Plus de 23 millions d’Algériens élisent, samedi, leurs représentants locaux dans le cadre d’élections municipales et départementales anticipées, troisième scrutin organisé sous la présidence d’Abdelmadjid Tebboune. Un vote crucial pour le chef d’État, qui s’est engagé à réformer toutes les institutions.
Après trois semaines de campagne électorale marquées par la morosité, plus de 23 millions d’Algériens sont appelés à choisir, samedi 27 novembre, leurs élus communaux et départementaux. Un scrutin important aux yeux du pouvoir pour tourner la page de la fin de règne mouvementée du défunt ex-président Abdelaziz Bouteflika.
Le président Abdelmadjid Tebboune a voté en compagnie de sa famille, selon des images de la télévision publique. Plusieurs ministres, le président du Sénat ainsi que le chef d’état-major ont également voté dans la matinée.
Deux heure après l’ouverture du scrutin, le taux de participation atteignait à 10 h 4,12 % pour les communales et 3,9% pour les départementales, a annoncé le président de l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), Mohamed Charfi. Lors des législatives de juin, l’affluence était de 3,9% à la même heure.
Mis à part quelques affiches et rassemblements dans des salles fermées, les candidats ont été peu actifs pour convaincre les 23 millions d’électeurs. Les bureaux de vote fermeront à 19 h. Les résultats officiels devraient être annoncés dimanche.
Selon l’Autorité nationale indépendante des élections (ANIE), 115 230 candidats sont en lice dans les 1 541 communes.
Ils seront également 18 910 postulants à se disputer les sièges départementaux dans 58 préfectures. Les femmes ne représentent que 15 % de l’ensemble des candidatures, selon l’ANIE.
« Veux-tu le changement ? », « l’édification institutionnelle », « signe et appose ton empreinte » : c’est le slogan officiel de ce double scrutin.
Un slogan critiqué par le politologue et ancien professeur de sciences politiques, Mohamed Hennad, qui aurait préféré des thématiques basées « sur les valeurs de la citoyenneté ».
Troisième scrutin
Pour le politologue, le pouvoir s’entête « à imposer sa volonté en dépit des résultats déshonorants enregistrés lors des précédents scrutins ».
Il s’agit de la troisième élection organisée sous la présidence d’Abdelmadjid Tebboune, qui s’est engagé à réformer toutes les institutions héritées des 20 ans de règne de Bouteflika, contraint à la démission en avril 2019 sous la pression des manifestations du mouvement pro-démocratie Hirak et de l’armée.
Le 5 juillet, jour de la fête d’indépendance de l’Algérie, le président Tebboune, élu en décembre 2019 avec 58 % des suffrages et un taux de participation d’à peine 40 %, avait assuré inscrire son action dans le sillage d’un « Hirak béni authentique ».
Dans une première étape, le président Tebboune a fait adopter des amendements constitutionnels lors d’un référendum le 1er novembre 2020, approuvé par seulement 23,7 % d’électeurs.
Deuxième étape : les législatives anticipées du 12 juin dernier, également marquées par une abstention historique avec 23 % de taux de participation.
« Participer avec force »
La troisième étape du processus, les élections locales, devrait drainer davantage d’électeurs aux urnes.
« Je souhaite que les citoyens participent avec force à ces élections », a déclaré le président Tebboune, lors d’une interview avec des médias algériens diffusée, vendredi soir, par la télévision officielle.
« Si le peuple veut le changement, il est grand temps qu’il l’opère lui-même à l’occasion de cette échéance », a-t-il dit vendredi.
« Ces élections se distinguent des législatives par la relation directe (des élus) avec le citoyen et ses préoccupations », a analysé pour l’AFP Nabila Benyahia, enseignante en sciences politiques, estimant qu’elles permettront de mesurer le niveau de confiance entre le citoyen et le pouvoir.
Toutefois, si « le pouvoir affirme vouloir un changement en réponse au Hirak, il n’a retenu que le mot ‘changer' », a commenté le politologue Hennad, estimant qu’il avait « imposé son agenda dans une atmosphère de monologue politique n’impliquant les forces politiques que formellement ».
La participation attendue en Kabylie, région qui avait boycotté les précédents scrutins, devrait faire monter la participation.
Le Front des forces socialistes (FFS, plus vieux parti d’opposition), présente des candidats dans cette région qui est l’un de ses principaux fiefs.
Des indépendants, parmi lesquels d’anciens dirigeants du Rassemblement pour la culture et la démocratie (RCD), participent aussi au scrutin alors que le parti boycotte officiellement les municipales.
La participation n’est pas l’enjeu majeur de ce scrutin, nuance Redouane Boudjemaa, enseignant à la Faculté des Sciences de l’information et de la Communication d’Alger.
Ce sont plutôt les « grands défis économiques et sociaux de l’année prochaine », dit-il à l’AFP. « L’effondrement du pouvoir d’achat engendrera la recrudescence des protestations syndicales », estime Redouane Boudjemaa.
Source: France 24/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée