Pour dénoncer le coup d’État du général Abdel Fattah al-Burhane et réclamer la démocratie, des milliers de personnes ont de nouveau manifesté, jeudi, au Soudan. Les protestataires veulent également obtenir justice pour les dizaines de morts de la répression depuis le putsch d’octobre.
La lutte pour la démocratie se poursuit. Des milliers de Soudanais ont de nouveau défilé, jeudi 3 février, pour réclamer justice pour les dizaines de morts de la répression depuis le putsch d’octobre et ont une nouvelle fois essuyé des tirs de grenades lacrymogènes, en dépit des critiques venues de l’étranger.
À Khartoum-Nord, la banlieue nord-est de la capitale soudanaise, 2 500 manifestants s’étaient rassemblés pour demander justice pour les 79 d’entre eux tués depuis le coup d’État du 25 octobre, quasi tous par des balles dans la tête ou la poitrine, selon un syndicat de médecins prodémocratie.
Pour tenter de les disperser, les forces de sécurité ont tiré, en fin de journée, des grenades lacrymogènes, a constaté un journaliste de l’AFP. Dans l’est remuant de Khartoum, des témoins ont également rapporté à l’AFP des tirs de grenades lacrymogènes sur la foule qui conspuait le pouvoir militaire.
Au même moment, plus de 5 000 personnes convergeaient vers la maison de la famille de Mohammed Youssef, un Soudanais de 27 ans mortellement touché à la poitrine lors de manifestations anti-putsch dimanche, à Omdourman, l’autre banlieue de Khartoum sur la rive nord du Nil, tandis que d’autres encore érigeaient des barricades de pierres dans le centre de la capitale.
Non loin de là, l’émissaire de l’ONU au Soudan, Volker Perthes, recevait le général Abdel Fattah al-Burhane, l’auteur du coup d’État désormais seul aux manettes du pays, trois ans après la destitution d’un autre général, le dictateur Omar el-Béchir. Une fois de plus, il l’enjoignait « à faire cesser les violences qui accompagnent les manifestations », rapportent les autorités.
« La police tire à balles réelles »
Car, accuse l’ONG des droits humains Human Rights Watch (HRW), « la police tire des balles réelles sur des manifestants non armés ». Elle cite notamment des témoins ayant vécu le déchaînement de violence du 17 janvier, la deuxième journée la plus meurtrière depuis le putsch avec au moins huit morts.
Au moins six d’entre eux disent avoir vu la police « tirer des balles réelles » tandis que HRW dit avoir identifié sur des vidéos des officiers de police armés de fusils Kalachnikov.
Le pouvoir militaire, qui assure régulièrement interdire à ses hommes d’ouvrir le feu, a malgré tout reconnu récemment avoir « confisqué des Kalachnikov » à certains d’entre eux après les avoir identifiés dans des vidéos circulant partout sur les réseaux sociaux. Outre les balles réelles, « la police anti-émeute tire des grenades lacrymogènes directement sur les manifestants », ajoutent les témoins.
« Alors que nous reculions pour nous protéger, j’ai reçu une grenade dans le dos. J’ai vu deux autres manifestants être touchés à la tête et à la poitrine » par ces culasses métalliques qui peuvent être létales, raconte l’un d’eux, cité par HRW. Surtout, insiste-t-il, « il n’y a eu aucune sommation » des forces de sécurité « et aucune provocation de la part des manifestants ».
Si Washington a gelé 700 millions de dollars d’aide et la Banque mondiale l’intégralité de ses paiements au Soudan dans la foulée du putsch, pour HRW, il faut « des mesures concrètes pour faire cesser la répression ».
La secrétaire d’État adjointe américaine, Molly Phee, a récemment menacé de « faire payer aux dirigeants militaires un coût plus lourd encore si la violence continue ». « Nous étudions tous les outils (…) pour réduire les fonds dont dispose le régime militaire soudanais et pour isoler les entreprises tenues par l’armée », a-t-elle déclaré, alors qu’au Soudan, où 80 % des ressources échappent au contrôle de l’État, les militaires tiennent de nombreuses entreprises allant de l’élevage de volailles à la construction. »
Source: France 24/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée