Alors que le sommet de l’UA va se tenir à Niamey, les attaques des groupes armés islamiques illustrent une évolution peu rassurante sur le terrain.
Avec le sommet de l’UA qui se déroule du 4 au 6 juillet à Niamey, s’annonce la semaine de tous les dangers. Cinquante chefs d’État et leur délégation vont être placés sous haute surveillance, et la capitale va être transformée en « bulle sécuritaire » contre toute attaque terroriste. Toutes les forces de sécurité maliennes, soutenues par des moyens de troisième dimension, drones et satellites français et américains, sont en alerte maximum. Trois promotions d’élèves gendarmes et policiers tout juste sortis de l’école sont même déployées. Car pour les groupes armés islamistes, réussir un coup de force pendant une telle réunion politique de haut niveau, c’est être assuré de bénéficier d’une caisse de résonnance médiatique exceptionnelle.
La tentation d’un coup d’éclat pour les groupes islamistes
Ce n’est pas la première fois qu’ils essaient de réaliser un coup d’éclat dans la capitale. Le 19 juin dernier, deux policiers sont abattus et quatre autres blessés dans l’attaque-surprise en pleine nuit, à 23 h 30, de leur poste à l’entrée nord de Niamey, sur la route de Ouallam. Le modus operandi est similaire aux précédentes attaques : les terroristes déboulent à moto. Une première si près de Niamey. Perpétrer un attentat étant toutefois difficile pour eux en ville, les terroristes multiplient les attaques à la « périphérie », la frontière du Niger et du Mali devenue désormais un nouveau champ de bataille après l’autre frontière passoire, celle avec le Burkina Faso.
Le 1er juillet deux véhicules kamikazes surprennent les sentinelles d’un camp de la région d’Inates, à 260 kilomètres de Niamey, où s’entraînent les recrues de l’opération de maintien de la paix des Nations unies au Mali, la Minusma. Selon le mode opératoire déjà éprouvé par le passé, pendant que les véhicules explosent, provoquant un incendie et la panique dans la base, des motos pénètrent à leur tour dans l’enceinte en roulant en zigzag pour être moins vulnérables. À l’arrière, les passagers tirent de longues rafales sur les soldats désorientés qui cherchent à se mettre à l’abri pour riposter. Une opération éclair terroriste qui n’est pas rare dans cette zone devenue très sensible.
Le 14 mai dernier, alors que la prison de haute sécurité de Koutoukalé est attaquée, 28 soldats nigériens meurent dans une embuscade près de Tongo Tongo, dans la région de Tillabéri, à une vingtaine de kilomètres de la frontière malienne où quatre soldats américains des forces spéciales et cinq Nigériens avaient déjà été tués en octobre 2017. Les autres avaient pu se dégager de ce guet-apens grâce à l’intervention des Mirages 2000 et des hélicoptères français basés à Niamey. Depuis, les combattants djihadistes de l’organisation État islamique dans le Grand Sahara (EIGS) n’ont cessé de procéder à des coups de main de plus en plus audacieux.
Organiser la défense…
Après le massacre des soldats nigériens à la mi-mai dernier, une opération tripartite avec des moyens américains et des militaires français du dispositif Barkhane est menée du 8 au 18 juin dans cet ouest du Niger où sont disséminés des katiba motivées et combattives. Dix-huit islamistes sont tués et cinq sont faits prisonniers. Ce qui n’a pas empêché les djihadistes d’attaquer un camp nigérien abritant des soldats de la Minusma, 15 000 militaires et policiers, dont le Conseil de sécurité vient tout juste d’autoriser, en partie, le déploiement du nord au centre du Mali où se déroule désormais la « mère des batailles ». Prolongée d’un an, cette force ne disposera pas d’une augmentation d’effectifs ni d’hélicoptères pour se porter au plus vite dans les villages martyrisés par la guerre dans la guerre, celle entre communautés peul et dogon, celle-ci accusant la première de garnir les rangs des djihadistes.
… dans un environnement explosif
Le 30 juin, trois villages peuls du cercle de Bankass ont été attaqués à mi-journée. Bilan : 23 morts, dont des femme et des enfants, plus des disparus. Un nouveau massacre qui s’ajoute à ceux qui se sont succédé depuis la mort en mars de 135 civils peuls à Ogossagou. Là aussi, l’armée malienne est arrivée trop tard, alors que les maires affirment l’avoir avertie que des dozos, des chasseurs traditionnels dogons constitués en milice, rodaient autour des villages. Représailles et règlements de comptes alternent désormais entre les sédentaires dogons qui disputent les pâturages aux éleveurs peuls, nostalgiques de l’ancien empire du Macina qui s’étendait jadis jusqu’à Segou. Depuis 2015, les prêches du chef de la Katiba Macina, le marabout Amadou Koufa, fédèrent les plus révoltés et attirent les jeunes qui veulent en découdre à travers le djihad, vecteur religieux et social du « renouveau » d’une imaginaire nation peul. Elle s’étendrait partout au Sahel, dont le foyer est concentré dans le centre du Mali, qui abrite 30 % des 20 millions d’habitants du pays. Aujourd’hui puissante, la Katiba Macina aligne plusieurs centaines d’hommes, des milliers de sympathisants et bénéficient de l’appui de son allié, le Touareg Iyad Ag Ghali, qui a fait allégeance à Al-Qaïda au nom de son organisation terroriste qui regroupe plusieurs mouvements islamistes.
Dans cette immense zone de non-droit de plusieurs kilomètres carrés administrée par les djihadistes, l’armée malienne paraît dépassée. Elle n’ose pas sortir de ses campements et la majorité des fonctionnaires ont déserté leurs postes par peur d’être assassinés. Presque aucune enquête n’a abouti sur les tueries et quasiment personne n’a été mis en examen pour ces meurtres.
Pendant ce temps, le gouvernement malien fait ce qu’il peut
Le président Ibrahim Boubacar Keita affirme consacrer 20 % du budget de l’État à la défense et attend plus de la communauté internationale, qui constate que les accords de paix d’Alger ne sont pas appliqués et que la mauvaise gouvernance accentue la crise, qui n’a jamais été aussi aiguë. Pour tenter de limiter la dérive très dangereuse qui déstabilise son pays, et le Sahel, IBK vient de nommer un Haut Représentant pour le centre du Mali, le professeur Dioncouda Traoré, ancien président de la transition. Une annonce qui risque d’avoir peu d’effet sur le terrain où le régime apparaît en position de faiblesse pour imposer une solution, même négociée avec des responsables peuls. Sans l’appui et des opérations conjointes avec Barkhane, l’armée malienne n’arrive pas à tenir seule le terrain, faute de moyens et de motivation dans cette guerre civile où la troupe est elle aussi sous la pression des deux communautés antagonistes. Les militaires français, eux, savent que ce conflit ne se gagnera pas que sur le plan militaire, mais par le développement et une bonne politique. Un agenda sur le long terme qui masque en fait les difficultés grandissantes du lourd dispositif français déployé avec une certaine naïveté et un optimisme trompeur sous le quinquennat précédent. Un héritage embarrassant pour Emmanuel Macron. Aussi, les prétentions sont à la baisse. L’objectif est désormais d’essayer de diminuer l’intensité de cette guerre alors que du côté des groupes terroristes, c’est tout le contraire. Avec le risque que la France soit accusée de rester immobile devant les tueries intercommunautaires qui, àapriori, ne concernent pas la mission contre le terrorisme de ses forces sur place. En favorisant un règlement africain de la crise et la sécurité d’un sommet comme celui à haut risque de l’UA cette semaine au Niger.
Source: Le point /Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée