Conflits communautaires et paix sociale : comment engager la jeunesse dans la recherche de solutions durables ?

Moussa Mara, homme politique et ancien Premier ministre du Mali. (Crédits : Moussamara.com

Nous commençons, au Mali et au Burkina Faso en particulier, à en avoir une habitude macabre. Le terme est devenu courant dans nos pays, et structure malheureusement une partie de l’actualité. Les conflits inter communautaires sont de plus en plus violents et meurtriers, notamment dans le Sahel. Ils mettent aux prises deux ou plusieurs groupes humains, dans un même pays ou dans des pays différents, qui en viennent à s’attaquer et à s’entre-tuer pour différents motifs. Ces conflits, comme tous les autres, ont comme acteur principal la jeunesse. Cette dernière est utilisée comme vecteur de violence et, bien souvent, c’est également celle qui souffre le plus des confrontations.

Il est souhaitable que la jeunesse africaine et notamment sahélienne, soit impliquée dans la recherche de solutions pour que les jeunes cessent d’être des fauteurs de troubles et deviennent facteurs de stabilité et d’entente. Il est indispensable d’identifier dans un premier temps les principales sources des conflits inter-communautaires pour ensuite déterminer en quoi la jeunesse peut constituer une solution aux problèmes posés.

Les facteurs aggravants

Plusieurs raisons expliquent que des populations vivant en harmonie pendant des dizaines d’années voire des siècles en viennent à s’entre-attaquer et à espérer ainsi se détruire. La première cause est l’accès aux ressources naturelles telles que le foncier, les cours d’eau, les pâturages, les zones minières, etc. Celles-ci conditionnent l’existence de certains systèmes de production et donc la survie des populations. Quand ces dernières en sont privées ou sont menacées d’en être privées, elles sont susceptibles de commettre l’irréparable afin de garder des chances de poursuivre leurs activités socio-économiques.

La croissance démographique dynamique accroît la pression sur les ressources naturelles et participe de ce fait à l’exacerbation des tensions inter-communautaires. Il n’est pas rare que les zones où persistent ces violences soient souvent des lieux où la population croit fortement.

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Il faut également intégrer la religion comme élément de tension inter-communautaire. Les courants religieux et les différentes branches d’une même religion peuvent devenir localement des facteurs de confrontation. Les lignes de confrontation religieuse peuvent se confondre assez facilement avec les lignes de fracture communautaire et ouvrir des perspectives sombres d’amalgames et de destruction. C’est ce qui est constaté dans notre pays en certains endroits où l’on estime que les terroristes sont membres d’un groupe ethnique ou que les cadres de ce groupe appartiennent à une ethnie.

La politique, notamment la compétition électorale avec en perspective, l’accès aux responsabilités et au pouvoir, son exercice, constitue une autre source de tension latente dans la plupart des pays africains. Il est souvent estimé que tel Président joue sur le facteur ethnique pour diviser et se faire relire. Il n’est pas rare non plus d’identifier des candidats mettre en avant leur appartenance à tel groupe ou nier leur appartenance à tel autre groupe ethnique. Cette situation cristallise les identités, ouvre des chemins de replis sur soi, propices à la stigmatisation et à la confrontation.

Les questions de représentativité des minorités ethniques, voire religieuses, la protection de leur liberté de culte ou la défense de certaines spécificités sont également susceptibles d’être source de tension. De manière spécifique, il y a aussi les différends socioculturels tels que les questions de castes, l’esclavage ou la stigmatisation dont souffrent des communautés humaines sur un espace déterminé susceptibles d’engendrer des conflits.

Les dysfonctionnements étatiques exacerbent les conflits latents et peuvent aussi les créer. La corruption des élites et des services par une communauté ou supposés tels crée un sentiment de frustration chez les autres qui s’estiment alors floués et peuvent, dans ces circonstances, céder à des tentations de vengeance. L’Etat devient ainsi facteur de troubles au lieu d’être vecteur d’équité, de justice et donc d’harmonie.

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Ces différents facteurs se combinent sur certains espaces, voire se conjuguent pour créer des tensions conduisant à des massacres comme cela est le cas ici ou là. Il convient de les circonscrire par des actions collectives hardies. Il convient aussi et surtout de les circonscrire en investissant dans l’information, la sensibilisation et la formation des jeunes afin qu’ils ne succombent pas à ces tentations destructrices.

Connaître les enjeux pour mieux les appréhender

Les jeunes doivent comprendre les enjeux, connaître leur pays, leur région, leur culture, leurs origines, leur communauté, les rapports entre cette dernière et les autres. Ils doivent être dotés d’une culture d’ouverture et de tolérance que ce savoir générera en eux.

Le jeune angolais, sud-soudanais ou nigérian d’aujourd’hui doit comprendre les enjeux internationaux pour ne pas se faire manipuler, connaître les intérêts stratégiques des uns et des autres, connaître également les intérêts de nos pays et de nos ensembles régionaux, identifier les rapports de force, savoir s’engager dans de vrais combats et éviter de se faire manipuler par les autres. C’est la jeunesse solide dans sa tête qui aidera nos pays à sortir de leur situation d’objet.

La connaissance de la religion devient aussi cruciale que celles des origines et de la culture. Les jeunes doivent maîtriser en quoi la religion est un facteur de progrès, de paix, d’harmonie et de justice. Ce qui leur permettra d’éviter de la caricaturer et de savoir l’utiliser pour en faire un guide individuel permettant d’améliorer le fonctionnement de la collectivité. Pour ce faire, il faudrait les inciter à lire, à s’informer, se cultiver, se former et mettre les outils qu’il faut à leur disposition.

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Se former pour avoir un métier, être autonome et avoir une indépendance de jugement forment un socle sur lequel les autres mesures seront mises en œuvre. Quand on ne travaille pas et qu’on ne se sent pas utile à la collectivité, l’esprit se conditionne pour répondre à toutes sortes de sirènes, notamment les plus malveillantes. Une bonne partie des membres des groupes terroristes ou menant des actions destructrices pour d’autres motifs sont aussi des personnes désœuvrées et sans emploi.

Nous devons ensuite inculquer aux jeunes l’ambition de s’organiser pour aller dans le sens de la construction. Créer ou animer des associations, des groupes, etc. de manière désintéressée, pour servir la collectivité, quel qu’en soit la forme, doit être naturel chez nos jeunes.

Il est enfin indispensable d’éveiller le sens politique des jeunes pour qu’ils puissent s’engager, mener des combats objectifs et fondés sur la raison. Ce sens politique, combiné avec un sens élevé du patriotisme et de la citoyenneté, renforce la carapace idéologique de la jeunesse face aux manœuvres et autres tentations malveillantes.

Nos pays peuvent renforcer leur apport à l’humanité, sur tous les plans, grâce à la jeunesse. Pour ce faire, ils doivent l’aider à s’éloigner des pièges autodestructeurs que sont les violences intercommunautaires.

Source: La Tribune Afrique/Mis en ligne: Lhi-tshiess Makaya-exaucée

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