La mutilation des organes génitaux des femmes est à présent considérée comme un crime et sera passible d’une peine pouvant aller jusqu’à trois ans de prison.
Le Conseil souverain, la plus haute instance du pouvoir au Soudan, a approuvé, vendredi 10 juillet, une loi pénalisant l’excision, une pratique ancestrale qui reste très répandue dans le pays.
Cette autorité formée de civils, dont des femmes, et de militaires a approuvé une série de lois, dont celle criminalisant l’excision, une pratique « qui porte atteinte à la dignité de la femme », selon un communiqué du ministère de la justice.
Fin avril, le gouvernement avait voté un amendement au code pénal qui rend la pratique de l’excision passible, pour leurs auteurs, de peines pouvant aller jusqu’à trois ans d’emprisonnement avec paiement d’une amende.
« La mutilation des organes génitaux de la femme est désormais considérée comme un crime » et « toute personne qui y a recours sera condamnée à une peine allant jusqu’à trois ans de prison », selon le texte de loi amendé. La clinique ou l’endroit où a eu lieu l’excision risquent également d’être fermés.
Sur Twitter, le premier ministre soudanais, Abdallah Hamdok, a salué « un important pas sur la voie de la réforme judiciaire et de la réalisation du slogan de la révolution – liberté, paix et justice ». Les autorités vont « réviser les lois et procéder à des amendements pour pallier les failles dans le système judiciaire », a-t-il ajouté.
« Rite de passage »
Cette annonce intervient plus d’un an après la chute, en avril 2019, du régime d’Omar Al-Bachir, sous la pression d’une révolte populaire. L’ex-autocrate, resté à la tête du pays durant trente ans après un coup d’Etat soutenu par les islamistes, avait écarté en 2015 un projet de loi contre l’excision, pratique qui implique l’ablation de tout ou partie des organes génitaux externes à des fins non médicales.
Les femmes soudanaises ont elles-mêmes joué un rôle de premier plan dans la révolte ayant débouché, après la chute de M. Bachir, aujourd’hui en prison, sur la formation d’un gouvernement de transition vers un pouvoir civil en août 2019.
Avant même sa promulgation, l’amendement avait été salué par les organisations de défense des droits humains, qui appellent inlassablement à son interdiction pure et simple.
Au Soudan, l’excision, qui peut être mortelle dans certains cas, est encore vue comme un « rite de passage » – près de neuf femmes sur dix l’ont subie, selon les Nations unies. C’est aussi le cas dans un nombre encore significatif de pays d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie, en particulier en milieu rural.
« Cette pratique n’est pas seulement une violation des droits des jeunes femmes, elle (…) a de graves conséquences pour la santé physique et mentale », avait dit Abdullah Fadil, représentant de l’Unicef à Khartoum.
Long processus sociétal
Si les milieux les plus conservateurs estiment qu’elle préserve la chasteté, nombre de chefs religieux se sont prononcés contre. La criminalisation de la pratique n’est qu’une étape d’un long processus sociétal permettant sa disparition.
Au Soudan, selon les défenseurs des droits des femmes, l’excision a regagné, ces trois dernières décennies, des régions où elle avait cessé d’être pratiquée, comme dans les montagnes de Nubie (nord).
En mars dernier, des militantes soudanaises s’étaient dites déçues par le peu d’empressement des nouvelles autorités à améliorer leurs droits et avaient réclamé l’abolition ou l’amendement de plusieurs lois jugées discriminatoires à l’égard des femmes.
Elles avaient cité notamment la faible représentation des femmes au sein du gouvernement, l’absence d’une loi criminalisant le harcèlement sexuel et la loi sur le statut personnel de 1991, inspirée de la charia (la loi islamique) qui permet entre autres, selon elles, de donner en mariage des filles de 10 ans et ne prévoit pas le consentement de la femme dans les contrats de mariage.
Source: Le Monde Afrique /Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée