Suite aux violences manifestement xénophobes qui ont secoué l’Afrique du Sud, la tension politique avec le Nigeria contamine les réseaux sociaux et le monde de la culture.
« Africa unite ». À mesure que les rastamen samplent le rêve musical de Bob Marley, le continent s’éloigne de cette harmonie chérie. De nombreuses décennies après les cicatrices frontalières imposées par des colons, de longues années après le fantasme intéressé d’un Kadhafi, les nations se chamaillent toujours. Et pas les moindres…
Depuis le début de la semaine, les médias du continent relaient en boucle les images des pillages et des émeutes xénophobes meurtrières qui secouent depuis le 1er septembre l’Afrique du Sud. Au moins 10 personnes, dont un ressortissant étranger, ont été tuées.
Sans vérifier toujours les nationalités des victimes, on évoque l’ire de certains sud-africains à l’égard d’étrangers, considérés comme trop confortablement installés dans l’économie du pays de Madiba. Si plusieurs pays de la sous-région sont entrés dans la danse diplomatique de circonstance, c’est surtout le clash entre les deux puissances économiques subsahariennes qui retient l’attention…
Réponses du berger à la bergère
Comme entendu, les politiciens bandent leurs muscles, ce qui pourrait tout autant dissuader de nouvelles violences que jeter de l’huile sur le feu. Parfois maquillées d’impératifs de prudence, fusent les réponses diplomatiques du berger à la bergère. Le Nigeria boycotte le Forum économique mondial ouvert ce mercredi au Cap, tandis que l’Afrique du Sud annonce le lendemain la fermeture « temporaire » de son ambassade au Nigeria.
Puis, progressivement, les réactions politico-diplomatiques nigérianes et sud-africaines ont contaminé la sphère économique. Le géant sud-africain des télécoms MTN a fini par annoncer la fermeture temporaire de toutes ses agences au Nigeria, après une série d’attaques sur ses magasins. Les enseignes de supermarchés Shoprite se sont résignées à affronter des échauffourées sur leurs points de vente à Lagos. Plusieurs agents de sécurité ont été déployés mercredi devant certains de ces supermarchés.
Boycott des artistes
À travers les réseaux sociaux, la grogne populaire a pris le relais des sentences politiciennes, oubliant que le bannissement de produits d’une nationalité donnée finit toujours par être réciproque, anesthésiant la fluidité économique et compromettant des emplois sud-africains dans des sociétés nigérianes tout autant que des emplois nigérians dans des sociétés sud-africaines.
À l’heure des réseaux sociaux, l’abstinence consommatrice ciblée s’est ensuite muée en velléité simili-guerrière. Entre premier et second degré, sous l’énigmatique hashtag #BokoHaramChallenge, des internautes ont appelé à une invasion nigériane de l’Afrique du Sud ou à une résistance sud-africaine à l’agression présumée. Et chacun de révéler des armes aussi surréalistes qu’un panier en guise de casque, un fer à repasser en guise de bouclier ou une poire à lavement en guise d’arme automatique…
Au tableau de la mobilisation générale, ne manquait que la cohorte des « influenceurs » 2.0. Le chanteur nigerian Burna Boy affirme qu’il ne retournera « plus jamais en Afrique du Sud » ; un « plus jamais » temporisé dans la même phrase : « jusqu’à ce que le gouvernement sud-africain se réveille ». Quant à l’artiste Tiwa Savage, prudente, elle n’annule qu’un concert prévu en septembre à Johannesburg. Où sont les héritiers de Bob le Jamaïcain ?
Source: Jeune Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée