Après avoir essuyé des pertes inédites en raison de la crise de Covid-19, les principales compagnies aériennes africaines ne cessent, chacune à son niveau, de tester les pistes de sortie de crise, dans un contexte de deuxième vague de contamination au coronavirus. Des efforts qui se traduisent par une chasse aux milliards perdus via la quête de financements ou la mise en œuvre de mesures alternatives. Tour d’horizon.
L’industrie de l’aviation africaine aura besoin d’environ 35 milliards de dollars pour se relever de la pandémie de Covid-19. Cette estimation est la somme des 25 milliards de dollars préconisés par le groupe de travail de la Commission de l’Union africaine (CAFAC) et des 10 milliards de dollars « supplémentaires » requis conjointement par la Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique et l’Association africaine des compagnies aériennes (AFRAA) dans un rapport publié début mars.
Alors qu’à l’instar de tout le secteur au niveau mondial les transporteurs aériens africains ont essuyé de grosses pertes en 2020 suite à des mois de suspension des vols internationaux. Les prévisions de l’Association internationale du transport aérien tablaient sur une chute d’environ 40 milliards de dollars sur les chiffres d’affaires globaux du secteur en Afrique en 2020. Ces entreprises -qui doivent parfois composer avec une réalité déjà difficile avant l’avènement de la pandémie- tentent de récupérer les milliards perdus via la quête de financements ou la mise en œuvre d’alternatives à leur activité principale. Tout cela, dans un contexte de deuxième vague de contamination au coronavirus.
Ethiopian Airlines, le fret à fond !
Même si la crise a été la plus tranchante de toute son histoire comme confié récemment par son PDG Tewolde GabreMariam, Ethiopian Airlines est l’une des rares compagnies africaines à avoir saisi des opportunités pendant la pandémie. Se positionnant sur le fret dont la demande était en hausse, le premier transporteur aérien d’Afrique a converti 25 avions de sa flotte en cargo. Cela lui a notamment permis de livrer les fournitures médicales offertes par le milliardaire chinois Jack Ma aux Etats africains ou encore celles de l’OMS, de l’Unicef et du PAM.
Ainsi, en une année, 5 645 vols cargo dans la cabine des avions de passagers ont permis de transporter plus de 121 750 tonnes de fret à travers le réseau mondial de la compagnie. Ethiopian Airlines, qui entend rester sur cette lancée à moyen terme pour réalimenter ses caisses des milliards « volés » par la pandémie, a réceptionné le 25 mars un Boeing 737-800P2F. Le transporteur éthiopien vise en outre l’amélioration de sa capacité à desservir les destinations court-courriers pour transporter les vaccins, au moment où les Etats africains s’approvisionnent.
Rwandair, le Qatar en renfort
Première compagnie africaine à faire vacciner l’ensemble de son personnel contre la Covid-19 la semaine dernière, Rwandair, en dépit de ses déboires, vise haut. Le gouvernement reconnait que l’entreprise n’est pas rentable (pour l’instant), mais reste stratégique pour l’économie du pays. Les comptes de l’entreprise rapportent en effet plusieurs exercices déficitaires dont celui de 2018 (- 61,9 millions de dollars) et 2019 (-26,2 millions de dollars).
Dans sa quête de solutions visant à faire émerger le transporteur rwandais dans un contexte mondial rude, Rwandair est sur le point de finaliser un important partenariat avec Qatar Airways. Le numéro un mondial du transport aérien prendra 49% des parts du transporteur national rwandais qui bénéficiera à son tour de l’expertise prouvée de la compagnie qui a son quartier général à Doha.
« La prise de participation de Qatar Airways dans le capital de Rwandair est quelque chose d’important tant pour le Rwanda que pour la compagnie aérienne », a déclaré récemment la CEO Yvonne Makolo dans un entretien avec CNN. « Le Rwanda est un pays très ambitieux, a-t-elle poursuivi. Donc, avoir un partenaire solide comme Qatar Airways pour aider le pays à mettre en place un hub approprié avec le nouvel aéroport … dont le Qatar détiendra 60% des parts, pourra positionner le Rwanda de manière très stratégique, en tant que hub international, pour tout le continent africain et au-delà ». Bref, la compagnie veut pouvoir transformer ses milliards de Franc rwandais de pertes en milliards de bénéfices.
Kenya Airways, vers de nouveaux partenaires après Air France
Compagnie déficitaire depuis huit ans, Kenya Airways a vu ses pertes tripler en 2020 à 329,6 millions de dollars, principalement due à la chute du nombre de passagers passé à 1,8 million en 2020 contre 5,2 millions en 2019 en raison de la pandémie de Covdi-19. Son PDG, Allan Kilavuka, ne s’attend pas à un retour à l’équilibre avant 2024. Il estime que la firme a besoin de 54,9 milliards de shillings -soit plus de 500 millions de dollars- pour s’en sortir.
