Coronavirus : que s’est-il réellement passé à la frontière tuniso-libyenne ?

Des policiers tunisiens recherchent des assaillants toujours en fuite dans la banlieue de Ben Guerdane, dans le sud de la Tunisie, en mars 2016 (image d’illustration). © Feres Najar/AP/SIPA

Des vidéos affirment que des centaines de Tunisiens ont forcé le passage au poste de Ras Jédir, au soir du 20 avril, pour fuir la Libye. Que s’est-il passé précisément ? Qui sont ces individus ? Ont-ils été placés sous surveillance ? Les réponses de Jeune Afrique.

Depuis la fermeture des frontières, le 16 mars, et la mise en place d’un confinement strict une semaine plus tard, près de 20 000 ressortissants tunisiens sont bloqués en Libye, sans perspectives claires sur leur retour au pays. Est-ce en désespoir de cause que des centaines d’entre eux ont tenté de forcer les frontières, ce lundi 20 avril ? Lotfi Sghaïer, directeur général de la police des postes frontières, a démenti à la télévision nationale Wataniya 1 toute entrée illégale sur le territoire. « Il n’y a pas eu de vide sécuritaire, assure le fonctionnaire. Pour éviter d’avoir des victimes parmi ces voyageurs, il leur a été permis d’entrer du côté tunisien. »

  • Que s’est-il passé précisément ?

Selon le président de l’Observatoire tunisien des droits de l’Homme, Mostapha Abdelkebir, « 1 300 Tunisiens s’étaient regroupés non loin du poste de Ras Jédir », fin mars, pour réclamer leur rapatriement. Lundi, « près de 700 (Tunisiens) sont arrivés d’un coup, assez nerveux, en faisant du bruit, pour obliger la police à les laisser passer », raconte la même source à l’AFP. En réalité, ils ont forcé la porte donnant accès aux deux kilomètres de no man’s land entre la Libye et la Tunisie et ont été reçus, après cette course folle, par les autorités tunisiennes.

  • Les autorités ont-elles été débordées ?
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Depuis l’avancée des troupes du général Khalifa Haftar vers l’Ouest libyen, la Tunisie a renforcé sa présence militaire aux frontières. Mais les incidents dus à l’arrivée massive de Tunisiens ne sont pas du ressort de l’armée, dont le rôle est de protéger le territoire d’offensives ennemies. Le contingent a néanmoins prêté main forte aux forces de l’ordre pour contenir la foule, la canaliser vers les contrôles de police et de douane, et opérer ensuite un tri sanitaire et sécuritaire.

Certains observateurs s’étonnent de l’absence d’anticipation et de réactivité côté tunisien, alors que le risque d’intrusion par les frontières Sud est permanent. Pour le Croissant rouge, les autorités libyennes ont délibérément laisser les Tunisiens s’engager dans la zone tampon qui sépare les deux pays. Nul n’est toutefois en mesure de dire si ordre a été donné de laisser faire, et par qui.

  • Qui sont précisément ces voyageurs ?

Il s’agit de Tunisiens, travaillant pour la plupart en Libye, « des journaliers dans une situation humanitaire terrible », souligne à l’AFP Abdelkarim Regaï, du Croissant rouge. Tous tentaient de fuir les combats entre pouvoirs rivaux qui se sont intensifiés dernièrement. La plupart craignait de tomber entre les mains des troupes du général Haftar, qui reproche à la Tunisie de soutenir le gouvernement d’union national (GNA) de Tripoli, conduit par Fayez al-Sarraj.

Pour échapper à l’offensive des uns et à la riposte des autres, la seule solution était de regagner la Tunisie. « La Tunisie avait prévu un plan d’évacuation par groupe de 200 personnes », explique le ministre tunisien du Transport, Anouar Maarouf. Le plan a tardé à être mis en œuvre, tandis que le nombre de ressortissants parqués dans le désert, dans des conditions inhumaines et dans une extrême-précarité, grossissait à vue d’oeil. « Le paquet de biscuit, qui coûte 1,5 dinar d’habitude, était vendu à 6 », rapporte un témoin.

  • Pourquoi y a-t-il confusion sur leur nombre ?
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Dans un premier temps, le ministère de l’Intérieur a nié l’existence d’un incident aux frontières. Avant de reconnaître l’entrée de 652 personnes par le poste de Ras Jédir. L’agence de presse publique, Tunis Afrique Presse (TAP), évoque plus de 1 000 personnes, en comptant ceux dont l’identité n’a pu être vérifiée, qui n’ont donc pas été autorisées à entrer en Tunisie, et qui demeurent à ce stade entre les mains des autorités. Mais la multiplication des chiffres a semé la confusion.

  • Leur entrée en Tunisie est-elle problématique ?

Le ministère de l’Intérieur se veut rassurant quant aux craintes sur l’éventuelle arrivée de membres d’organisations jihadistes : à l’approche du ramadan, la majorité des ces voyageurs veulent simplement rentrer chez eux. Aussi, d’autres passages devraient être autorisés dans les jours à venir, a en croire une source diplomatique tunisienne citée par l’AFP.

Quid des cas qui intriguent les autorités ? Ceux dont l’identité n’a pu être établie ? « Ce pourrait être des éléments terroristes qui profitent d’une situation chaotique pour s’infiltrer en Tunisie », explique Bassel Torjeman, expert en groupes terroristes libyens. Le même rappelle qu’une connexion a été prouvée entre des milices libyennes et les auteurs de l’attentat contre l’ambassade des États-Unis, en février 2020.

  • Ces voyageurs sont-ils sous surveillance ?

Les 652 personnes contrôlées par les autorités de police et de douane ont été escortées vers leurs régions d’origine. Sbeïtla, dans l’ouest, en accueille cinquante. Les transferts se sont faits par bus – 16 cars ont été mis à disposition par le ministère du Transport -, sous contrôle du Croissant rouge tunisien. Pandamie de Covid-19 oblige, les voyageurs ne retrouveront pas leurs familles tout de suite, et seront d’abord hébergés dans des centres de quarantaine. En revanche, ceux qui font l’objet de poursuites judiciaires sont pris en charge par les unités sécuritaires.

  • Les échanges tuniso-libyens sont-ils suspendus?
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Les frontières tunisiennes sont fermées depuis le 16 mars, mais des exceptions semblent être admises pour la Libye, deuxième partenaire économique du pays. Le 17 avril, deux vols de Libyan Wings à destination de Tripoli ont fait escale à l’aéroport de Monastir. Plus étonnant encore en période de confinement sanitaire strict, la mise en place le 26 avril d’une navette maritime entre Sfax (Est) et Tripoli pour fournir la Libye en fruits et légumes. L’annonce a été faite par le ministère tunisien de l’Agriculture, des Ressources hydrauliques et de la Pêche.

Source: Jeune Afrique /Mis en ligne :Lhi-tshiess Makaya-exaucée


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