Alger, capitale sous haute tension

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Après les arrestations d’au moins trois figures du hirak, l’armée durcit le ton et veut empêcher l’accès de la capitale, ce vendredi, aux manifestants venus d’autres régions du pays.

En une semaine, trois opposants politiques ont été arrêtés à Alger. Le premier est Karim Tabbou, porte-parole de l’Union démocratique et sociale (UDS) et ancien premier secrétaire du Front des forces socialistes (FFS). Placé sous mandat de dépôt le 12 septembre, il est poursuivi pour « atteinte au moral de l’armée » à la suite de déclarations. Le second est Samir Benlarbi, un activiste politique. Arrêté le 16 septembre, il est mis en détention provisoire et poursuivi pour « diffusion de tracts susceptibles de porter atteinte à l’unité nationale ». Le troisième a également été placé sous mandat de dépôt pour atteinte à l’unité nationale. Il s’agit de l’activiste Fodil Boumala.

Au-delà des figures politiques emblématiques du hirak, ce sont des manifestants et principalement des militants qui sont interpellés par les services de sécurité et arrêtés lors de chaque marche avant d’être traduits devant la justice. Fin juin, le motif principal des arrestations était le port du drapeau amazigh. Depuis quelques jours, les raisons sont multiples. Elles sont notamment liées à des banderoles, des messages et des slogans. Les chefs d’inculpation sont toutefois similaires. Dimanche 15 septembre, plus de vingt manifestants ont été placés sous mandat de dépôt et poursuivis pour « incitation et atteinte à la sécurité et l’unité nationale ».

Vive émotion

Sur les réseaux sociaux, les récits des audiences faits par des avocats suscitent une vive émotion. Ils relatent les larmes d’une greffière devant un manifestant qui se demandait avec une grande amertume comment pouvait-il se retrouver à la prison d’El Harrach. C’est-à-dire dans le même établissement qu’Ahmed Ouyahia et ceux qui sont poursuivis pour avoir pillé le pays. À travers des communiqués et des interventions dans les médias qui leur donnent encore la parole, l’opposition et la société civile dénoncent sans équivoque la répression et appellent à la libération de tous les détenus arrêtés et poursuivis dans le cadre du hirak.

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« L’histoire retiendra qu’au moment où l’on parle d’aller vers un État de droit, on commet ces mesures et ces poursuites et d’une manière qui ressemble à celle des années 1990 », a lâché Me Mostefa Bouchachi, avocat et militant des droits de l’homme à sa sortie du tribunal de Bir-Mourad-Raïs où Samir Benlarbi était entendu par le juge d’instruction. Pour lui, « ces poursuites et ces mesures nuisent à l’Algérie dans sa globalité ». « Nous ne pouvons imaginer le début d’une solution avant la libération de tous les détenus d’opinion pour satisfaire les demandes du hirak », a écrit Mokrane Aït Larbi, avocat et militant des droits de l’homme sur sa page Facebook.

« Stratégie politique erronée »

Abdelaziz Rahabi, ancien ministre, a lui aussi réagi sur Facebook en parlant d’un « virage dangereux dans les choix du pouvoir en place qui a rejeté les mesures d’apaisement pour apporter une solution au blocage politique que vit le pays ». « La façon avec laquelle sont menées les arrestations nous fait ressentir que nous sommes sous un état d’urgence », souligne-t-il. Pour lui, ces « pratiques » « n’augurent aucun projet démocratique sérieux basé sur les libertés et la justice ». Me Abdelmadjid Sellini, bâtonnier d’Alger, estime, dans une déclaration à El Khabar, que ces arrestations « relèvent d’une mauvaise approche et d’une stratégie politique erronée ».

