L’organisation de défense des droits de l’homme Amnesty International a accusé, mercredi 4 août, les forces de sécurité nigérianes d’avoir tué au moins 115 personnes entre mars et juin 2021 dans la répression d’un mouvement sécessionniste dans le sud-est du pays.
Des violences ont éclaté dans les Etats du Sud-Est, causant la mort d’au moins 127 policiers ou membres des services de sécurité, selon la police, tandis que les médias locaux ont fait état d’une vingtaine de postes de police et de bureaux électoraux attaqués. Le Mouvement indépendantiste pour les peuples indigènes du Biafra (IPOB), qui prône la sécession du sud-est du Nigeria, peuplé en majorité d’Igbo, et son aile paramilitaire, l’ESN (Réseau sécuritaire de l’Est), ont été accusés d’avoir fomenté ces violences, ce que l’IPOB a nié.
Selon Amnesty International, les forces de sécurité, notamment l’armée, la police et l’agence de renseignement du Département des services de l’Etat (DSS), ont réprimé ces attaques en tuant des dizaines d’hommes armés, ainsi que des civils.
« Les éléments recueillis par Amnesty International dressent un tableau accablant de l’usage impitoyable de la force par les forces de sécurité nigérianes dans les Etats d’Imo, d’Anambra et d’Abia », a déclaré Osai Ojigho, directrice de l’ONG pour le Nigeria.
Sollicitée, la police nigériane n’a pas réagi immédiatement à ces accusations. « Je n’ai pas vu le rapport [d’Amnesty]. Je ne peux donc pas répondre », a déclaré à l’Agence France-Presse (AFP) Frank Mba, porte-parole de la police nationale.Lire notre série « Génération Biafra »
Des arrestations arbitraires
Des proches des victimes ont déclaré à l’ONG qu’elles ne faisaient pas partie des groupes militants qui ont attaqué les forces de sécurité. « De nombreuses victimes ont été emmenées dans des hôpitaux publics des Etats d’Imo et d’Abia », a-t-elle précisé.
Amnesty a également recueilli des informations sur des cas d’arrestations arbitraires, de mauvais traitements et de torture dans cette région.
En mai, le gouvernement de l’Etat d’Imo a notamment annoncé l’arrestation d’au moins 400 personnes qui auraient un lien avec les violences. « L’enquête d’Amnesty International indique que la plupart d’entre elles ont été embarquées au hasard à leur domicile ou dans la rue et n’avaient rien à voir avec l’ESN », estime l’ONG.
Plusieurs leaders du mouvement arrêtés
Les groupes de défense des droits humains locaux et internationaux ont par le passé régulièrement accusé les forces de sécurité nigérianes de violations des droits, mais celles-ci ont toujours nié ces accusations.
Le Nigeria a récemment intensifié la répression contre les indépendantistes, notamment en poursuivant en justice leurs dirigeants. Le mois dernier, le chef et fondateur de l’IPOB, Nnamdi Kanu, a été arrêté au Kenya après quatre ans de cavale, selon ses avocats, et ramené à la fin de juin au Nigeria, pour être jugé, accusé notamment de « terrorisme » et de « crime de trahison ».
Un autre leader séparatiste, Sunday Adeyemo, également connu sous le nom de Sunday Igboho, a été arrêté en juillet au Bénin voisin alors qu’il tentait de prendre un vol pour l’Allemagne. Il est actuellement détenu au Bénin dans l’attente de son extradition. Il réclame lui aussi l’indépendance du sud-ouest du Nigeria pour le peuple Yorouba à la suite de violences attribuées à des éleveurs peuls dans sa région.
L’IPOB rêve de voir renaître la défunte République du Biafra, dont la proclamation d’indépendance avait entraîné une guerre civile de trente mois entre 1967 et 1970. Le conflit a fait plus d’un million de morts, principalement des Igbo, surtout de famine et de maladie.
Source : Le Monde Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée