Un Comité de veille économique, chargé d’évaluer la menace économique du Covid-19 et d’en anticiper les effets, a été mis sur pied mi-mars au Maroc. À sa tête, le ministre marocain de l’Économie et des Finances, Mohamed Benchaâboun, répond aux questions de France 24.
Pour lutter contre le coronavirus, les autorités marocaines ont décrété plusieurs mesures : fermeture des restaurants, bars et cafés, confinement volontaire des citoyens et incitation des entreprises à privilégier le travail à distance.
À cela s’ajoute la création du Comité de veille économique (CVE), avec à sa tête le ministre marocain de l’Économie, des Finances et de la Réforme de l’administration, Mohamed Benchaâboun, qui va avoir notamment pour rôle de suivre l’évolution de la situation économique du Maroc.
France 24 : Quelles grandes mesures le Maroc a-t-il pris pour faire face à la pandémie de coronavirus ?
Mohamed Benchaâboun : Tirant les leçons de ce qui se passe autour de nous dans le monde, le gouvernement, suite aux hautes instructions de Sa Majesté Le Roi, a très tôt pris toutes les mesures préventives nécessaires afin de freiner la propagation du coronavirus.
Ces mesures visent trois objectifs : premièrement, cerner au mieux le virus pour le garder sous contrôle, notamment à travers des mesures sanitaires et des mesures de confinement.
Deuxièmement, mettre en place un fonds dédié aux répercussion de cette pandémie. Initialement alimenté par l’État à hauteur de 1 milliard de dollars, ce fonds continue de recevoir des contributions volontaires qui dépassent largement ce montant, dans un grand élan de solidarité impulsé par l’initiative du Souverain.
Troisièmement, doter le ministère de la Santé des moyens financiers nécessaires et de procédures budgétaires agiles lui permettant d’accéder à tous les moyens techniques nécessaires et se préparer à toute éventualité. Ces moyens du ministère de la Santé s’additionneront à ceux des Forces Armées Royales, qui ont eu des directives royales dans ce sens.
Quel est le rôle du Comité de veille économique ?
La pandémie a des conséquences lourdes sur les plans économique et social en raison du ralentissement, voire de l’arrêt de plusieurs secteurs d’activité à l’international. Un Comité de veille économique coordonné par le ministère en charge de l’Économie et des Finances a donc vu le jour. Composé de représentants du gouvernement, du monde des affaires et des banques, il est chargé d’une part, de suivre de près l’évolution de la situation économique à travers des mécanismes rigoureux de suivi et d’évaluation et d’autre part, d’identifier les mesures appropriées d’accompagnement des secteurs impactés.
Le CVE a traité en priorité les mesures destinées aux salariés en arrêt de travail. Il s’est ensuite penché sur les premières mesures à l’adresse des TPME en difficulté. Des mesures fiscales transitoires ont été adoptées, qui resteront en vigueur jusqu’à juin 2020 : suspension du paiement des charges sociales ; mise en place d’un moratoire pour le remboursement des échéances des crédits bancaires et des leasings sans paiement de frais ni de pénalités ; activation d’une ligne supplémentaire de crédit de fonctionnement octroyée par les banques et garantie par l’État. Enfin, les entreprises dont le chiffre d’affaires de l’exercice 2019 est inférieur à 20 millions de dirhams (environ 1,9 million d’euros). pourront, si elles le souhaitent, bénéficier d’un report du dépôt des déclarations fiscales jusqu’au 30 juin 2020.
Qu’en est-il des salariés ?
Si les mesures précitées ont pour objet d’accompagner les entreprises en difficulté et les encourager à maintenir les emplois, des dispositions urgentes, qui resteront en vigueur là-encore jusqu’à fin juin 2020, ont été retenues en faveur des salariés. Tous les salariés affiliés à la Sécurité sociale, en arrêt d’activité car travaillant dans une entreprise en difficulté, bénéficieront d’une indemnité forfaitaire mensuelle de 2 000 dirhams net (185 euros), des allocations familiales, et de la couverture médicale. Cet appui sera apporté par le fonds spécial pour la gestion de la pandémie du coronavirus. Ces salariés pourront également bénéficier du report du remboursement des échéances des crédits bancaires (crédit consommation et crédit acquéreur) jusqu’au 30 juin 2020.
Le secteur informel pèse très lourd sur l’économie marocaine. Il repésente, selon une récente étude de la Confédération générale des entreprises du Maroc, un total de 2,4 millions d’emplois. Qu’est ce qui est prévu pour les familles qui dépendent de ce secteur et qui se retrouvent, à cause du confinement, en grande difficulté ?
Pour ce qui est des salariés non affiliés à la Sécurité sociale et qui opèrent dans le secteur informel, de par la difficulté à les identifier de manière ciblée, la réflexion se poursuit pour leur apporter le soutien nécessaire et adapté. À ce sujet, la réunion du CVE du 23 mars a été consacrée aux mesures d’accompagnement en faveur du secteur informel, directement impacté par le confinement obligatoire.
Il faut souligner ici la complexité et l’ampleur de cette problématique qui touche un nombre important de nos concitoyens. Il est donc nécessaire de préparer une plateforme dédiée qui assure la célérité de traitement des dossiers ainsi que le respect des consignes de confinement. À cet effet, une équipe technique a été constituée pour préparer les procédures de mise en œuvre.
Comme l’utilisation de smartphones pour transférer les aides aux travailleurs concernés ?
Il est trop tôt pour en parler. Nous examinons toutes les pistes mais rien n’est encore tranché. Nous n’avons pris aucune décision à ce jour.
Nombreux sont les secteurs sinistrés, à leur tête le tourisme. Qu’est-ce qui est fait pour sauver ce secteur ?
Les premières mesures adoptées jusqu’à présent ont une portée globale sur l’ensemble des secteurs touchés, sans différenciation. Effectivement, le secteur du tourisme est l’un des premiers secteurs affectés par les décisions sanitaires préventives. Il ne subit pas un ralentissement de l’activité, mais un arrêt total.
Un fonds spécial a été créé pour faire face à cette crise sanitaire. À qui profitera cet argent ? Qui décidera de sa répartition ?
Ce fonds a été créé le 15 mars sur hautes instructions de Sa Majesté Le Roi. Il sera réservé, d’une part, à la prise en charge des dépenses de mise à niveau du dispositif médical en termes d’infrastructures adaptées et de moyens supplémentaires à acquérir dans l’urgence. Il servira, d’autre part, au soutien de l’économie nationale, à travers une batterie de mesures qui seront proposées par le CVE, notamment en termes d’accompagnement des secteurs vulnérables aux chocs induits par la crise du coronavirus, ainsi qu’en matière de préservation des emplois et d’atténuation des répercussions sociales de cette crise.
Outre l’aide qui sera apportée aux entreprises, qu’en est-il des familles marocaines les plus démunies ? Comment vont-elles faire face aux charges, factures et autres dépenses ?
L’ensemble des mesures prises visent principalement à préserver l’emploi et à assurer un minimum de revenus pour les salariés issus des familles marocaines les plus démunies. Le Souverain nous incite toujours à mettre le social au cœur de toutes les interventions, et la santé du citoyen n’a pas de prix. En parallèle, le gouvernement assurera un suivi rapproché de l’état d’approvisionnement des marchés locaux en denrées alimentaires et ce, en renforçant les contrôles de manière à éviter toute hausse des prix ou spéculation.
Source: France 24/Mis en ligne: Lhi-Tshiess Makaya-Exaucée