L’avocat évoque des « informations sur la libération de certains détenus du hirak dans les deux (prochaines) semaines comme une forme d’apaisement et pour faire baisser la tension ». Mais cette nouvelle vague d’arrestations intervient après la mise en place depuis plusieurs semaines d’un important dispositif de sécurité et des restrictions à la veille de chaque manifestation qui inquiètent de plus en plus les Algériens. Aujourd’hui, le vice-ministre de la Défense nationale et chef d’état-major de l’armée a donné de nouvelles instructions à la gendarmerie nationale en ce qui concerne l’accès à la capitale les vendredis.

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Empêcher l’accès à Alger ?

« Nous avons constaté sur le terrain que certaines parties, parmi les relais de la bande, aux intentions malveillantes, font de la liberté de déplacement un prétexte, pour justifier leur dangereux comportement, qui consiste à créer tous les facteurs qui perturbent la quiétude des citoyens, en drainant chaque semaine des citoyens issus de différentes wilayas du pays vers la capitale, afin d’amplifier les flux humains, dans les places publiques, avec des slogans tendancieux qui n’ont rien d’innocent que ces parties revendiquent », a-t-il indiqué.

« Leur véritable objectif est d’induire l’opinion publique nationale en erreur avec ces moyens trompeurs pour s’autoproclamer fallacieusement comme les porte-voix du peuple algérien. À cet effet, j’ai donné des instructions à la gendarmerie nationale pour faire face avec fermeté à ces agissements, à travers l’application rigoureuse des réglementations en vigueur, y compris, l’interpellation des véhicules et des autocars utilisés à ces fins en les saisissant et en imposant des amendes à leurs propriétaires », a-t-il ajouté.

Pas question d’un troisième report

Intervenant toujours sur la question des arrestations des activistes, le bâtonnier d’Alger a également évoqué des « cartes utilisées (par le pouvoir, NDLR) pour faire passer des choses précises ». « Je ne vois aucun intérêt ni aucune raison à ces arrestations dès lors que chacun exprime son avis et sa position politique dans le cadre des libertés reconnues à tous les citoyens », a-t-il dit sans donner plus de détails sur ces « choses précises ». Certains observateurs appréhendent d’ores et déjà l’éventualité d’interdire des marches dans la capitale dans les prochaines semaines, voire les prochains jours. Une hypothèse qui n’est pas à exclure avec l’approche de la présidentielle.

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En effet, le 15 septembre dernier, le chef de l’État a convoqué le corps électoral pour le 12 décembre prochain. Deux lois relatives à l’autorité indépendante des élections et au régime électoral ont été adoptées, signées par Abdelkader Bensalah et publiées dans le journal officiel en un temps record. L’autorité nationale indépendante des élections qui récupère les prérogatives de l’administration pour l’organisation du scrutin a été installée. Tout est prêt pour la présidentielle et pour le pouvoir, il n’est plus question de reporter pour la troisième fois ce rendez-vous.

Pour la tenue de l’élection présidentielle, des candidats doivent pouvoir se présenter sans être perturbés par l’ampleur des manifestations qui risque éventuellement de dissuader certains d’entre eux. Une campagne électorale doit se dérouler dans un minimum de sérénité tout comme le scrutin, dont la crédibilité ne doit pas être écorchée par une protestation d’une grande ampleur.

L’empêchement des manifestations au sein de la capitale dans les prochains jours pourrait donc constituer une étape importante dans sa stratégie. D’autant plus que, théoriquement, les marches sont interdites à Alger depuis 2001 à la suite des émeutes du printemps noir. Le décret exécutif non publiable portant interdiction des manifestations dans la capitale signé par le chef du gouvernement de l’époque, Ali Benflis, n’a pas été abrogé. Dans ce sens, les marches prévues pour le 31e vendredi de mobilisation devraient être déterminantes.

Dans sa dernière chronique publiée par Al Qods El Arabi le 15 septembre, le sociologue Nacer Djabi s’interroge : « L’Algérie se dirige-t-elle vers le pire des scénarios ? » La question qui reste entière.

Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

Tribune d'Afrique

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