« En tant que gouvernement, notre rôle est de faciliter le développement de nos économies verte et bleue – et à cette fin, nous avons décidé de donner la priorité au développement urgent d’actifs d’hydrogène vert en Namibie pour accélérer la décarbonisation de notre système énergétique », a déclaré le président Hage Geingob, lors d’une réunion de dirigeants, en marge de la 26e Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, qui se tient à Glasgow, en Écosse.
Un pays touché par le changement climatique
Diamants, minerais, uranium, patrimoine naturel, parcs nationaux : le potentiel de la Namibie est immense. Reconnue comme le pays des horizons sans fin, des vastes distances et des paysages épiques, pourtant la Namibie a la deuxième densité de population la plus basse au monde après la Mongolie, avec seulement 2,5 millions d’habitants. C’est immensément vaste, et pourtant complètement vide. La disponibilité des terres n’est donc pas une contrainte au développement d’énergies renouvelables à grande échelle, dont l’hydrogène vert.
Le pays en a urgemment besoin, car les effets du changement climatique créé par le phénomène connu sous le nom de El Niño provoquent de plus en plus des conditions météorologiques extrêmes telles que les inondations, les sécheresses prolongées et la dégradation des terres. Dans un rapport publié en juillet 2021, l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (Unesco) rappelle les conséquences de la sécheresse en Namibie. Parmi elles figurent le décès du bétail, la baisse de la production agricole, l’insécurité alimentaire et surtout les pénuries d’eau potable.
Un mégaprojet d’hydrogène de 9,4 milliards de dollars
C’est avec ces problématiques en tête que le gouvernement a lancé l’initiative : développement du corridor sud (SCDI) dans la région de Kharas, la plus méridionale de la Namibie. Dont le projet le plus emblématique est le premier projet d’hydrogène vert à grande échelle, pour un montant de 9,4 milliards de dollars. À la COP26, le gouvernement a annoncé que son choix s’était porté sur le consortium franco-allemand Hyphen Hydrogen Energy comme soumissionnaire préférentiel.
Le projet, situé dans le parc national de Tsau/Khaeb, produira environ 300 000 tonnes d’hydrogène vert par an dans ce pays africain, ce qui couvrira à la fois les besoins nationaux et internationaux. Initialement, 2 GW de production d’électricité renouvelable seront mis en œuvre pour produire de l’hydrogène vert avec d’autres phases prévues pour passer à 5 GW et 3 GW de capacité d’électrolyseur. « Le parc national de Tsau //Khaeb fait partie des cinq premiers sites au monde pour la production d’hydrogène à faible coût, bénéficiant d’une combinaison de ressources éoliennes et solaires onshore co-localisées près de la mer et des routes d’exportation terrestres vers le marché mondial », a expliqué Marco Raffinetti, PDG de Hyphen Hydrogen Energy.
Pour Nangula Uaandja, PDG du Conseil namibien de promotion et de développement des investissements, « c’est exactement le type d’investissement que le conseil vise à attirer car il est directement aligné sur notre ambition de débloquer des opportunités qui font avancer l’économie, et surtout améliore la qualité de vie de tous les Namibiens, avance-t-il. Il s’agit d’un projet marquant qui permettra au pays de créer en moyenne 15 000 emplois directs au cours des quatre prochaines années et 3 000 emplois directs permanents au cours de la période d’exploitation de 40 ans, tout en contribuant à d’autres efforts visant à stimuler la reprise économique. »
Partenariats tous azimuts
En août dernier, le pays signait avec l’Allemagne un partenariat formel pour mener des études de faisabilité autour de l’hydrogène et ainsi former des professionnels du secteur. L’Allemagne ambitionne de devenir numéro un mondial des technologies de l’hydrogène et prévoit d’investir 9 milliards d’euros d’ici 2030. Les études menées en Namibie devraient permettre l’exportation d’hydrogène vers l’Allemagne à partir du pays sud-africain. James Mnyupe a déclaré que, bien que l’accent soit mis sur l’exportation vers l’Europe, l’ambition est aussi de vendre une partie de la production aux pays voisins, afin de « profiter de la vision que nos dirigeants ont pour la zone de libre-échange continentale africaine ». « Beaucoup de nos voisins nous ont contactés – l’Angola, l’Afrique du Sud et le Botswana – pour demander comment ce projet peut être intégré dans le pool énergétique d’Afrique australe », a-t-il déclaré.
L’annonce du projet intervient alors que l’Afrique du Sud cherche aussi à développer des projets d’hydrogène vert dans une nouvelle zone économique spéciale (ZES) située à Boegoebaai, de l’autre côté de la frontière namibienne. Le président Cyril Ramaphosa a fait valoir que Boegoebaai pourrait rapprocher l’Afrique du Sud et la Namibie alors que les deux pays d’Afrique australe tentent de s’assurer une part du marché d’exportation en raison de l’appétit mondial croissant pour l’hydrogène vert et les produits dérivés. Signe que le pays voit grand, un institut namibien de recherche sur l’hydrogène vert a été créé, puis intégré au sein de l’Université de Namibie. Objectif : accélérer la recherche et le développement au niveau local et former des professionnels qualifiés pour répondre aux besoins des entreprises locales tout au long de la chaîne de valeur de l’hydrogène vert.
Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée