Après neuf ans de discussions sans aucun résultat, l’Égypte, l’Éthiopie et le Soudan déclarent s’être entendus pour un futur accord.
Timides avancées dans les négociations sur le barrage de la Renaissance. Après plus de deux mois de tractations plus ou moins fructueuses, les ministres des Affaires étrangères et de l’Eau de l’Égypte, de l’Éthiopie et du Soudan, réunis ces trois derniers jours à Washington, « ont constaté les progrès réalisés », peut-on lire dans un communiqué commun. La médiation s’est également faite en présence du secrétaire américain au Trésor et du président de la Banque mondiale, observateurs du processus.
Selon le texte, le remplissage aura lieu « par étapes » de manière « coopérative », essentiellement pendant la saison des pluies de juillet-août, voire jusqu’en septembre si les conditions sont réunies. Cette phase cruciale prendra en compte « les conditions hydrologiques » et « l’impact sur les réservoirs en aval ». La première phase de ce remplissage permettra de commencer la production d’électricité, mais des mesures seront prises pour « atténuer » les inconvénients pour l’Égypte et le Soudan « en cas de forte sécheresse ».
Le mécanisme pour les étapes suivantes du remplissage doit encore faire l’objet d’un accord qui parvienne à la quadrature du cercle : satisfaire les besoins éthiopiens en électricité sans affecter les deux autres pays pendant les périodes prolongées de sécheresse. Un fléau pour lequel les ministres sont convenus de la « responsabilité partagée » de leurs trois pays. Si la date butoir du 15 janvier, censée déterminer la finalisation d’un accord, n’a pas été entièrement respectée, les conclusions de la réunion américaine sont tout de même à souligner.
Neuf ans de tensions
Car les négociations autour de la mise en marche du projet sont quasiment à l’arrêt depuis neuf ans. Long de 1,8 km et haut de 145 m, le barrage est amené à devenir la plus grande centrale hydroélectrique d’Afrique avec une production de 6 000 mégawatts. D’un montant estimé à 4 milliards de dollars, la structure, dans l’esprit des Éthiopiens, doit commencer à produire de l’électricité d’ici à la fin 2020 pour être complètement opérationnelle d’ici à 2022. Mais Le Caire craint que le barrage n’entraîne une réduction du débit du Nil Bleu, fleuve dont l’Égypte dépend à plus de 90 % pour son approvisionnement en eau. Malgré neuf ans de négociations, aucun accord n’a abouti entre les deux pays.
Les tractations se sont en revanche accélérées ces derniers mois sur la question clé du remplissage du réservoir de la future digue, censé contenir 74 milliards de mètres cubes d’eau. C’était la principale pierre d’achoppement, l’Égypte redoutant qu’un remplissage trop rapide n’affecte des millions d’Égyptiens pouvant manquer d’eau et avoir du mal à se nourrir. L’Éthiopie, qui dit avoir un besoin critique de cette électricité pour son développement, souhaitait remplir le réservoir sur une période de quatre à sept ans quand l’Égypte proposait une durée beaucoup plus longue.
Des craintes finalement apaisées
Une discorde qui a fait craindre à l’International Crisis Group une escalade de tensions. L’organisation de prévention des conflits avait prévenu en mars que ces pays pourraient « être poussés à la guerre » faute d’accord, car l’Égypte voit une « menace existentielle » dans tout ce qui touche à son approvisionnement en eau. En octobre, le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, juste après avoir obtenu le prix Nobel de la paix, avait de son côté averti qu’« aucune force » n’empêcherait la construction du barrage.
Le texte adopté à Washington ouvre donc une nouvelle voie, bien plus apaisée. Plusieurs points techniques et juridiques restent tout de même à finaliser. Rendez-vous est pris pour les ministres concernés à Washington, les 28 et 29 janvier, où un « accord global sur le remplissage et la gestion » du barrage pourrait enfin voir le jour.
Source: Le Point Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée