Une panne généralisée du réseau électrique survenue en début de semaine a plongé le Nigeria dans le noir et les habitants, eux, peinent à alimenter les générateurs privés. Avec la guerre en Ukraine, le prix du baril a explosé provoquant des pénuries d’essence qui paralysent l’économie du pays.
La mauvaise nouvelle est tombée mardi 15 mars en fin d’après-midi. « En raison d’une panne de l’ensemble du réseau électrique, nous sommes au regret de vous informer de ruptures d’approvisionnements », explique sur Twitter l’un des principaux fournisseurs d’énergie du Nigeria, provoquant la colère de la population.
La vieille, une autre panne du réseau avait déjà plongé l’ensemble de ce pays de 220 millions d’habitants dans le noir. Si les délestages et autres pannes sont monnaie courante au Nigeria, la situation semble, cette fois, avoir atteint un niveau critique. « Pas de carburant, pas d’électricité, comment le Nigeria pourrait-il fonctionner ? », s’interroge une internaute. « Et on doit continuer à travailler dans ces conditions horribles, faire de l’argent et payer ce gouvernement inutile », s’insurge un autre.
Depuis plusieurs semaines, le Nigeria doit composer avec une distribution sporadique d’électricité. Les infrastructures vieillissantes du pays expliquent en partie ces tensions quotidiennes sur le réseau. À ces problèmes structurels s’ajoutent désormais des difficultés croissantes de la compagnie pétrolière nationale (NNPC) à approvisionner les centrales du pays.
« Les causes de nos problèmes sont d’une part la guerre en Ukraine, et d’autre part la vandalisation permanente de nos oléoducs. D’ordinaire, le Nigeria produit de quoi remplir 250 pétroliers par mois, mais en raison des sabotages, seuls 142 navires sont chargés », explique à RFI, Muhammadu Lawal, membre du bureau de la NNPC.
Lundi, une explosion s’est produite sur un oléoduc exploité par le géant italien Eni dans le sud du Nigeria, provoquant une réduction des exportations et un déversement de pétrole. Un autre incident également attribué à un acte de vandalisme avait eu lieu quelques jours plus tôt.
Avions cloués au sol
Pour pallier le manque d’électricité, les Nigérians se tournent vers des générateurs privés, mais entre les pénuries et le doublement des prix à la pompe, faire tourner les groupes électrogènes s’avère de plus en plus compliqué.
« Il n’y a plus de courant depuis hier et nous tournons au générateur », explique à l’AFP Julius Adewale dans sa boulangerie de Lagos. Conséquence : « notre coût de production a considérablement augmenté ».
« Moi, j’achète le carburant au marché noir. Le prix est un peu plus élevé qu’auparavant et je suis obligé de répercuter cette hausse sur mes tarifs. Tout le monde n’a pas les moyens, alors je perds des clients », se lamente, de son côté, Solomon Iroh, un coiffeur interrogé par CGTN Africa.
Ces pénuries ont également des conséquences sur le secteur de l’aérien qui se remettait à peine de la crise du Covid-19. Plusieurs compagnies aériennes locales, comme Air Peace ou encore Dana Air ont ainsi annoncé devoir reporter ou annuler des vols par manque de kérosène.
« La situation devient vraiment alarmante. Les prix des services et des produits augmentent », confirme Chinwe Ossundu, la correspondante de France 24 à Lagos, qui décrit les longues files d’attente devant les stations-essence de la capitale économique du pays.
Déjà aux prises avec une inflation dépassant les 15 %, cette crise énergétique commence à avoir un impact sur toute l’économie du pays. Un coup dur pour le Nigeria dont plus d’un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté avec moins d’1,90 dollars par jour.
Producteur de pétrole mais dépendant
Cette situation de pénurie illustre le paradoxe auquel est confronté le premier pays producteur de pétrole en Afrique. Malgré ses gigantesques réserves d’or noir, le Nigeria importe plus de 90 % de son carburant à cause de capacités de raffinage quasi-inexistantes.
« Le Nigeria est le seul membre de l’Opep à souffrir d’un manque de capacités de raffinage. L’utilisation de carburants de mauvaise qualité est l’un des nombreux prix à payer de notre dépendance aux importations », déplore le journal nigérian Vanguard.
Pour satisfaire ses besoins, le pays a passé des accords lui permettant d’échanger son brut contre du pétrole raffiné. Or, les cours mondiaux de l’or noir s’envolent depuis le début de la guerre en Ukraine. Ces derniers jours, le prix du baril semble se stabiliser autour des 100 dollars.
Cette augmentation du prix du pétrole pèse énormément sur les finances publiques du Nigeria, puisque l’État dépense chaque année plusieurs milliards de dollars en subventions pour maintenir les prix à la pompe en dessous de ceux du marché. Un quoi qu’il en coûte qui devrait perdurer au moins jusqu’à la prochaine élection présidentielle prévue en février 2023.
Source: France 24/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée