Au Cameroun, la fête de la jeunesse a eu lieu, vendredi 11 février. A cette occasion, la veille, le président Paul Biya a adressé son traditionnel message à « ses jeunes compatriotes », un discours dans lequel il est notamment revenu sur un sujet déjà évoqué dans ses vœux pour la nouvelle année, à savoir les discours de haine sur les réseaux sociaux, « des dérives » que le chef de l’État déclare déplorer.
Paul Biya fait référence aux messages insultants ou à connotation discriminante que l’on peut lire de façon récurrente sur facebook, des messages qui s’en prennent notamment au groupe tribal béti associé au régime de Yaoundé ou au groupe bamiléké associé au parti d’opposition du MRC. Le phénomène s’est amplifié avec la crise anglophone qui dure depuis cinq ans et aussi depuis la dernière présidentielle de 2018.
Plusieurs formes de discours haineux
Ces discours haineux prennent plusieurs formes : informations fabriquées véhiculant des idées fausses sur tel ou tel groupe tribal, tournures de phrases qui sous-entendent des divisions entre Camerounais (« nous » versus « les autres ») ou encore des contenus qui sont, sans ambiguïté, des insultes.
Selon Desmond Ngala, de l’ONG Defy Hate Now qui sensibilise les jeunes sur l’impact des réseaux sociaux sur la vie réelle, des indices montrent qu’il ne s’agit pas de propos spontanés mais de campagnes de dénigrement orchestrées.
« Nous observons des discours qui s’expriment de 7h30 à 17h, puis ça s’arrête. Et ça recommence le lendemain. Il y a aussi les fois où le message vient avec une faute d’orthographe et la même faute est reprise par différents comptes de la même manière. Cela nous fait croire qu’il y a des personnes qui travaillent à cela, que ce n’est pas par hasard que ces messages se retrouvent sur la Toile », explique-t-il
Pour Paul-Joël Kamtchang de l’organisation Adisi Cameroun – une organisation de la société civile qui milite pour une information crédible et fiable en ligne – ce qui se passe sur les réseaux cristallise la tension latente dans le pays.
« Malaise social »
« Il s’agit de la transposition d’un malaise social. Avec des frustrations, du chantage politique, ce manque d’emplois, ces emplois sélectifs. Vous voyez que c’est le seul endroit où les Camerounais peuvent s’exprimer à l’heure actuelle parce que en matière de libertés publiques (manifestations, réunions politiques), tout est presque maté », souligne-t-il.
En novembre 2019, le code pénal camerounais a été modifié. Toute personne coupable de propos haineux à caractère tribaliste est passible d’un à deux ans d’emprisonnement et d’une amende pouvant aller jusqu’à trois millions de francs CFA.
Source: RFI Afrique/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée