Une nouvelle taxe sur les transferts d’argent « via » les opérateurs de la téléphonie mobile, en vigueur depuis le début d’année, suscite la colère des consommateurs, de divers acteurs de la société civile et de certains politiques. Désormais, pour chaque opération d’envoi ou de retrait d’argent par le biais de ces opérateurs, l’usager doit payer une taxe de 0,2%. Cette taxe devrait permettre à l’État de faire des gains de 20 milliards de francs CFA en fin d’exercice.
C’est l’une des principales voix à être montée à l’offensive contre cette fameuse taxe, celle du professeur Pierre Alaka Alaka, fiscaliste et enseignant à l’université de Douala : « Sur le plan des politiques fiscales, et économiquement, socialement et psychologiquement, elle est mauvaise dans la mesure où non seulement, elle touche les couches sociales les plus pauvres, mais également elle fait une entorse à la mobilité financière dans un pays où les moyens de déplacement ne sont pas évident. »
Un gain de vingt milliards de francs CFA projeté
Si l’État, qui est en quête de nouvelles recettes, projette un gain de 20 milliards de francs CFA au terme de cet exercice budgétaire, Pierre Alaka Alaka estime que d’autres niches auraient pu permettre de satisfaire cet objectif : « Notamment au niveau de la bonne analyse des prix de transfert, c’est-à-dire ces transferts illégaux de bénéfices qui asphyxient le continent africain et le Cameroun en particulier. Et là, on aurait pu glaner non pas 20 milliards mais peut-être 5 000 milliards chaque année au moins. »
Quelle utilisation pour ces fonds ?
L’autre problème qui est pointé du doigt, c’est l’utilisation de ces fonds : toujours plus d’impôts, pourquoi pas, mais pour quel usage, s’interroge notre interlocuteur : « On a vu la gestion calamiteuse avec la construction des stades pour la CAN. Mais on attend de voir si ça va rester impuni. Parce que si ça reste impuni, on demande aux pauvres de continuer toujours à contribuer ». Malgré les protestations, la taxe est bel et bien rentrée en vigueur depuis le 1er janvier 2022.
Alors qu’au Cameroun la taxe de 0,2% introduite au 1er janvier sur toutes les transactions financières électroniques soulève le tollé des consommateurs, de nombreux pays africains profitent déjà de l’engouement des population envers le « Mobile Money » pour renflouer leurs caisses. Et ce après avoir levé ou allégé les taxes en 2020 à cause de la pandémie de Covid 19.
Début 2020, une vingtaine de pays africains allégeaient les taxes sur le Mobile Money et les transferts d’argent afin d’aider les populations à affronter les effets de la pandémie de Covid-19. Mais dix-huit mois plus tard, les taxes font leur grand retour. Si les consommateurs camerounais s’insurgent contre une imposition de 0,2% sur les transaction financières électroniques, avant eux, les Ghanéens et les Tanzaniens ont affronté le même problème. Au Ghana, l’État souhaite ponctionner 1,75% du montant des transferts électroniques supérieur à 100 cedis, soit quinze euros. La mesure qui doit être examinée par les députés le 18 janvier a déjà provoqué une grève des agents de Mobile Money et un pugilat à l’Assemblée.
En Tanzanie, les autorités ont d’ores et déjà partiellement reculé sur une mesure similaire face au tollé de la population. D’une façon générale, les régulateurs et Banques centrales plaident pour des mesures équilibrées afin de ne pas enrayer le développement du Mobile Money. Ce secteur en plein essor permet en effet l’inclusion financière à grande échelle. Mais les États, confrontés à des besoins financiers croissants oublient parfois cette notion d’équilibre. Ainsi au Cameroun les consommateurs sont surtout en colère contre le fait qu’une même transaction sera taxée deux fois, pour l’émetteur et pour le destinataire.
Source: RFI Afrique/ Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée