Comme celles d’Amazonie, les forêts africaines sont victimes d’importants incendies. De quoi illustrer la bataille contre les gaz à effet de serre qui, loin d’être gagnée, est peut-être en train d’être perdue.
Vues d’en haut, les forêts du bassin du Congo s’étendent à l’infini. Denses, profondes, et apparemment impénétrables, les forêts de l’Afrique centrale s’étendent sur plus de 200 millions d’hectares. C’est le « deuxième poumon forestier » de la planète, après l’Amazonie. Et pourtant, abondamment relayée, une carte satellitaire de la Nasamontre en rouge incandescent la zone des départs de feu qui prennent le cœur du continent en écharpe, du Gabon à l’Angola, de l’Atlantique à l’océan Indien. Entre jeudi 22 et vendredi 23 août, près de 7 000 feux ont été détectés rien que dans les forêts du Congo, contre 2 000 au Brésil pour la même période, selon les chiffres de Weather Sourcecompilés par Bloomberg. Les incendies africains représenteraient 25 % à 35 % des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, selon une note de l’Agence spatiale européenne (ESA).
L’inquiétude est remontée jusqu’au G7 de Biarritz. « La forêt brûle également en Afrique subsaharienne. Nous sommes en train d’examiner la possibilité d’y lancer une initiative similaire à celle que nous venons d’annoncer pour l’Amazonie », a tweeté le président français Emmanuel Macron.
Quelle est l’origine des incendies de forêt en Afrique centrale ?
Tout comme en Amazonie, les forêts du bassin du Congo absorbent des tonnes de dioxyde de carbone (CO2) dans les arbres et les marais de tourbe – considérées par les experts comme un moyen essentiel de lutter contre le changement climatique. Ils sont également des sanctuaires pour les espèces en voie de disparition.
Les pays du G7 veulent débloquer d’urgence 20 millions de dollars pour envoyer des avions bombardiers d’eau lutter contre les incendies de forêt en Amérique du Sud. Prudence cependant. Les feux observés en Afrique sur les cartes de la Nasa « ne sont pas dans cette zone (de forêt), mais plutôt en Angola, en Zambie, etc. », relève Guillaume Lescuyer, spécialiste de l’Afrique centrale au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) cité par l’AFP.
Les explications remontent du terrain
Dans un communiqué, l’Angola s’est agacé des comparaisons hâtives avec le Brésil, « qui peuvent conduire à une dramatisation de la situation, et une désinformation des esprits les plus imprudents ». Ces feux sont ordinaires en cette fin de saison sèche, ajoute le ministère angolais de l’Environnement : « Il se trouve que, à cette époque de l’année, dans plusieurs régions de notre pays, il y a des incendies provoqués par les agriculteurs en phase de préparation des terres, en raison de la proximité de la saison des pluies. » « La forêt brûle en Afrique, mais pas pour les mêmes causes », détaille à l’AFP Tosi Mpanu Mpanu, ambassadeur et négociateur climat pour la RDC aux conférences climat des Nations unies. « En Amazonie, la forêt brûle essentiellement à cause de la sécheresse et du changement climatique. Mais en Afrique centrale, c’est essentiellement dû aux techniques agricoles », poursuit-il.
En quoi consiste la culture sur brûlis ?
Pratique millénaire et artisanale, aux antipodes des cultures intensives de soja au Brésil, l’agriculture itinérante sur brûlis est la première cause de la déforestation. En RDC, où seulement 9 % de la population a accès à l’électricité, les communautés villageoises n’ont que le bois pour faire bouillir la marmite. « Au rythme actuel d’accroissement de la population et de nos besoins en énergie, nos forêts sont menacées de disparition à l’horizon 2100 », s’est inquiété la semaine dernière le président congolais, Félix Tshisekedi.
La déforestation avance très vite
Aux risques d’incendie s’ajoutent la déforestation qui menace les essences (Okoumé du Gabon, Afrormosia de la RDC…) et l’exploitation des ressources naturelles (pétrole et mines). La déforestation s’accélère notamment par l’exportation – souvent illégale – du bois tropical, la pratique de la culture itinérante sur brûlis et le recours massif au bois et au charbon de bois pour la production d’énergie et la cuisine. « On estime que le couvert forestier de la RDC est passé de 67 % à 54 % du territoire entre 2003 et 2018. La déforestation est réelle », reprend M. Mpanu Mpanu, « monsieur » climat de la RDC aux réunions annuelles des COP. « La RDC a pris un engagement international de stabiliser son couvert forestier à 63,5 % de son territoire (2,3 millions de kilomètres carrés au total). Et l’on est en train de perdre ce combat-là », regrette-t-il.
Les pays ont mis en œuvre des politiques de préservations de l’environnement. Le Gabon affirme que ses 13 parcs nationaux préservent 11 % de son territoire. La RDC a officiellement décrété un moratoire sur l’octroi de nouvelles concessions forestières aux industriels du bois. « Mais le code forestier permet la coupe artisanale. Il y a beaucoup d’opérateurs, les Chinois pour ne pas les citer, qui donnent de l’argent pour pouvoir utiliser le permis de coupe des communautés villageoises », déplore M. Mpanu Mpanu. « Nous devons protéger ces forêts qui sont encore largement intactes, et arrêter la dégradation de la forêt équatoriale pour des raisons industrielles ou démographiques », résume le chargé des campagnes de Greenpeace en Afrique centrale, Philippe Verbelen.
Source: Le Point Afrique/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée