La Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) propose des outils pour permettre à l’Afrique de lutter, elle aussi, contre le réchauffement climatique. Au premier rangs desquels une économie plus dirigée et un accroissement des investissements dans le secteur de l’énergie.
Face aux conséquences du réchauffement climatique, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced) reste fidèle à son habitude de prendre à rebrousse-poil le consensus économique planétaire en préconisant un plus grand dirigisme. Dans son Rapport annuel sur le commerce et le développement 2019 publié le 25 septembre, la Cnuced souligne les difficultés qui attendent les pays en développement pour participer à la défense de l’environnement. « La protection du climat exige une nouvelle vague d’investissements massifs devant servir à réformer le secteur de l’énergie et d’autres secteurs émetteurs de carbone », y lit-on.
Des objectifs hors d’atteintes
Le problème est que l’endettement des pays les moins riches a explosé, depuis les annulations de dette des années 2000, et que les capacités de financement de ces pays sont très réduites, malgré le maintien de taux très bas sur les marchés. À titre d’exemple, la dette publique de l’Afrique du Sud est passée de 31 % de son produit intérieur brut (PIB) en 1980 à 53 % en 2017, et sa dette privée (particuliers et entreprises) a bondi dans le même temps de 48 à 71 %.
« S’ils veulent satisfaire les besoins en investissement que demandent la réalisation des quatre Objectifs de développement durable fixés par l’ONU d’ici 2030 (élimination de la pauvreté, promotion de la nutrition, institution d’un vrai système de santé, mise sur pied d’un système éducatif de qualité) leur tâche semble difficile », explique Rachid Bouhia, économiste et co-auteur du rapport.
Par exemple, si l’Algérie, le Bénin, le Cameroun, l’Éthiopie, le Kenya, le Malawi, le Mali, l’Ouganda et la Tanzanie voulaient y parvenir, « il faudrait soit qu’ils réalisent une croissance de 21 % par an sans augmentation de leur ratio dette/produit intérieur brut actuellement de 47 %, soit qu’ils portent ce ratio à 185 %. Aucun de ces deux scénarios n’est réaliste », constate le rapport.
La Cnuced préconise ainsi cinq solutions pour remédier à cette pénurie de moyens. « Il faudrait d’abord mettre en place un programme mondial de prêts permettant aux pays en développement d’emprunter à des conditions de faveur, détaille Rachid Bouhia. Ce fonds serait alimenté par l’aide au développement des pays donateurs, qui porteraient celle-ci à 0,7 % de leur revenu intérieur brut, comme ils l’ont promis ».
Alléger la dette des pays les moins développés
Deuxième mesure : augmenter les droits de tirage spéciaux (DTS) et les consacrer à la protection de l’environnement. Troisième mesure : « Alléger la dette des pays les moins développés sans conditionnalités ou critères d’admissibilité trop restrictifs, commente Rachid Bouhia. Un tel allègement a déjà amélioré la croissance en Afrique à partir de la fin des années 1990 ».
Quatrième mesure : renforcer la coopération monétaire entre les pays d’une même région afin de refinancer et de promouvoir le commerce intra-régional pour créer des chaînes de valeur et mettre en place de véritables systèmes régionaux de paiement et d’unions de compensation interne.
Cinquième et dernière mesure : « Il faut revoir le cadre législatif du mécanisme de rééchelonnement de la dette en cas de difficultés de remboursement de la dette par un État, conclut Rachid Bouhia, afin que sa restructuration soit ordonnée et équitable ».
Si les États reprennent du poil de la bête face à la finance comme le souhaite la Cnuced, le pari de ces réformes ne sera peut-être pas gagné en 2030, mais l’Afrique aura un peu plus les moyens de participer au sauvetage de la planète, ce dont elle sera la première bénéficiaire.
Source: Jeune Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée