Le Soudan se prépare mercredi à l’annonce de la composition d’un nouveau gouvernement, appelé à relever d’importants défis, après trois décennies de pouvoir militaire et des mois de contestation ayant abouti à la chute d’Omar el-Béchir.
Investi le 21 août, le Premier ministre Abdallah Hamdok doit nommer dans la journée les membres de son cabinet parmi les noms proposés par les Forces pour la liberté et le changement (FLC), fer de lance du mouvement de contestation.
« J’ai reçu mardi les noms des candidats proposés par les FLC », a indiqué M. Hamdok en précisant avoir 49 propositions pour 14 ministères.
Aux termes de l’accord historique signé le 17 août entre la contestation et les militaires, la composition du gouvernement doit être annoncée mercredi, puis celui-ci doit se réunir le 1er septembre avec le Conseil souverain formé il y a une semaine.Ce Conseil, une instance à majorité civile mais dirigée par un militaire, doit mener pendant un peu plus de trois ans la transition vers un pouvoir civil.
Samedi, Abdallah Hamdok a dit qu’il choisirait pour son gouvernement des technocrates en fonction de leurs « compétences ». « Nous voulons une équipe homogène à la hauteur des défis », a-t-il avancé.
Le gouvernement doit être composé au maximum de 20 membres, choisis par M. Hamdok à l’exception des ministres de l’Intérieur et de la Défense, qui seront nommés par les militaires siégeant au Conseil souverain.
– « Paix durable » –
Agé de 63 ans, Abdallah Hamdok, un économiste et ancien collaborateur des Nations unies, a affirmé qu’il s’attacherait à « une représentation juste des femmes » au sein du gouvernement.
« J’ai des sentiments partagés à propos du gouvernement à venir », a toutefois déclaré Tahani Abbas, militante pour les droits des femmes. « La composition qui a été ébruitée suggère qu’il ne représente pas les femmes de manière satisfaisante ».
Deux femmes siègent au Conseil souverain, composé de 11 membres (six civils et cinq généraux) et, selon l’accord de transition, le Parlement qui doit être constitué devra comporter au moins 40% de femmes.Pour la militante, les institutions gouvernementales devraient être strictement paritaires.
« Le gouvernement à venir jouira d’un soutien populaire massif », a de son côté affirmé Othman Mirghani, analyste soudanais et rédacteur en chef du quotidien indépendant Al-Tayyar.
Selon lui, le gouvernement devra se focaliser sur la conclusion d’accords de paix avec les groupes rebelles dans les régions du pays en conflit, notamment ceux ayant rejeté l’accord de transition.Conclu par les FLC et le Conseil militaire qui avait succédé à M. Béchir –destitué et arrêté par l’armée le 11 avril–, cet accord trace les grandes lignes de la transition et mentionne la nécessité de faire la paix avec les rebelles dans les six mois.
M. Hamdok a promis « d’arrêter la guerre et de construire une paix durable ».
Des centaines de milliers de personnes ont été tuées dans les conflits au Darfour, au Nil Bleu et au Kordofan-sud, et des millions déplacées.
– Optimisme prudent –
L’autre défi du gouvernement sera de relever l’économie qui s’est écroulée après la sécession du Sud en 2011, le Soudan ayant été privé des trois quarts de ses réserves de pétrole.
Deux décennies de sanctions américaines pour violations des droits humains, levées en 2017, ont aggravé la situation et le pays fait face à une inflation galopante, des pénuries chroniques de biens de première nécessité et un manque criant en devises étrangères.La détresse économique des Soudanais a été la cause principale du déclenchement des manifestations en décembre 2018, après la décision du gouvernement de tripler le prix du pain.
Les manifestations s’étaient transformées rapidement en contestation du général Béchir. Durant les près de huit mois de manifestations, plus de 250 personnes ont péri dans la répression, selon un comité de médecins proche de la contestation.
Des Soudanais attendent le nouveau gouvernement avec un optimisme prudent.
« Je suis plus optimiste depuis que le Premier ministre a dit qu’il choisirait ses ministres selon leur compétence », affirme Mohamed Amin, 32 ans, employé d’une entreprise privée. Ils seront vraiment « mis à l’épreuve quand ils s’attaqueront aux défis » du pays, a-t-il ajouté.
Pour Mohamed Babiker, un fermier de 65 ans, la remise sur pied de l’économie dépendra de la capacité du gouvernement à tirer profit des ressources du pays, notamment l’agriculture.
« S’il y arrive, ça fera beaucoup pour la stabilité ».
Source: AFP/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée