peste-t-elle. Ocheku, un Nigérian de 40 ans, ressort dépité de l’officine, sans son antidouleur. Même constat amer pour Esther Ada, qui n’a pu trouver un produit pour soigner son diabète.
Hausse des prix et contrefaçons
Les étals de nombreuses pharmacies sont vides ou clairsemés à travers Malabo, a constaté un journaliste de l’AFP. Celle de Centramed a même fermé ses portes depuis plusieurs mois, faute d’un approvisionnement suffisant. « Beaucoup de médicaments nous manquent ici », a confirmé à l’AFP, sous couvert d’anonymat, une responsable d’un établissement hospitalier de Malabo. Bata, la capitale économique, qui concentre quelque 800 000 habitants, est également touchée par cette pénurie.
En cause : le manque d’investissement du ministère de la santé dans l’achat de médicaments, selon le directeur de Centramed. Alors que le ministère dispose d’une allocation annuelle de l’Etat de quelque 2 milliards de francs CFA (environ 3 millions d’euros), « seuls 3 % ont été dépensés », pointe du doigt M. Ondo Nsue. Contacté par l’AFP, le ministère de la santé n’a pas souhaité répondre aux accusations.
Devant les difficultés d’approvisionnement, certaines pharmacies ont augmenté les prix. « Le Frenadol [un antigrippal] coûte désormais 10 000 francs CFA [environ 15 euros], contre 4 000 francs il y a quelques mois », déplore Ela Anguesomo en sortant d’une pharmacie. Autre sujet d’inquiétude pour les autorités : la prolifération de médicaments contrefaits, en provenance notamment du Cameroun voisin. « Nous avons fait quelques saisies de médicaments provenant du Cameroun et du Nigeria et qui sont probablement faux », a indiqué, sous couvert d’anonymat, un douanier en poste à l’aéroport de Malabo.
Près de 10 000 cas de Covid-19
La crise du Covid-19 a accentué les difficultés d’approvisionnement du pays. Depuis le début de la pandémie, la Guinée équatoriale a annoncé officiellement 8 928 cas de contaminations et 123 décès. Des chiffres difficiles à confirmer de source indépendante dans un pays dirigé d’une main de fer depuis plus de quarante-deux ans par Teodoro Obiang Nguema, âgé de 79 ans.
La vaccination contre le Covid-19 est obligatoire depuis fin juillet pour certaines professions comme les militaires, les personnels de santé ou les enseignants. La Guinée équatoriale a reçu en février 100 000 doses du vaccin chinois Sinopharm pour lancer sa campagne de vaccination. Deux autres livraisons ont été reçues par les autorités de Malabo en avril et en juin.
Mais le pays connaît depuis 2014 des difficultés économiques en raison de la chute des cours des hydrocarbures, dont il dépend à 90 %. « Si la Guinée équatoriale est considérée comme un pays au revenu moyen supérieur, son système de santé continue de connaître de nombreux problèmes qui touchent habituellement les pays à faibles revenus : personnel inadapté, longs délais d’attente, pénurie de médicaments et de matériel médical essentiels, diagnostics erronés fréquents », déplorait en 2017 l’ONG Human Rights Watch.
En Guinée équatoriale, riche en gaz et pétrole, la grande majorité de la population vit sous le seuil de pauvreté. Selon la Banque mondiale, l’espérance de vie était de 59 ans en 2019.
Source : Le Monde Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée