Sur fond de tensions entre le Soudan et l’Éthiopie, les dernières discussions tenues sous l’égide de l’UA sont dans l’impasse.
La guerre du Nil aura-t-elle lieu en 2021 ? On peut légitimement se poser la question après l’annonce par l’Union africaine de l’échec des pourparlers tripartites entre le Soudan, l’Égypte et l’Éthiopie concernant le grand barrage de la Renaissance. « Nous ne pouvons pas continuer dans ce cercle vicieux de négociations illimitées, sachant que le Gerd pose une menace directe sur le barrage soudanais de Roseires », a affirmé, de son côté, le ministre soudanais de l’Irrigation et des Ressources en eau, Yasir Abbas. Ce dernier, à l’instar des autres négociateurs soudanais, réclame désormais que les négociations se poursuivent à un plus haut niveau, soit entre les dirigeants des trois pays concernés et l’UA. Comment en est-on arrivé là, alors qu’il y a tout juste une semaine les discussions étaient relancées ?
Les pourparlers de la dernière chance
En effet, la semaine dernière, les trois pays concernés s’étaient mis d’accord pour tenir de nouveaux pourparlers dans l’espoir de parvenir à un accord sur la gestion et le remplissage du réservoir du grand barrage de la Renaissance (Gerd). Le projet lancé en 2011 est destiné à devenir la plus grande installation hydroélectrique d’Afrique, mais il risque également de réduire le débit de l’eau du Nil lorsqu’il atteint l’Égypte. Un casus belli pour les Égyptiens.
Les derniers pourparlers, qui se sont tenus début novembre, s’étaient conclus sans avancée, les négociations étant dans l’impasse depuis plusieurs mois. Le Caire, mais aussi Khartoum, en aval du fleuve, souhaitent un accord légalement contraignant, notamment sur la gestion du barrage et le remplissage du réservoir. Addis-Abeba, qui juge son barrage essentiel à son développement, y est réticente et soutient que l’approvisionnement en eau de ces pays ne sera pas affecté. L’Éthiopie avait annoncé le 21 juillet avoir atteint son objectif de remplissage pour la première année. Les nouveaux pourparlers, entamés la semaine dernière, « n’ont pas abouti à un accord acceptable pour reprendre les négociations sur le Gerd », a rapporté l’agence d’État soudanaise Suna. Naledi Pandor, ministre des Relations internationales et de la Coopération d’Afrique du Sud, pays qui préside actuellement l’UA, a exprimé ses regrets face à l’impasse dans laquelle les pourparlers s’étaient embourbés. Dans une dernière tentative de trouver une solution, dimanche matin, la présidence sud-africaine a convoqué d’urgence une réunion à six des ministres des Affaires étrangères et des ministres de l’Irrigation de l’Égypte, du Soudan et de l’Éthiopie.
Inquiétudes du Soudan
Le ministère des Affaires étrangères éthiopien a acté, dans un communiqué, dimanche soir, l’absence de progrès dans les négociations. L’Union africaine, qui offre son aide dans ces discussions, « a proposé aux trois pays de tenir des rencontres bilatérales avec les experts désignés par l’UA qui devaient être suivies d’une rencontre tripartie… » indique Addis-Abeba dans son communiqué. « Tandis que l’Éthiopie et l’Égypte ont accepté cette proposition, le Soudan l’a refusée, entraînant la fin de la rencontre », poursuit le gouvernement éthiopien, qui assure avoir mis en place un mécanisme d’échange de données avec le Soudan pour « répondre aux inquiétudes du Soudan ».
Les relations entre l’Éthiopie et le Soudan se sont détériorées ces dernières semaines, des accrochages ayant été rapportés à la frontière commune en marge de l’opération militaire menée par Addis-Abeba dans la région dissidente du Tigré (Nord), frontalière du Soudan. Le barrage suscite des tensions en particulier avec l’Égypte, pays de plus de 100 millions d’habitants qui dépend à 97 % du Nil pour son approvisionnement en eau, et qui craint que celui-ci ne soit réduit par l’installation. Le Soudan, qui a connu des inondations meurtrières l’été dernier, espère, quant à lui, que le barrage permettra d’aider à réguler le flux du fleuve, mais a aussi mis en garde sur le fait que des millions de vies courraient « un grand risque », si aucun accord n’était conclu. Le Nil, qui coule sur quelque 6 000 kilomètres, est une source d’approvisionnement en eau et en électricité essentielle pour une dizaine de pays d’Afrique de l’Est.
Source: Le Point Afrique/Mis en ligne : Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée