Le président béninois qui a subi déjà trois opérations depuis son arrivée au pouvoir, dont deux ne se sont pas bien déroulées, a passé quelques jours à l’hôpital ces dernières semaines. Souffrant d’un cancer (prostate), de violentes crampes d’estomac et d’une fistule vésico-rectale, Patrice Talon, hypertendu à ses heures, qui a déjà connu plusieurs courtes hospitalisations et enchaîne des nuits blanches, se devrait une pause. Une situation qui alimente de folles rumeurs avec des notes de chancelleries qui fantasment sur « un état de santé fragile et périlleux« .
02 octobre 2019. Il est annoncé au conseil des ministres. Mais jusqu’au moment de mettre cet article en ligne, il est invisible. Patrice Talon a disparu depuis bientôt 3 semaines de tous les radars. Il avait sollicité un échange avec Muhammad Buhari en marge de l’Assemblée générale de l’Onu, il n’en sera rien. Bien que le président nigérian ait opposé à cette demande un agenda surchargé, une petite possibilité était sur la table. Mais le chef de l’Etat béninois ne se rendra jamais à New York. Il était attendu, seconde quinzaine d’octobre en Russie où, en marge du sommet qui rassemblera plusieurs chefs d’Etats africains autour de Vladimir Poutine, il devrait rencontrer la diaspora béninoise. Près d’un mois avant ce rendez-vous en terre soviétique, l’ambassadeur du Bénin à Moscou a annoncé l’ajournement de la rencontre. « Le président doit récupérer de son lourd traitement » a confié le ministre des affaires étrangères au diplomate. Aurelien Agbenonci est l’un des rares à se tenir dans le secret. Dans la foulée du sommet de la Communauté économique des états de l’Afrique de l’ouest (Cedeao) à Ouagadougou, le président béninois a disparu. Depuis, après un court séjour en France, il est passé au Maroc avant de rallier Cotonou, discrètement. Talon devrait reprendre ses activités dans la journée de ce mercredi, en marge du conseil des ministres, sinon dans les prochains jours. Le chef de l’Etat béninois qui n’a pas voulu apparaître amaigri est resté très discret alors que depuis fin septembre, il serait, selon plusieurs sources concordantes, à Cotonou.
France, Maroc, Inde et Singapour
Dès le 14 septembre, alors qu’il a quitté précipitamment le sommet de la Cedeao sur la sécurité régionale à Ouagadougou, le président béninois est arrivé à Paris. Objectif, faire des examens de routine, comme il en a déjà subis en début d’année (février et mars). Dès 2017, Patrice Talon avait subi une opération chirurgicale de l’intestin et de la prostate qui avait mal tourné et l’avait obligé à rester plusieurs jours en France où il a ses habitudes à l’hôpital américain de Neuilly. C’est dans ce même hôpital qu’il est passé mi-septembre avant de disparaître. A la suite d’une pause de deux jours, imposée par le médecin, dans sa luxueuse résidence du XVIe arrondissement. Depuis, il a été annoncé en Inde puis au Singapour, il ne s’est rendu ni dans l’un, ni dans l’autre des deux pays. A cause du refroidissement diplomatique inhérent aux dernières dérives autocratiques du chef de l’Etat, Paris peine à lui garantir une certaine discrétion pour ses soins, il a donc quitté la France (le 18 selon certains, le 19 selon d’autres) pour continuer ses soins au Maroc où il dispose d’une résidence privée mais aussi où, un vieil ami et homme d’affaire français lui a cédé une villa cossue. Ses traces ont été ainsi perdues. Après quelques jours de soins intensifs et de convalescence, le chef de l’Etat qui est au Bénin depuis plusieurs jours « entend retrouver sa forme avant de paraître en public » selon deux sources crédibles. Il devrait, dans les prochains jours, multiplier des sorties pour rassurer les Béninois. Il est annoncé à Dakar mais aussi à Abuja.
Pépins de santé
Il y a de sérieuses raisons de s’inquiéter, même si le président béninois devrait pouvoir, sans grandes difficultés, continuer ses activités. Son médecin l’a rassuré à cet effet. Pas de vacance imminente de pouvoir donc. Il a d’ailleurs vite quitté Paris parce qu’à l’ambassade de France à Cotonou, on force toutes les portes pour s’informer sur son état de santé. Si en début de mandat, Patrice Talon a voulu toute la transparence, « il a été blessé par les réjouissances de Béninois qui se déchainent sur les réseaux sociaux« , souhaitant à visage découvert, sa mort, selon un proche. Plusieurs communications diplomatiques entre Cotonou et le Quai d’Orsay ont porté sur l’état de santé de celui qui fut, de longues années durant, exilé en France. Le 26 mai 2017, le chef de l’Etat avait subi une opération chirurgicale qui a connu des complications. N’eut été un message de Parfaite de Banamè (gourelle de l’église éponyme), qui était encore dans la grâce présidentielle, et a demandé à Claudine, la première dame de « veiller à le maintenir à Paris », le président serait rentré fin mai. Avant des complications survenus le 31 nuit. Dès le 1er juin, alors qu’il sentait de fortes brulures dans le ventre, il a dû subir une seconde opération. Depuis, Claudine Talon est restée sous l’emprise du (de la) « Dieu de Banamè » pendant un long moment. Si en mai 2017, brandissant la transparence, le communiqué du gouvernement avait fait cas d’une » intervention chirurgicale au niveau de la prostate« , c’était plutôt une double-opération de la prostate et du gros intestin. Depuis, le chef de l’Etat béninois, qui a pris ses distances avec dame Parfaite, fait attention à sa santé fragilisée par deux autres opérations en 2018. Parfaite est un (e) « Dieu » autoproclamée, issue d’une marginale dissidence avec l’Eglise catholique. Ses visions et révélations charlatanesques remontaient parfois jusqu’au chef de l’Etat dont il avait annoncé l’élection un an avant la présidentielle de 2016.
En forme pour la suite ?
Peut-être a-t-il tenu compte de son état de santé pour émettre l’idée d’un seul mandat de 5 ans. Toujours est-il que, même s’il peut continuer ses charges présidentielles, le président béninois doit s’imposer deux bilans de routine par an et se maintenir sous un traitement constant. A Cotonou, les rumeurs ont persisté sur son état, faisant cas d’un décès. Mais en réalité, Patrice Talon est actuellement au Bénin et devrait, sauf cas de force majeure, reprendre ses activités. A-t-il pris part au conseil des ministres de ce matin ? La réponse à cette question reste floue, d’autant que l’auteur de ces lignes, actuellement à Cotonou, a vainement tenté de le confirmer auprès de diverses sources. Une chose est certaine, Talon a déjà repris en main le dossier de la Communauté électrique du Bénin (Ceb) qui lui tient à cœur et dont une réunion ministérielle prévue la semaine dernière à Lomé a été reportée par la délégation béninoise. En fragilisant, à travers de fallacieuses réformes, cette société commune au Bénin et au Togo en faveur d’une importation parallèle d’énergie de réseaux privés du Nigéria, le président béninois prend en main le trafic énergétique, l’un des rares secteurs « juteux » qui échappaient encore à l’insatiable président. Buhari qui a pris de ses nouvelles lors d’un échange téléphonique s’est aussi dit disponible à le « recevoir » aussitôt que possible. L’agenda de Talon sera bien chargé dans les prochains jours.
Source: Afrika Stratégies France /Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-exaucée