Les militaires ont formellement reçu, pour la première fois, des représentants de cette coalition hétéroclite qui a mobilisé pendant des semaines contre le président déchu.
Au Mali, le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques (M5-RFP), qui a mobilisé pendant des semaines contre le président Ibrahim Boubacar Keïta, s’est dit disposé, mercredi 26 août, à « accompagner » la junte qui l’a finalement renversé dans le processus de transition devant rendre le pouvoir aux civils.
Le 18 août, un groupe d’officiers a fait chuter, sans grand déploiement de force, le chef de l’Etat, déstabilisé après avoir été soutenu pendant des années par la communauté internationale dans la lutte contre le djihadisme et la profonde crise traversée par son pays. Ce coup d’Etat pose la question du rôle qui sera imparti au M5-RFP dans le « Mali nouveau » promis par les militaires. Le mouvement a salué le putsch du 18 août, estimant que la junte avait « parachevé » sa lutte. Des milliers de ses partisans ont acclamé les militaires à Bamako, le 21 août. Ceux-ci ont promis de restituer le pouvoir aux civils dans un délai non précisé.
Mercredi, la junte a formellement reçu pour la première fois le M5-RFP, coalition hétéroclite composée d’opposants politiques, de chefs religieux et de membres de la société civile. « Il doit être acté que les deux acteurs majeurs de la transition pour le changement tant attendu par le peuple malien » sont le M5-RFP et le Comité national pour le salut du peuple mis sur pied par les militaires pour gouverner, a déclaré le président du comité stratégique du M5-RFP, Choguel Maïga, après la rencontre. « Nous sommes disponibles pour accompagner ce processus » de transition, a confirmé Issa Kaou Djim, un proche de l’imam conservateur Mahmoud Dicko, figure la plus influente du M5-RFP.
L’entrevue, présentée comme une prise de contact d’une heure environ, s’est déroulée dans les locaux de l’état-major du camp de Kati, à une quinzaine de kilomètres de Bamako, devenu le quartier général du nouveau pouvoir. Elle doit être suivie d’une autre, samedi, en présence du chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, absent mercredi, selon des participants.
Mesures de rétorsion
Une mission de médiation de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) s’est achevée lundi sans accord sur les conditions d’une transition. Mais elle a exprimé l’espoir que la junte accède à sa demande d’une transition limitée à environ un an ou moins et conduite par une personnalité civile, et non pas militaire, avant que les chefs de l’Etat de l’organisation n’examinent de nouveau la situation lors d’un sommet prévu vendredi.
Les dirigeants de la Cédéao sont censés délibérer sur la nécessité de maintenir ou non, voire de renforcer des sanctions déjà prises, comme la fermeture des frontières des Etats membres avec le Mali et l’arrêt des flux financiers et commerciaux. Les militaires s’inquiètent de l’effet de ces mesures de rétorsion sur un pays confronté, en plus de la propagation djihadiste et des violences intercommunautaires, à une grave crise économique et sociale.
La Cédéao avait dit, le 20 août, dénier toute légitimité aux putschistes. Plusieurs organisations internationales, dont la Cédéao, l’Union africaine et l’Organisation internationale de la francophonie, ont suspendu le Mali de leurs instances depuis le coup d’Etat. Mais l’exigence initiale d’un retour au pouvoir de M. Keïta ne paraît plus à l’ordre du jour et les analystes notent une inclination au pragmatisme chez les partenaires du Mali.
L’UE suspend ses missions
La junte a aligné ces derniers jours les prises de contact, non seulement avec les représentants de la société civile, mais avec les ambassadeurs des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU, le commandant de la force française antidjihadiste au Sahel « Barkhane » ou encore le chef de la mission de l’ONU au Mali, Mahamat Saleh Annadif.
Mercredi, l’UE a annoncé avoir suspendu « temporairement » ses missions de formation de l’armée et de la police au Mali « en raison des circonstances », selon le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell, à l’issue d’une réunion à Berlin des ministres européens de la défense. Selon des responsables européens, la Mission européenne de formation de l’armée malienne a entraîné environ 18 000 soldats au Mali depuis son lancement, en février 2013.
Sous-équipée, mal formée et mal dirigée, l’armée malienne avait connu une débâcle face à des groupes armés, notamment djihadistes, qui ont occupé les deux tiers du pays pendant plus de neuf mois en 2012-2013, avant d’être chassés par une intervention militaire internationale lancée par la France.
Source : Le Monde Afrique /Mis en ligne :Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée