Face à la combinaison de trois facteurs, dérèglement climatique, choc démographique et faible accès à l’énergie, l’Afrique repense ses modèles pour anticiper sur les solutions de demain. Au Africa Security Forum 2019, près de 400 experts de 35 pays africains ont élaboré des recommandations en faveur de l’énergie pour tous, de la sécurité alimentaire, de la gestion de l’eau et du développement pour atténuer les effets du changement climatique.
Comment l’Afrique pourra-t-elle affronter les enjeux sécuritaires du changement ? C’est la question posée aux experts réunis à la 4e édition de l’Africa Security Forum qui s’est achevée le 3 décembre à Rabat. Co-organisé par le Centre de recherches et d’études stratégiques, Atlantis, et le Forum international des technologies de sécurité (FITS), l’Africa Security Forum a rassemblé cette année les représentants de 35 pays africains et 400 personnalités et experts de plusieurs pays. Placés sous la thématique « L’Impact du changement climatique sur la sécurité en Afrique », les travaux ont porté sur l’accroissement démographique et le développement agricole, la sécurité alimentaire et la gestion de l’eau, ainsi que sur les esquisses de solutions.
Changement climatique et sécurité en Afrique
L’Afrique est considérée comme le continent le plus vulnérable de la planète aux impacts des changements climatiques en raison des défis politiques, socio- économiques et démographiques auxquels elle doit faire face. Les conséquences sur les écosystèmes, la biodiversité et les sociétés humaines en Afrique soulèvent de sérieux problèmes en matière de sécurité.
Pour Driss Benomar, président d’Atlantis, « les effets des changements climatiques déstabilisent les régions les plus vulnérables en Afrique et favorisent les tensions, des conflits et des problèmes sécuritaires ».
Le scénario alarmiste
Selon les prévisions de la GIEC, un accroissement de 1,2°C à 1,9°C devrait conduire à une hausse du nombre de personnes sous-alimentées en Afrique, estimées aujourd’hui à 240 millions de personnes. Une augmentation prévue à hauteur de 25% en Afrique centrale, 50% en Afrique de l’Est, 85% en Afrique australe et 95% en Afrique de l’Ouest. Les conséquences sur la malnutrition infantile pourraient priver l’Afrique de 2 à 16% de son PIB, selon les estimations de la Commission économique pour l’Afrique (CEA). Le tout dans un contexte de forte hausse de la démographie. En effet, la population africaine devrait atteindre plus de 2 milliards d’habitants en 2050. Au même moment, sur le terrain, les changements climatiques devraient se traduire par des baisses de rendements agricoles, avec des cycles agricoles plus courts associés à d’importantes perturbations du régime des précipitations. Des conditions susceptibles d’aggraver les problèmes et conflits autour des ressources en eaux. En cas d’absence de solution durable, l’Afrique ne pourra couvrir que 13% de ses besoins alimentairesà l’horizon 2050. Dans ce cas de figure, l’on s’attend à d’importants flux migratoires à destination des grandes agglomérations. Des mouvements massifs de populations pouvant exacerber le chômage, la violence et la criminalité.
L’Afrique, le continent de tous les possibles
Au cours de cette édition 2019, la thématique générale du changement climatique a été abordée sous plusieurs angles. Les débats ont été axés sur la sécurité alimentaire et la gestion de l’eau, puis sur l’accroissement démographique et le développement agricole. Pour finir, les experts ont discuté de l’anticipation sur les solutions de demain.
Pour l’avocat et ancien ministre français Jean Louis Borloo, qui a particulièrement mis l’accent sur l’accès à l’énergie, l’Afrique « est le continent de tous les possibles ». Et ce,de par sa jeunesse, de ses ressources naturelles, son multilinguisme notamment.
« L’énergie est au XXIe siècle, le premier des droits de l’homme, avant les préalables relatifs à l’eau, à la sécurité alimentaire, à la santé, à l’éducation», a expliqué Jean Louis Borloo.
Sur la relation entre changement climatique et sécurité, l’Ougandaise, Barbara Nimusiima, a relevé les effets sur la sécurité des populations les plus vulnérables à savoir les femmes et les enfants, particulièrement exposés à la violence. Selon le Camerounais, Barnabé Okouda, directeur exécutif du Camarcap, l’une des solutions est de tirer profit de la jeunesse pour développer l’agriculture.
« La démographie est une donne et le développement agricole est un déterminant », a-t-il déclaré.
Pour Babacar Ndiaye du think tank Wathi, le développement agricole se fera par l’information et la formation des jeunes aux métiers de l’agriculture. Il a également souligné la nécessité d’apporter une réponse adaptée à la question de l’accaparement des terres et aussi de la maîtrise de l’eau. Représentant l’Institut national de recherche agricole (INRA) du Maroc, Rachid Moussadek a mis l’accent sur la dégradation des sols, les mécanismes d’adaptions aux changements climatiques et la question du financement des projets durables en Afrique. Le continent qui abrite 16% de la population mondiale capte à peine 5% du fonds climat et 20% des fonds dédiés à l’adaptation de l’agriculture aux changements climatiques.
Source: La Tribune Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée