Pour sortir de l’impasse institutionnelle, le président intérimaire Abdelkader Bensalah a mis sur pied une instance de dialogue avec la société civile qui devrait rapidement se pencher sur la future présidentielle. Mais à quelles conditions ?
En Algérie, l’agenda d’un retour à une « normalité » institutionnelle se précise. Jeudi dernier, le chef de l’État par intérim, Abdelkader Bensalah, a reçu un « panel » de personnalités nationales, mené par un l’ancien président du Parlement Karim Younes, afin de lancer le « processus de dialogue » devant aboutir sur l’organisation de la prochaine présidentielle. L’urgence des autorités, qu’elle a réussi à faire partager avec ces personnalités de la société civile, reste l’organisation de la présidentielle. Selon nos sources, l’élection présidentielle serait prévue fin octobre-début novembre (idéalement pour nos interlocuteurs le 31 octobre pour faire coïncider les résultats le 1er novembre, fête nationale).
La question de l’élection présidentielle au cœur du dialogue
Cette échéance devrait, selon l’agenda officiel, être précédée par le lancement d’un « dialogue inclusif » permettant de, premièrement, installer une instance indépendante pour l’organisation de la présidentielle, et deuxièmement d’amender la loi électorale comme garantie d’un scrutin libre et sans fraude. « Pour la présidence, les élections constituent l’objectif prioritaire. Or, dans tout processus de changement, l’élection présidentielle n’est qu’une étape. Techniquement, il est possible d’organiser ces élections, en réunissant certaines conditions, mais celles-ci vont-elles convaincre les citoyens d’aller voter le jour J ? Toute la question est là », nuance le politologue Chérif Dris sur TSA. Pour l’éditorialiste El Kadi Ihsane « parmi les profils retenus dans le panel aucun ne s’est clairement distingué en faveur d’un processus constituant (Référendum constitutionnel, ou assemblée constituante), préalable à l’élection présidentielle. Karim Younes s’est privé d’entrée des arguments politiques pour un dialogue ouvert et inclusif. L’accueil hostile des manifestants ce vendredi est largement justifié. La médiation, souhaitée par une grande partie de la société civile et de la classe politique, a clairement pris un mauvais départ », écrit-il dans Maghreb Emergent. En face, côté autorités, l’argument de force reste « la stabilité institutionnelle ». « De par sa position géostratégique, les enjeux de sécurité à sa frontière et les défis économiques qui s’annoncent difficiles, l’Algérie ne peut rester trop longtemps dans une situation de quasi-vide institutionnel », avance un cadre de la présidence algérienne.
Conditions
La médiation entre le panel et la présidence de la République ne pourrait être pérenne, selon Karim Younes, sans des conditions claires : la libération de tous les détenus du Hirak, l’allégement du dispositif sécuritaire lors des manifestations hebdomadaires et la libération du champ médiatique. Pour l’heure, la Présidence via Abdelkader Bensalah s’est engagée verbalement à satisfaire ces demandes. Hier, 28 juillet, Salim Ihaddadene et Ait Yahia Ali Ismail deux détenus arrêtés pour avoir brandi le drapeau amazighe ont été libérés par le tribunal de Chlef (Centre-Ouest) après quarante jours de détention. Une mesure qui ferait partie des signes d’apaisement que veut montrer le pouvoir en place. Car Karim Younes, en rappelant la nécessité d’aller vers la satisfaction des demandes d’apaisement, a prévenu les autorités dans un post Facebook publié le 27 juillet : « Cette semaine sera décisive. Si les engagements pris par la Présidence ne connaissent pas un début d’exécution, le panel, se réunira et examinera l’éventualité de la suspension de ses travaux et pourra même aller jusqu’à son auto- dissolution ». Reste encore l’épineuse question du gouvernement Bedoui, dernier Exécutif de Bouteflika avant sa démission le 2 avril dernier. L’opposition et les manifestants réclament son départ depuis des mois et le panel des personnalités nationales a posé la problématique au chef de l’État intérimaire. Selon Karim Younes, Bensalah a répondu que cet aspect est « pris en compte, mais doit être soumis à une lecture approfondie sur le plan des contraintes constitutionnelles et ne saurait tarder à trouver une issue telle que souhaitée par la volonté populaire ». Cette semaine est donc décisive : si le pouvoir ne démontre pas une véritable volonté d’apaisement, la mission du panel de médiation et de dialogue risque d’exploser en plein vol. Vendredi dernier, au lendemain de la première réunion entre le panel et le président Bensalah, les manifestants – particulièrement à Alger – ont assisté au même dispositif renforcé de la police, bloquant rues et chaussées, tentant des interpellations. C’est ce que dénonce Ali Benflis, une des figures de l’opposition et ex-chef de gouvernement qui constate, dans un communiqué publié hier dimanche, « l’ambigüité de l’attitude du pouvoir qui, d’un côté, affiche sa disponibilité au dialogue et de l’autre, tarde à créer un climat politique favorable à ce dialogue ». « Ce que l’opposition ne veut pas voir est que les autorités veulent assainir les rouages de l’État avant d’aller vers des compromis politiques, assure une source officielle. Regardez le nombre d’ex-ministres, d’ex-walis (préfets) et d’anciens Premiers ministres détenus pour corruption. C’est aussi cela notre priorité ». Hier 28 juillet, l’ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia a été encore une fois inculpé dans une affaire de corruption alors que l’ancien ministre de l’Industrie, Youcef Yousfi, a été emprisonné pour des faits similaires.
Source: Le point Afrique/Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée