Bourse : Afrinex, une autre porte de l’Inde sur l’Afrique depuis Maurice

Lancée l’automne dernier, Afrinex Exchange est l’une des dernières cartes jouées par l’Inde en 2021 pour étendre sa présence dans l’univers éco-financier africain. Filiale de Bombay Stock Exchange basée à l’île Maurice, cette place boursière voulue « panafricaine » séduira-t-elle les entreprises actives en Afrique ?

Rien que son nom illustre son focus sur le continent. Afrinex Exchange est la nouvelle « bourse panafricaine avec une portée mondiale et une présence locale à Maurice », indique l’entité sur son site web. Lancée très solennellement l’automne dernier à Ebène (une banlieue située à 15 km de Port Louis) par le Premier ministre mauricien Pravind Kumar Jugnauth, le projet est présenté par une partie de la presse locale comme « le fruit d’une stratégie clairement définie » par le chef du gouvernement. Après la sortie de l’île Maurice de la liste grise du Groupe d’action financière (GAFI) en octobre dernier et optimistes quant à une éventuelle sortie de la liste noire de l’Union européenne (UE) en février 2022, les autorités mauriciennes s’attendent, avec Afrinex, à renforcer le rayonnement financier  de l’île à l’échelle régionale. Mais au-delà, cette place boursière est surtout une autre porte d’entrée de l’Inde sur l’Afrique.

Filiale de Bombay Stock Exchange, dirigée par une experte indienne,…

Afrinex, qui a obtenu sa licence à Maurice en novembre 2018, est en effet une filiale de Bombay Stock Exchange (BSE), la place boursière indienne parmi les plus anciennes d’Asie. Elle est appuyée sur le plan technique par d’autres filiales de la BSE. A la tête d’Afrinex, une femme : Krishna Gangopadhyay, une financière indienne passée par HSBC et A.T. Kearney, qui a également dirigé la Bourse de Bombay ainsi que sa filiale International India Exchange, première bourse internationale de l’Inde. Participant la cérémonie de lancement, Nandini Singla, Haut-commissaire de l’Inde à Maurice tenait un discours bien circonscrit autour de l’île est-africaine, mais dont la lecture entre ligne témoigne de l’ambition indienne :

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« Maurice a démontré qu’il possède le savoir-faire financier et l’expérience et est idéalement adapté pour être le ‘Financial and Capital Market hub’ de l’Afrique […] Le fait qu’aujourd’hui, Maurice soit classé comme la principale démocratie d’Afrique avec la transparence et l’indice de développement humain les plus élevés et comme l’endroit le plus facile pour faire des affaires sur le continent, le rend idéal pour se positionner comme une destination internationale de services financiers et de marché des capitaux pour l’Afrique et au-delà ».

Le trading le plus long d’Afrique

Concrètement, Afrinex prévoit de coter les actions, les obligations, produits dérivés et même des matières premières. Cette bourse proposera des horaires de trading de 8 à 13 heures. Ce qui en fera la bourse au trading le plus long d’Afrique, car jusqu’ici, seule la Johannesburg stock Exchange (JSE) propose huit heures de trading. La plupart des bourses sont à 6 heures de cotation quotidienne comme la Bourse régionale des valeurs mobilières (BRVM) ou la Bourse de Casablanca. Les autres places ont des trading plus courts comme la Ghana Stock Exchange (5 heures), l’Egypt Stock Exchange (4 heures et 30 minutes), la Stock Exchange of Mauritius -première bourse mauricienne- (4 heures) ou encore la Rwanda Stock Exchange (3 heures). A terme, la stratégie d’Afrinex prévoit une cotation en continu.

IPO de l’India Exim Bank : 1 milliard de dollars d’obligations

Pour l’instant, l’India Exim Bank -la Banque indienne d’import-export- est la seule entité cotée sur Afrinext. Son IPO a consisté en la cotation d’obligations pour 1 milliard de dollars sur 10 ans. « Cette opération a atteint un niveau record pour un émetteur indien dans le cadre d’une émission à 10 ans en dollars. L’émission a été souscrite par plusieurs investisseurs de qualité. (…) Cela permettra d’accroitre la portée de l’Exim Bank of India sur le continent africain, ainsi que dans le reste du monde », commentait Harsha Bangari, directrice générale de l’India Exim Bank, une banque très active dans le financement du commerce africain et important partenaire de la Banque africaine d’import-export (Afreximbank).

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Afrinex séduira-t-elle les majors du continent ?

La question est désormais de savoir si Afrinex réussira à séduire les entreprises opérant sur le continent et notamment celles déjà habituées des marchés financiers, puisqu’une quinzaine de bourses sont actives à travers l’Afrique. Depuis son lancement, Afrinex communique très peu. Il semble que l’entité prend son élan pour mieux dérouler sa stratégie.

A Maurice, sa cohabitation avec la Stock Exchange of Mauritius interroge. « Il faut vraiment attendre pour voir comment les dirigeants de cette nouvelle bourse orienteront leur stratégie. Va-t-on assister à une migration des entreprises de SEM vers Afrinex ? C’est un vrai sujet », indique à LTA un analyste à Port Louis.

Une porte sur l’Afrique face à la Chine ?

L’Inde a considérablement progressé dans la sphère économique africaine ces dernières années. Le septième pays le plus vaste au monde est depuis le deuxième partenaire commerciale de l’Afrique, emboitant le pas à son voisin la Chine. Ensemble, les deux pèsent pour 24% dans le commerce africain. C’est donc dire que le commerce reste la première porte d’entrée de New Delhi sur le continent, les échanges bilatéraux annuels dépassant les 56 milliards de dollars par selon la Banque africaine de développement (BAD). En matière d’investissements directs étrangers (IDE), l’Inde arrive cinquième sur la liste des partenaires du continent avec plus de 61 milliards décaissés au cours des deux dernières décennies.

Conformément à ses objectifs annoncés pour l’horizon 2020, les autorités indiennes se voyaient fortement engagées avec l’Afrique dans dix domaines de coopération à savoir, l’investissement, le commerce et l’industrie, les infrastructures, l’économie bleue, les énergies renouvelables, l’éducation, le développement des compétences, la santé, la paix et la sécurité.

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Pour de nombreux analystes, il serait extrêmement difficile à l’Inde de rattraper la Chine. Xavier Aurégan de l’Institut français de Géopolitique parle même de « l’impossible rattrapage vis-à-vis de la Chine » en Afrique, en raison de longueur d’avance des Chinois à tous les niveaux.

Dans un contexte de guerre économique autour de l’Afrique, il n’est pas étonnant que l’inde multiplie ses cartes et sorte ses jokers. De plus, le fait que New Delhi choisisse l’île Maurice pour établir sa bourse panafricaine n’est pas étonnant, au regard des relations historiques qu’entretiennent les deux pays. Mais reste désormais à savoir si Afrinex Exchange tiendra ses promesses, dans un contexte où les marchés financiers africains cherchent à percer.

Source: La Tribune Afrique/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée

Tribune d'Afrique

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