COTE D’IVOIRE : Entre politique et développement, Lanciné Diaby, ce commis d’Etat qui rêve gros

Il est un touche-à-tout du développement. Finance, économie, travaux publics, grands projets, planification, l’ingénieur sobre et discret est à la tête du Fonds d’entretien routier (Fer). La cinquantaine, cet ancien agent de la Banque africaine de développement (Bad) est un grand commis d’Etat, à califourchon entre la politique et le développement. Portrait d’un homme qui veut vivre loin des lumières.

Fin avril 2021. Le conseil d’administration du Fonds d’entretien routier se réunit au grand complet à Abidjan. Une session ordinaire qui passe au vitriol la gestion de cette stratégique société publique. Et comme on devait s’y attendre, c’est sous les applaudissements que Joachim Djédjé Bagnon, président dudit conseil accorde tout quitus au directeur général. Une approbation unanime saluée par la presse locale comme « une exception » dans une Afrique où corruptions, malversations et magouilles ont pignon sur rue. Mais un renouvellement de confiance que le directeur général prend avec la sobre modestie qui l’a toujours caractérisé. « Je fais avant tout mon travail » a-t-il laissé entendre, surpris d’être tant congratulé pour ce pour quoi il a été nommé. Le maire de Samatiguila (nord ouest) travaille, concomitamment, à un plan révolutionnaire pour cette commune des moins loties du pays économiquement et dont la proximité avec la frontière malienne en ajoute aux défis de sécurité et de stabilité. En un peu moins de quatre ans à la tête du Fer, Lanciné Diaby a modernisé cette structure tout en confortant sensiblement son apport à l’entretien des routes et au budget de l’Etat.

Le « Fonds » des grandes ambitions

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Sa stratégie au Fonds d’entretien routier visait en première ligne à crédibiliser une structure qui avait eu du mal à suivre le rythme des grandes constructions imposé par Alassane Ouattara. Ensuite, il devait construire une image rassurante et faire comprendre aux populations l’utilité de ce service stratégique de l’Etat.  La certification ISO 9001, 2015 du Fer est un couronnement dont il peut aujourd’hui être fier. Une victoire qui multiplie les partenaires potentiels et rassure les soutiens de ladite société alors que la route est le cœur de la politique du président ivoirien. Entre 2017, son arrivée et 2019 seulement, la capacité de financement du programme d’entretien routier est passé de 74 à 151 milliards de FCFA. Une augmentation de plus de 100% en deux ans. Ce qui a poussé l’Agence de notation financière panafricaine, Bloomfield Investment à attribuer la note A1 à l’entreprise publique. De grands projets sont actuellement en élaboration. Tout cela n’aura été des acquis sans un parcours si bien adapté. Depuis son entrée sur le marché de l’emploi jusqu’à sa nomination en août 2017, Lanciné Diaby a été modelé pour le job. Et son refus de se satisfaire des réalisations le pousse à aller loin, toujours plus loin.

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Un parcours de prédestination

Toute la vie de ce fin politicien prudent et introverti aura été dans les finances et le développement. « Il est plus technique et technocrate que politique » avance l’un des membres du gouvernement ivoirien qui le connaît bien. Pourtant Lanciné Diaby est aussi un politique aux ramifications insoupçonnables qui, par ses longues expériences internationales, tient en partie pour le compte de la majorité présidentielle, la turbulente diaspora ivoirienne. Son arrivée en 2019 comme directeur exécutif adjoint en charge des militants de l’extérieur est donc venue à point nommé. A ce titre, il a bien fait de redynamiser les militants de l’extérieur tout en débauchant, en bon politicien africain, quelques grands gueules d’activistes vivant hors de la Côte d’ Ivoire. Eloquent et mobilisateur, celui qui préfère le terrain du développement à la politique politicienne a dû haranguer les foules dans les grandes capitales du monde notamment à Rome, Bruxelles, Genève ou encore Paris, avec pour but visé, « de contribuer comme il peut à la réélection de Ouattara », pari gagné.  Il aura servi son pays sous tous les régimes depuis plus de 25 ans. Une carrière qui a débuté à la Banque africaine de développement où il passe la moitié de l’année 1992. Puis il entre l’année suivante au très sérieux Bureau National d’Etudes Techniques (Bnetd). Après une longue carrière dans les divers projets d’infrastructures routières et de développement, il passera, dès 2011, 6 années comme Directeur Général du Plan et de la Lutte contre la Pauvreté. Une expérience qui a construit sa détermination politique à faire de la lutte contre la pauvreté, son vademecum, où qu’il se trouve. Cette étape de sa vie a aussi renforcé la sensibilité d’un homme dont la générosité est bien connue. L’organisation en 2018 d’une vague d’opération d’hernie en faveur de 100 personnes en est une parfaite illustration.

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La loyauté en cerises

S’il a deux obsessions, c’est le travail et la loyauté. « Il est souvent le dernier à quitter son bureau » sourit un proche collaborateur. Dans un pays si tribaliste, cet acteur cardinal de l’ambitieux Plan national de développement (Pnd) 2016-2020 d’une cagnotte de 30.000 milliards est hostile à l’ethnocentrisme. « Il a en horreur le népotisme » et n’a, selon un membre du conseil communal de Samatiguila qu’un seul et unique référent, « la compétence ». Quoi de plus normal pour celui qui a fait de sa vie et de son quart de siècle de carrière technique, une vie de défis. Beaucoup d’experts internationaux doutaient de la capacité de la Côte d’Ivoire à pouvoir mobiliser un montant aussi colossal que celui du Pnd. Mais le refrain de Laciné n’a point changé « l’intransigeance objective et la détermination repousse les limites ». Ce plan national qui en a inspiré beaucoup d’autres sur le continent restera une réussite, ce qui a contribué à relancer une économie qui a porté, pendant trois décennies, tous ses voisins de la sous-région. L’autre obsession, la loyauté à celui à qui il affirme devoir une grande partie de sa carrière, Alassane Ouattara. Le président ivoirien l’a régulièrement mis au défi. Il aura ainsi piloté le projet de retour de la Banque africaine de développement (Bad) à son siège initial d’Abidjan, délicate mission menée à bon port. Bien avant, il a conçu le Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté (DSRP) qui a permis au pays d’accéder à l’Initiative PPTE 2009 et mené trois grandes enquêtes sur la pauvreté, ce qui a permis de déterminer un plan efficace de lutte contre ce fléau.

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Face à ce parcours sans pareil et à l’abnégation dans une totale discrétion, il y a de quoi, de temps en temps, rendre hommage à ces commis d’Etat. Car c’est dans l’ombre et loin des caméras que ces serviteurs de la République construisent nos Etats de demain.

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Tribune d'Afrique

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