La Couverture maladie universelle (Cmu) est l’un des volets importants du vaste Programme social du gouvernement (PSGouv) ivoirien, lancé début janvier 2019, et piloté par le Premier ministre Amadou Gon Coulibaly. A travers la Cmu, le gouvernement vise à démocratiser l’assurance maladie en favorisant l’accès aux soins aux plus démunis. Un habile rattrapage sur l’explosion économique et la vaste urbanisation qu’à connu la Côte d‘Ivoire, parfois au détriment du social.
C’est une révolution tranquille qui s’annonce dans le domaine de la santé en Côte d’Ivoire ! En effet, l’assurance maladie jusqu’ici restée un luxe inatteignable pour la moyenne des Ivoiriens, sera bientôt démocratisée et à la portée de tous aussi bien du point de vue financier que géographique. Avec le Programme social du gouvernement (2020-2021) lancé depuis début janvier 2019, tout Ivoirien, tout étranger enrôlé peut bénéficier des soins avec une contribution presque modique, 1000 f Cfa mensuels. Après la phase d’enrôlement, les cotisations ont démarré depuis le 1er juillet. Les prestations vont commencer dans les prochains mois. C’est l’une des innovations avec lesquelles le président ivoirien compte marquer d’une pierre blanche sa sortie, d’autant qu’il arrive à terme d’un second mandat de cinq ans. Si la constitution l’autorise à briguer encore deux quinquennats, Alassane Ouattara se prépare, dans le secret du palais, un dauphin.
Une cotisation mensuelle de 1000F pour être couvert
L’offre de soins est manifestement bien étudiée et amortie. Ainsi, pour tout adhérent à la CMU, un montant forfaitaire de 1000 f Cfa mensuels est requis afin de bénéficier des prestations. Quid du fonctionnement de cette assurance sociale. L’assuré paie un ticket modérateur à hauteur de 30% et l’assurance prend en charge le reste à hauteur de 70%. Les services offerts par la CMU se font dans les centres de santé conventionnés. Le démarrage des prestations se fera avec 725 centres de santé identifiés par le programme. Tous ces centres seront réhabilités et équipés davantage par le gouvernement, avait promis le Premier ministre ivoirien. Parole tenue ! Les préparatifs ont été une occasion de relancer la réhabilitation des centres de santé, initiative rare en Afrique où la santé est l’enfant pauvre des politiques de gouvernement.
Une assurance maladie inclusive
La Couverture maladie universelle (Cmu) qui est un volet du PSGouv se veut inclusive et intégrant toute personne, y compris des étrangers vivant en Côte d’Ivoire sous réserve de remplir les formalités. « La CMU bénéficiera à l’ensemble des personnes résidant en Côte d’Ivoire. Pour que chacun, sur le territoire, ait un égal accès aux soins », avait expliqué le Premier ministre sur son compte tweeter en mai dernier. En outre, la couverture maladie universelle concerne aussi bien des acteurs du secteur formel que du secteur informel. Les autorités ivoiriennes visent à faire de la CMU l’assurance de base du pays à partir de 2020. Ce système de Couverture maladie universelle comporte «un régime contributif dit général de base» et «un régime non-contributif, dit régime d’assistance médicale, qui vise les personnes économiquement faibles ou démunies». La loi fait «obligation» aux compagnies d’assurance de demander à leurs adhérents de se faire enrôler d’abord à la CMU avant de pouvoir souscrire et continuer avec les assurances privées.
Les différentes composantes de la CMU
Actuellement, seuls 5% de la population de Côte d’Ivoire bénéficie d’une assurance maladie. Le couple présidentiel, le premier ministre, le vice-président et les ministres «ont reçu leur carte d’assurés de la Couverture maladie universelle». Christian Brou, le directeur des prestations de la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) a expliqué les différentes composantes du panier de soins dans le cadre de ce programme. En premier lieu, les consultations (consultations effectuées par les médecins généralistes et spécialistes, les infirmiers et sages-femmes diplômés d’Etat), viennent ensuite les consultations et soins des urgences médico-chirurgicales (prise en charge immédiate aux urgences des hôpitaux des patients dont le pronostic vital est engagé) puis enfin, les hospitalisations médicale et chirurgicale (frais de séjour des patients dont l’état de santé nécessite une hospitalisation).
Les assurés des compagnies privées tenus de se faire enrôlés au CMU
Pour mémoire, la phase expérimentale de la CMU a débuté le 25 avril 2017 au profit de la couche estudiantine et s’est achevée le 31 décembre 2018. Depuis, le 1er janvier 2019, les étudiants paient leur cotisation pour pouvoir continuer de bénéficier des prestations de soins de la CMU, explique le site web du gouvernement ivoirien. Cela a, en même temps, lancé le chantier de la généralisation dans le cadre du programme social du gouvernement. Des négociations entre la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) et le ministère de la Santé ont abouti à des tarifs préférentiels des actes de santé au profit des assurés de la CMU. D’après Oumar Coulibaly, médecin conseil à la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM),«toutes les personnes qui ont une assurance privée, à partir de janvier 2020, pour pouvoir continuer à bénéficier des services et des prestations des assurances privées, il faut d’abord avoir été enrôlé ou être reconnu comme assuré CMU ».
La BAD met la main à la poche
Rappelons que le programme social du gouvernement 2019-2021 concerne différents secteurs de la vie sociale à savoir : la santé, l’eau, l’assainissement, l’éducation et la formation. Le programme est chiffré à 727, 49 milliards FCFA, dont 300 milliards seront mobilisés par l’État ivoirien, 250 milliards par les partenaires techniques et financiers, et environ 176 milliards par les bailleurs de fonds. La Banque africaine de développement qui croit en ce programme a décidé de l’accompagner à hauteur de 283 milliards de francs. « Nous avons confiance en la politique sociale de ce pays. C’est un programme important et urgent que la Banque africaine de développement soutient fortement», a déclaré Akinwumi Adesina, Président de la Banque africaine de développement en mars dernier.
Alassane Ouattara a entamé ce vaste programme alors qu’il boucle son mandat à la tête de l’État ivoirien. Mais l’aboutissement d’un tel projet ne peut que renforcer l’électorat déjà très stable du Rhdp dont il est le leader.
Frédéric NACERE, Tribune d’Afrique