Alors qu’à défaut de desservir intensément des destinations internationales Kenya Airways misait sur le marché national, la suspension par le président Uhuru Kenyatta des déplacements par route, en train ou en avion à destination et en provenance de cinq villes restreint à nouveau ses possibilités. Pour combler ses énormes trous financiers, le transporteur kényan veut également miser sur le fret avec l’acquisition prochaine de deux Boeing 737-300.
Une autre piste importante pour Kenya Airways est la recherche de nouveaux partenaires. Sa coentreprise avec Air France KLM prend fin le 1er septembre 2021 et le transporteur kényan est en pourparlers avec « plusieurs compagnies aériennes », a récemment confié Kilavuka, sans toutefois révéler l’identité de ces potentiels partenaires.
Royal Air Maroc, la fermeture du ciel marocain fait cogiter
Une des compagnies aériennes africaines les plus actives à travers le monde, Royal Air Maroc a été sérieusement agenouillée par la crise pandémique. Après des licenciements, une réduction de sa flotte due aux confinements et à la suspension de vols internationaux, la RAM doit à nouveau composer avec la vague de fermeture de son espace aérien à 39 pays à travers le monde. Les derniers en date : la France et l’Espagne à compter du 30 mars. Cela se traduit par des annulations de vols qui engendrent des coûts importants pour la compagnie qui, selon un récente sortie d’un responsable marketing, procède au remboursement de billets dont elle en reçoit la demande.
Dans l’optique de multiplier les possibilités de retour à l’activité, la RAM vient d’étoffer son service de fret aérien avec le lancement d’un bon à délivrer électronique.
Tunisair, vers une énième recette
Après le très médiatisé limogeage de la trentenaire Olfa Hamdi du poste de PDG, c’est désormais sur les épaules de Khaled Chelly, un ancien de la maison, que repose la lourde responsabilité de piloter la sortie de crise du transporteur national tunisien. Le rééchelonnement des dettes de Tunisair -plus de 340 millions de dollars- auprès des banques, du Trésor public et de ses fournisseurs, fraichement obtenu marque un pas en avant non négligeable. Mais la compagnie est encore très loin d’avancer vers la stabilité, d’autant qu’elle était déjà en profondes difficultés bien avant la crise pandémique. En juin 2020, le top management évaluait à 100 millions de dinars (environ 35 millions de dollars le financement nécessaire à une sortie du gouffre.
Avec une flotte de 27 avions (dont 22 opérationnels), des employés rémunérés à 50% ou en chômage partiel, les voyages internationaux qui peinent à redécoller dans un contexte de deuxième vague de contamination au coronavirus, la stratégie « miracle » de Chelly est très attendue.
Air Senegal, l’ambition malgré les couacs
Relancé en mai 2020 grâce à une dotation en capital de 45 milliards de Fcfa sur décision du président Macky Sall, le transporteur national sénégalais a porté sa flotte à neufs avions suite à l’acquisition fin février de son deuxième Airbus A321. Malgré les difficultés, Air Senegal tente de s’internationaliser progressivement. Après Paris, la compagnie a lancé fin février Dakar-Milan promettant « quatre dessertes à moindre coût » aux potentiels voyageurs. Alors que le transporteur essuie de nombreuses critiques pour ses récents reports de vols notamment sur sa ligne parisienne, la compagnie sénégalaise mise également depuis peu sur des capitales africaines comme Douala et Libreville, via Cotonou.
Air Côte d’Ivoire, un nouveau patron pour oxygéner
Comptant une dégringolade de 42% de son chiffre d’affaires en 2020, Air Côte d’Ivoire a un nouveau directeur général depuis le 25 février en la personne de Laurent Loukou, un professionnel de longue date du transport aérien dans la sous-région.
Le transporteur national ivoirien vient de s’offrir son premier Airbus A320neo et nourrit des ambitions pour le long courrier, lorgnant dans un premier temps des destinations telles que Johannesburg, en Afrique du Sud.
Egyptair, de sérieuses visées sur le continent
Après le déblocage par l’Etat de 5 milliards de livres (318 millions de dollars) de prêts en 2020, Egyptair sollicite à nouveau 5 à 7 milliards de livres d’aide pour se maintenir en 2021 et ainsi honorer ses engagements envers ses employés, ses créanciers et ses fournisseurs.
La compagnie nationale égyptienne veut par ailleurs parier sur le continent. Elle développe actuellement un partenariat avec la nouvelle compagnie aérienne ghanéenne pour la fourniture de quatre avions et entend négocier une coentreprise avec le transporteur national soudanais. « Se répandre en Afrique, c’est notre objectif principal », a déclaré à Bloomberg le PDG Roshdy Zakaria, soulignant que la compagnie est surtout à la recherche d’un hub au Sud du Sahara, afin d’élargir son offre régionale.
Source : La Tribune Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée