La situation restait tendue jeudi à Bangui, après une offensive des rebelles de la CPC en périphérie de la capitale centrafricaine menée la veille.
Les activités ont repris très timidement jeudi matin à Bangui, au lendemain des combats. La circulation est faible et les administrations sont restées fermées. Dans les rues, le dispositif sécuritaire a été renforcé de patrouilles de la garde présidentielle, de la police et de la gendarmerie.
Signe de l’ambiance délétère, le gouvernement a annoncé mercredi soir l’avancée du couvre-feu, désormais de 18h à 5h. Les autorités ont fait passer le message : toute personne croisée par les forces de l’ordre pendant ces heures sera considérée comme un ennemi.
Mercredi 13 janvier, pour la première fois depuis le début de leur offensive pour empêcher la réélection de Faustin-Archange Touadéra, reconduit pour un deuxième mandat le 4 janvier, les rebelles de la Coalition des patriotes pour le changement (CPC) ont attaqué Bangui.
L’offensive a débuté à l’aube, à 9 et 12 km du centre de la capitale, quand des brigades de l’armée ont été attaquées simultanément, selon les autorités.
« Grâce à la bravoure de nos forces et les appuis bilatéraux, nous avons pu repousser les assaillants qui sont en débandade actuellement », a assuré le ministre de l’Intérieur, Henri Wanzet-Linguissara.
Le Premier ministre Firmin Ngrebada a évoqué pour sa part un bilan provisoire de « 30 assaillants tués » et « 5 capturés », sans préciser s’il concerne Bangui ou l’ensemble du territoire.
Un Casque bleu rwandais tué
« L’attaque a été repoussée par les Casques bleus, conjointement avec les forces armées centrafricaines », a pour sa part déclaré Vladimir Monteiro, porte-parole de la Mission des Nations unies en Centrafrique (Minusca), qui déplore la perte d’un Casque bleu rwandais. La force onusien « condamne fermement les attaques des groupes armés coalisés anti-Balaka, UPC, 3R et MPC et leurs alliés politiques notamment l’ancien président François Bozizé », a ajouté Vladimir Monteiro.
« Plusieurs rebelles ont été capturés, plus d’une dizaine ont été tués », a ajouté le porte-parole des Casques bleus, Abdoulaziz Fall.
Mercredi matin sur le marché PK12 où a eu lieu l’offensive, les commerçants avaient immédiatement fermé boutique. Forces régulières, paramilitaires russes et Casques bleus étaient présents en nombre, avec plusieurs blindés. En fin d’après-midi, des tirs sporadiques retentissaient encore dans plusieurs quartiers. Le gouvernement a évoqué des « opérations de ratissage » et des hélicoptères sont engagés contre les rebelles dissimulés dans les collines, selon plusieurs sources humanitaires.
La force de la Minusca a indiqué avoir pris des mesures pour renforcer la protection de Bangui et éviter des infiltrations de rebelles.
LE BUT DES REBELLES EST MONTRER QUE TOUADÉRA NE CONTRÔLE PLUS RIEN OU PAS GRAND-CHOSE
« Ce que les rebelles ont compris, c’est que la communauté internationale mesure la crise en Centrafrique à partir de ce qu’il se passe à Bangui, analyse le Français Roland Marchal, chercheur au Centre de recherches internationales (CERI) de Sciences Po Paris. C’est pourquoi ils mènent des actions dans la périphérie immédiate de Bangui, pas pour prendre Bangui qui est très défendue, mais pour montrer que Touadéra ne contrôle plus rien ou pas grand-chose. »
« Les rebelles mènent une guerre des nerfs, estime de son côté Thierry Vircoulon, de l’Institut français des relations internationales (Ifri). Ils peuvent faire de la guérilla urbaine et espèrent qu’à la longue ils prendront Bangui ».
Une levée de l’embargo sur les armes demandée
À New York, le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, et le Conseil de sécurité, dans une déclaration unanime, ont condamné « fermement » les attaques menées par des combattants armés non identifiés. António Guterres et le Conseil, qui a tenu une réunion à huis clos sur la Centrafrique à la demande de la France, ont aussi appelé « toutes les parties à mettre fin à la violence et à engager un dialogue constructif ».
Avant les élections, l’ONU avait pris la décision assez rare de renforcer pour deux mois sa force de paix avec 300 Casques bleus rwandais prélevés sur son contingent déployé au Soudan du Sud. Le Conseil de sécurité devra à court terme décider de les retirer ou de les maintenir.
Une deuxième session du Conseil de sécurité, qui doit se tenir publiquement la semaine prochaine, a été demandée par la Centrafrique « en urgence » pour réclamer une levée, même temporaire, de l’embargo sur les armes, selon une lettre obtenue par l’AFP.
Alors que les rebelles de la CPC menaient jusqu’alors des attaques généralement repoussées par les quelque 12 000 Casques bleus de la Minusca, appuyés par d’importants contingents lourdement armés de militaires rwandais et de paramilitaires russes débarqués à la rescousse du gouvernement et de son armée, l’attaque aux abords de Bangui est une première.
Le week-end dernier, deux attaques s’étaient toutefois produites contre Bouar, à 340 km au nord-ouest de la capitale – mais sur un axe routier crucial pour son ravitaillement -, et Grimari, à 300 km au nord-est de Bangui.
Source: Jeune Afrique/Mis en ligne ; Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée