Le secrétariat général de la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (CEEAC), les gouvernements du Tchad, de Centrafrique, du Congo et de la République Démocratique du Congo (RDC) ont annoncé, hier jeudi 16 janvier, l’organisation d’une table ronde le 19 mars prochain à Brazzaville pour financer la réalisation d’une douzaine d’infrastructures de transport en Afrique centrale d’ici 2029.
« Pour asseoir les bases d’un développement durable et d’une intégration régionale réussie, l’Afrique centrale se doit de relever de nombreux défis parmi lesquels celui de construire un réseau de transport multimodal au service de la circulation des personnes et des biens », estime Ahmad Allam-Mi, secrétaire général de la CEEAC.
Un constat partagé par tous, dans une région qui stagne en fin de classement des pays africains en matière d’infrastructures routières, lesquelles ne représentent que 8 % du réseau routier total et seulement 2,2 % du bitumage des axes routiers.
La table ronde organisée avec le concours de la Banque africaine de développement (BAD), sous le haut patronage du chef de l’État congolais, Denis Sassou-Nguesso, tentera de mobiliser près de 2,5 milliards d’euros pour relever le défi des infrastructures de cette région qui représente un véritable carrefour commercial sur le continent.
Entre 2017 et 2018, les investissements de la BAD dans les opérations régionales en Afrique centrale ont augmenté de 15 %, pour s’établir à 1,1 milliard de dollars. De 2019 à 2025, ils devraient atteindre 4,4 milliards de dollars, dont 88 % dans les infrastructures.
Les projets qui seront au programme de cette table ronde s’inscrivent dans le cadre du Plan directeur consensuel des transports en Afrique centrale (PDCT-AC), lancé en 2004 pour connecter les 11 capitales régionales de la zone CEEAC qui couvre l’Angola, le Burundi, le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée équatoriale, la RDC, le Rwanda, Sao Tomé et Principe et le Tchad, sur une superficie de 6,6 millions de km², pour une population estimée à plus de 187 millions d’habitants.
Pont route-rail des deux Congo : le bout du tunnel ?
Parmi les trois grandes priorités prédéfinies, une douzaine de « sous-projets » seront présentés à Brazzaville, parmi lesquels la construction et la réhabilitation de la route Ouesso-Bangui-N’Djamena, ainsi que des travaux d’aménagement fluvial, de mise à niveau de ports existants, de construction de nouveaux ports et d’aménagement de points d’accostage sur le fleuve Oubangui et ses affluents.
La construction du pont route-rail entre Kinshasa (RDC) et Brazzaville (Congo) devrait faire l’objet de toutes les attentions. « On ne peut plus avoir sur le continent deux capitales séparées par moins de 1,5 km de distance sans connexion physique. Ce projet bénéficiera d’une part aux populations qui ne seront plus contraintes d’embarquer sur des pirogues, mais cela aura aussi un impact au niveau de l’économie, en instaurant un lien entre l’Afrique du Sud et le Nord », confiait Alain Ebobissé, DG d’Africa50 (plateforme d’investissement de la Banque africaine de développement) à La Tribune Afrique en novembre dernier, date à laquelle une étape-clé avait été franchie avec la signature de l’accord inter-étatique du pont route-rail, lors du dernier forum Africa Investment Forum de Johannesburg.
« Il y aura des avancées majeures dès 2020, que ce soit au niveau de la sélection du partenaire stratégique qui rejoindra le consortium pour la finalisation du projet, ou au niveau de la levée des financements », précisait-il alors.
Les travaux du pont route-rail sont programmés pour août 2020 et la BAD a d’ores et déjà annoncé un financement de 210 millions de dollars pour accompagner ce projet qui devrait faire passer le trafic de 750 000 personnes et 340 000 tonnes de fret par an, à plus de 3 millions de personnes pour 2 millions de tonnes de fret à l’horizon 2025.
Convaincre les investisseurs privés
Alors que les Seychelles, l’Egypte, la Libye, l’Afrique du Sud et l’ile Maurice caracolent dans le top 5 des pays les mieux pourvus en infrastructures, selon l’indice annuel de développement des infrastructures (AIDI) de la BAD, l’Afrique centrale piétine.
La sous-région devrait consacrer 68 milliards de dollars par an pour résorber son déficit en infrastructures, selon le rapport Développement des infrastructures en Afrique centrale, réalisé par le bureau sous-régional de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA) et présenté à N’Djamena en 2018.
La CEEAC peine pourtant à mobiliser les fonds nécessaires pour développer les infrastructures de transport qui font aujourd’hui l’objet d’une nouvelle approche reposant sur la mutualisation des ressources pour développer des corridors régionaux, dans le cadre de partenariats publics-privés.
Néanmoins, plusieurs facteurs doivent être réunis afin d’attirer les investisseurs privés qui restent concentrés sur les projets les plus rentables, en particulier dans le secteur des énergies.
D’après la Banque mondiale, sur 463 projets enregistrés entre 1990 et 2017, les fonds privés concernaient 236 réalisations dans les infrastructures énergétiques et deux fois moins dans les transports.
« Fédérer les partenaires publics et privés les plus prestigieux autour d’une même table fait encore plus sens dès lors qu’on se réfère au projet de réforme de la CEEAC […] qui consiste notamment à encourager l’intégration sous-régionale en favorisant l’interconnexion des pays d’Afrique centrale par la construction de nouvelles infrastructures de transport », rappelle Ahmad Allam-Mi.
La table ronde de Brazzaville devra donc trouver les arguments pour convaincre les investisseurs privés de participer au financement des infrastructures de transport régionales qui demeurent indissociables du succès de l’opérationnalisation prochaine de la Zleca.
Source: Afrique La Tribune/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée