Réfugié en France, Claude Muhayimana, 60 ans, ancien chauffeur d’un hôtel à Kibuye au Rwanda, a été condamné jeudi, à 14 ans de prison par la cour d’assises de Paris. Il était accusé de « complicité » de génocide et de crimes contre l’humanité pour avoir « aidé et assisté sciemment » des miliciens en assurant à plusieurs reprises leur transport sur les lieux de massacres.
Le verdict est tombé pour Claude Muhayimana. La cour d’assises de Paris a condamné jeudi 16 décembre l’ancien chauffeur à 14 ans de réclusion pour complicité de génocide et de crimes contre l’humanité lors de l’extermination des Tutsi au Rwanda.
Le parquet général avait requis mercredi 15 ans de prison contre ce Franco-Rwandais, lors du troisième procès en France lié au génocide au Rwanda en 1994.
Claude Muhayimana « a contribué au génocide en tant que conducteur et transporteur des tueurs sur une très longue période de trois mois », a déclaré le ministère public, citant les témoignages de Rwandais entendus par la cour ces dernières semaines, que ce soient des rescapés du génocide ou d’ex-tueurs.
Un « acteur du génocide »
L’accusé a été un « acteur du génocide » et un « rouage indispensable dans le dispositif de cette traque des Tutsi », a jugé l’accusation.
D’origine hutu, Claude Muhayimana était jugé depuis le 22 novembre à Paris pour « complicité » de génocide et de crimes contre l’humanité lors du génocide ayant visé la minorité tutsi, orchestré par le régime extrémiste hutu. Une des pires tragédies du 20e siècle qui a fait plus de 800 000 morts dans des conditions effroyables, d’avril à juillet 1994.
« Autour de 72 000 personnes ont été tuées dans la préfecture de Kibuye, du fœtus au vieillard, dans des charniers à ciel ouvert, c’est toute une chaîne de vie qui a été éradiquée », a rappelé le ministère public.
« N’oubliez pas le regard, la profondeur, l’humilité de ces rescapés et l’émotion qui nous a pris en les écoutant, ils sont les symboles de la survie, ils sont les éternels contraints du génocide », a-t-il relevé.
L’accusé, décrit par la défense comme un « homme ordinaire », vit en France depuis des années et est cantonnier à Rouen (nord-ouest).
L’accusation a jugé la « parole de l’accusé peu crédible ».
Alors qu’il était chauffeur d’une guest-house à Kibuye (ouest du Rwanda) en 1994, Claude Muhayimana est accusé d’avoir transporté entre avril et juillet des gendarmes et des miliciens sur des lieux de massacres, notamment dans les régions de Kibuye et Bisesero, où au moins 50 000 personnes ont été massacrées.
À l’issue de près de quatre semaines de longues auditions d’une cinquantaine de témoins, l’accusation a demandé aux jurés de la cour d’assises de « ne pas permettre » à Claude Muyahimana « d’échapper à ses responsabilités » dans les crimes dont il est accusé « et de le condamner à une peine de 15 ans de réclusion criminelle ».
L’accusé ne « pouvait ignorer » les destinations et objectif funeste des transports avec la camionnette qu’il est accusé d’avoir conduite chargée notamment de miliciens « Interahamwe » (bras armés du génocide) entonnant le chant « Exterminons les », a relevé l’accusation. « Il ne s’est jamais désolidarisé des actes auxquels il contribuait ».
Il a apporté « une plus-value très concrète car il faut de l’expérience pour transporter des tueurs sur des routes accidentées dans les confins de cette région », a estimé le ministère public.
La défense, qui a plaidé la contrainte, a décrit l’accusé comme un « simple citoyen », tombé dans « le chaos du génocide ».
« Au service des génocidaires »
« Ce qui met définitivement à néant l’argument de la contrainte c’est la durée et la fréquence au service du génocide; c’est un homme qui répond présent », a répliqué le ministère public.
« Nous vous demandons de le déclarer coupable » de s’être rendu complice de génocide et complice de crimes contre l’humanité pour les massacres des collines de Kibuye, Gitwa, Bisesero et de l’école de Nyamishaba, a déclaré le ministère public, qui a demandé aux jurés de l’acquitter partiellement pour les massacres des collines de Kizenga.
Claude Muhayimana est un « homme opportuniste qui s’adapte à des circonstances chaotiques, il s’est adapté au génocide en se mettant au service des génocidaires », a asséné l’accusation.
Il s’agit du troisième procès en France lié au génocide des Tutsi mais c’est la première fois qu’un citoyen « ordinaire » est jugé. Les deux autres avaient concerné un ex-capitaine de l’armée et deux bourgmestres rwandais.
« Les témoignages donnés devant cette cour d’assises sont une preuve indélébile de ce qui s’est passé à Kibuye, cela ne pourra pas être oublié », avait déclaré mardi à la cour Dafroza Gauthier – qui a perdu une centaine de membres de sa famille dans le génocide – co-fondatrice du Collectif des parties civiles pour le Rwanda (CPCR), association qui lutte contre l’impunité des présumés génocidaires réfugiés en France.
« Ces innocents qui n’avaient connu d’autres crimes que d’être tutsi, dont les corps n’ont jamais été retrouvés, la justice les sort de cette tombe sans nom », a-t-elle soufflé.
Source: France 24/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée